Souvenir : les studios photos en voie de disparition à Brazzaville
Il suffit d’observer quelques grandes artères de la ville pour s'en rendre compte. On compte à peine des doigts quelques laboratoires qui tant soit peu qui continuent à développer des photos: Suzanne photo et Orchidée numérique au Centre-Ville, Labo photo Kim à Poto-Poto dans l’arrondissement 3, Studio Photo Cardinal à Ouenzé dans le cinquième arrondissement… Si, comme pour l’écriture, ce n’est pas parce que l’on sait écrire que l’on devient écrivain, pour les métiers de l’image c’est pareil. D’ailleurs, contrairement à l’actuel Photoshop, il existait déjà un outil semblable appelé chambre noire, qui servait à corriger les images. En plus de ça, les photographes savaient mettre à l’aise leur modèle et régler correctement leurs appareils. Aussi, une fête de Noël ou du Nouvel An s’achevait toujours par un détour au studio du coin où, paré de ses beaux habits, on se faisait prendre en photo et souvent en bande d’amis ou avec quelques membres de sa famille. De même, un soir de mariage ou d’anniversaire se concluait par une visite chez le photographe, attiré pour des prises de vue destinées à garnir l’album photo qu’on gardait en souvenir. Le photographe mettait de la dextérité sur ses prises ainsi que des décors autour des reproductions. Les générations des années 50 à 80 accrochaient leurs photos noir et blanc dans leurs salons et chambre et, cette coutume s’en est suivie jusque dans les années 2000. Pierrette May, la cinquantaine révolue, habitant le quartier Ouenzé, tressailli de joie lorsqu’elle se souvient durant son adolescence, de son empressement à se rendre au studio photo du coin dès qu’elle avait de vêtements neufs. Elle y retournait trois ou quatre jours après pour prendre procession des cartes qu’elle mettait ensuite dans son album : « j’avais toute une collection de photo que je faisais voir à mes amis lorsqu’elles venaient me voir à l’internat quand j’étudiais à Loubomo (actuel Dolisie dans le département du Niari) », se souvient-elle. Et d’ajouter « j’ai encore quelques-unes que je montre à mes enfants, histoire de leur faire comprendre que moi aussi je me suis bien amusé dans mon adolescence ». A en croire Lebon Ziavoula, photographe et promoteur du festival Kokutan’art, « la donne a totalement changé depuis l’arrivée du numérique. Les studios photos sont devenus l’ombre d’eux mêmes. Pourtant les photographes de l’époque subissaient des formations pour devenir professionnel. Si bien qu’aujourd’hui on assiste à l’émancipation des photographes ambulants sous forme de shooter proposant des services. Appareil numérique en main, ils font le tour des cérémonies familiales, immortalisant les temps forts, le temps d’aller tirer les photos, les présentent en quelques minutes des reproductions au prix de 500cfa voir 1000cfa. Ce qui fait que les gens ont perdu cette culture-là d’aller dans les studios » explique-t-il Soulignons que même si les studios photos ont pour la majorité fermé leurs portes, un amateur ne remplacera jamais un professionnel. Et si la photo prend une place importante dans la vie de tous les jours, il ne faut pas oublier de profiter de l’instant présent.
Divine Ongagna Légendes et crédits photo :photo souvenir en noir et blanc |