Les Dépêches de Brazzaville



Tollé sur la toile : le viol pour divertissement...


Dans la nuit du 30 août 2021, se produisait en plein direct sur « La Nouvelle chaîne ivoirienne », une hécatombe en termes de valeurs humaines et de dignité de la personne.

L'animateur de l'émission "La Télé d'ici vacances", Yves De Mbella, fort de son assurance, recevait un ancien violeur, ayant agressé plusieurs femmes, fait la prison et récidivé ses crimes mais se disant repenti ; et venait raconter avec une légèreté déconcertante sa vie de criminel.

Si l'émission avait pu être passable jusque-là pour les téléspectateurs, est vite arrivé l'instant fatidique où le pire a été commis. L'ex-violeur a été conduit vers une estrade à montrer comment il procédait lors de ses viols. Comme s'il s'agissait d'un banal tutoriel, l'ancien violeur, encouragé par l'animateur vraisemblablement emporté par le moment, reproduisait étape par étape, comment il abordait et neutralisait ses victimes. La scène paraissait tout droit sortie d'un monde parallèle où les antivaleurs seraient reines.

Dans un dialogue tout à fait improbable, le violeur et son accompagnateur l'animateur ont tenté de violer le mannequin expressément mis à disposition pour cette reconstitution, mannequin qui symbolisait là toutes les femmes abusées, violentées, un jour où tout a basculé pour elles ou de façon récurrente, traumatisées à vie, à en perdre leur confiance en elles, en la gent masculine et en la vie, à tout jamais angoissées par l'effleurement de la main d'un homme, incapables d'avoir une intimité normale même dans leurs mariages, exclues, bannies, voilées par la honte et la culpabilité et parfois, se donnant la mort.

Dans une quête de divertissement à en perdre l'essence humaine qui différencie cette race qui se veut supérieure au bestial, cette chaîne a mis en lumière la dégradation des mœurs de la société africaine. Cet acte aussi répréhensible soit-il ne peut être le fruit d'un diablotin apparu subitement sur les épaules de l'animateur et de ses équipes.

De même, avant qu'un sujet ne soit validé, programmé et diffusé, aussi acclamé par le public en présentiel, la chaîne de production est longue et, quels que soient les besoins de divertissement, un pareil acte ne peut être ni approuvé ni applaudi.

Les habitués de l'émission qui se sont exprimés sur la toile reconnaissent à son animateur une certaine légèreté et une disposition à la provocation concernant les sujets liés au genre et à la sexualité, mettant parfois ses invitées hors de leur aise.

S'il est vrai qu'Yves De Mbella s'est distingué par son talent, à en être élevé en dignité dans son pays d'origine et dans le monde, il n'en demeure qu'il n'est pas au-dessus des valeurs morales africaines et simplement humaines, ni même au-dessus de la loi.

Après des réactions d'indignation dans le monde et sur la toile, des sanctions ont été prises contre les autorités compétentes, contre l'animateur et contre sa chaîne qui au passage lui a donné vacance définitive de ses services.

Sur un continent où la femme est considérée et traitée comme une sous-espèce, forcée à demeurer dans une position de servitude, et qui se voit souvent réduite à un objet sexuel, de tels actes doivent créer des déclics et occasionner un profond changement des mœurs et renouvellement de l'éducation donnée aux garçons et aux filles.

« Lutter contre les violences sexuelles, c'est emmener les hommes à comprendre que les femmes ne sont pas des objets, que les femmes sont aussi égales aux hommes et qu'elles sont créées aussi à l'image de Dieu », dixit le Dr Denis Mukwege.

 

 


Princilia Pérès

Légendes et crédits photo : 

Photo 1: Yves De Mbella, l'animateur de l'émission/DR Photo 2: Les manifestants devant NCI à Abidjan pour dénoncer la culture du viol/DR