Les Dépêches de Brazzaville



Tranche de vie racontée... : "J'ai laissé une jambe à Bangui", raconte Léonelle


Léonelle ne dira rien sur son mari. "Si tu ne le dis pas, c'est toi que l'on va tuer à sa place !"  Mais les soldats tchadiens de la Seleka ne sont pas tous d'accord sur cette condamnation à mort improvisée et parlementent longuement entre eux tandis que Léonelle est couchée à même le sol, arme braquée sur la tempe. Au final, ils ont posé leurs mains sur sa bouche pour l'empêcher de crier : "Si tu cries on te tue" et puis, c'est une balle qui n'a pas le temps de siffler et une autre, à bout portant dans le pied ! "Nous reviendrons ! " Et ils reviennent : plus tard à l'hôpital alors qu'Arnaud est allé par "chance" à la pharmacie… Pour Léonelle c'est la dernière fois qu'elle voit son mari, sans savoir si aujourd'hui il est vivant où mort ! Pour le chirurgien, le verdict est sans appel : "Il faut amputer cette jeune femme" ! Quelques temps plus tard, à l'aéroport de Bangui M'poko où sont déplacés de nombreux civils, Léonelle met au monde son bébé. Il s'appelle Arnel et c'est lui désormais qui la porte sur la terre, lui qui lui redonne son sourire : immense ! Et Léonelle sourit aux anges !

Pour oublier la crise sécuritaire, un camion de fortune emporte alors la jeune maman et l'enfant. Avec eux : Ghislaine, la mère de Léonelle, Jordi le petit-frère. Le frère aîné aura eu moins de chance et laissé sa vie à Bangui dans cette guerre civile, un autre frère et une soeur ont réussi à fuir à Brazzaville. Le camion de fortune s'arrête à Betou, extrême Nord de la République du Congo. Réfugiée au camp du 15 avril, Léonelle doit reprendre la "marche" de sa vie avec de vieilles béquilles de bois, elle qui aimait danser la rumba. Lylian, psychologue à l'UNFPA (Fonds des Nations unies pour la population) l'aide à vaincre ses incessants cauchemars, l'encourage à sourire et sourire encore et toujours à son bébé. Léonelle aimerait reprendre ses études, là où elle les avait laissées, en classe de seconde. Mais pas avant de se sentir une élève comme les autres, du moins en apparence, car elle n'a plus qu'un seul rêve : une prothèse !

Après 9 mois passés à Betou son rêve s'apprête à devenir réalité. L'antenne Congo Brazzaville de l'UNFPA, qui lui porte assistance dans son rôle de femme et de mère, a pris toutes les dispositions nécessaires pour qu'elle voyage en ce mois de novembre jusqu'à Brazzaville et pour qu'elle retrouve artificiellement l'usage de sa jambe. Léonelle, dans un sourire plus large encore, pourra porter son bébé âgé aujourd'hui de 7 mois dans ses bras, reprendre ses études… L'histoire de Léonelle sera interprétée prochainement par Idylle Mamba, chanteuse centrafricaine, actuelle finaliste du Grand Prix RFI 2014 et interprète de "One Africa", un titre enregistré avec Youssou N'Dour en faveur de la paix en Centrafrique.

 


Philippe Édouard, en collaboration avec le FNUAP