Que viva Papa Wemba et Viva la Musica : De Molokaï à l’immortalité

Lundi 9 Mai 2016 - 12:48

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La République démocratique du Congo et l’Afrique viennent de perdre une star planétaire que l’on ne peut circonscrire dans une case particulière. Un homme, plusieurs styles, plusieurs sobriquets qui dénotent les nombreuses facettes de l’illustre disparu: Jules Presley, chef coutumier du village Molokaï, Kuru Yaka,  Papa Wemba, Bokul, Bokulaka, Mwalimu, Ekumanyi, Vieux MuZee, Maître d' école, le roi de la Sape, le roi de la rumba…Tous ces surnoms décrivent un parcours riche et révèlent la grandeur de l’homme. Que retenir de Papa Wemba ? Le collectif des agences de communication congolaises vous invite à  un voyage à travers Shungu Wembadio.

Un humble au grand cœur

Dans la pléthore de témoignages un mot revient sur plusieurs lèvres : humilité. Malgré son immense talent et sa notoriété qui dépassaient les frontières nationales et continentales, il était resté humble et proche du commun des mortels.  Attaché à Matonge, quartier au cœur de l’ambiance de Kinshasa la capitale, où il est né sur l’avenue Kanda-Kanda, il venait régulièrement s’y ressourcer et participer à plusieurs événements heureux ou malheureux. C’est de là que tout est parti en 1977 avec la création de l’orchestre Viva la Musica.

Un tenancier d’un nganda – ces petits bars où l’on vend boissons et grillades en plein air – sur l’avenue Oshwe, le qualifie de «  Dandy humble ». Deux termes qui semblent antagonistes mais qui résument bien la personnalité de Bokul. Un être capable de s’adapter à l’ambiance des quartiers moins nantis ou des palaces, de s’exprimer avec le même enthousiasme tant dans les  petits bars  de  Kinshasa que  dans les grandes salles mythiques à Paris, New-York, Tokyo, Montréal et sur les scènes des festivals à travers le monde.

Un autre trait de caractère qui ressort au fil des témoignages c’est l’homme au grand cœur. Pour les jeunes du quartier qui l’appellent affectueusement «  Papa » ou « Vieux – sous entendu Bokul », il était celui que l’on allait voir pour les conseils et les orientations. Sa générosité légendaire était souvent sollicitée pour régler  des problèmes de frais de scolarité, contribuer à des  funérailles ou résoudre d’autres soucis de la vie quotidienne.  Un ami proche, qui dépendait totalement de lui confie le regard hagard son désarroi. Un autre nous exhibe, une montre de grande marque souvenir d’un de  ces élans de générosité dont il avait le secret.

Le roi de la SAPE

Depuis l’annonce de la disparation de l’icône de la musique congolaise, tout se passe autour des avenues M, Oshwe, Lokolama, K A I ( MOLOKAI en sigle). C’est là que se réunissent les proches du quartier, les fans et les disciples. Dans les rues avoisinantes les adeptes de la religion Kitendi font leur adieu au porte-étendard de la SAPE (Société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes). Comme un pied de nez à la mort, ils arborent durant cette période de deuil leurs plus beaux atours. L’adieu à Papa, se fait sous forme de « Battles » des fringues. Pas pour faire la guerre mais pour honorer et saluer celui qui leur a inculqué l’art du propre : «  bien rasé, bien coiffé, bien parfumé, na ba griffes yasomo ! »

Les griffes Papa Wemba savait les manier et les mélanger avec finesse et originalité. On pouvait le croiser le matin en style américain plus relax, l’après-midi en costard british «  classic man » et le soir en tenue plus excentrique digne d’un défilé de mode d’un styliste italien, français ou japonais.  L’élégance de son âme se reflétait dans ses accoutrements et lui donnait une aura particulière et universelle. 

Précurseur et explorateur musical

Dans la musique comme dans la mode, Papa Wemba était un visionnaire et précurseur. Il a  toujours pris des risques musicalement. Dans la seconde génération de la musique congolaise, il est le premier à explorer la piste de la musique traditionnelle et à l’intégrer dans son répertoire. Analengo, puisant dans le folklore Tetela, son ethnie d’origine.

Il sera aussi l’un des premiers africains à s’aventurer dans le terrain de la World Music. Sa collaboration avec Peter Gabriel donnera naissance à deux albums phares «  Le voyageur » et « Emotion » qui restent graver dans les mémoires des amoureux de la musique. 

Ouvert à plusieurs styles musicaux, il a fait du Gospel (avec le chœur Luc Gillon), du classique (avec l’orchestre de chambre del’INA), du Jazz ( La passion du maître ? ).

Acteur ,« playeur » et formateur

Artiste complet, il fera aussi des incursions dans le septième art avec notamment l’interprétation du rôle phare dans le film de Ngangura Mweze «  la vie est belle » et s’était mis à la peinture avant de nous quitter.

Dans sa vie, il a plusieurs facettes qui semble découler d’une schizophrénie entretenue qui sépare la vie de Shungu Wembadio – le père, le chef de famille, le vieux du quartier- de celle du Kuru yaka. Jules Manswa l’un des fidèles parmi les fidèles parle même d’une segmentation des relations.   «  Il avait clairement divisé en compartiments sa vie ;  il y avait les amis de tous les jours, les relations d’affaires, les amis pour la fête et l ‘ambiance… »

En jouant sa vie comme un rôle dans le cinéma planétaire, Papa Wemba a fait briller son étoile sur plusieurs.  Dans sa filmographie plusieurs acteurs de second rôle on été propulsés au premier car il partageait son savoir-faire et sa lumière artistique avec les autres.   De King Kester à Awilo Longomba en passant par Reddy Amissi et Stino Mubi, il a laissé une école qui a le défi de préserver son style et sa mémoire.

Humaniste engagé

Humaniste ayant le souci du plus grand nombre, il a chanté pour plusieurs causes humanitaires et participé à plusieurs actions pour la défense des droits humains. 

Plusieurs chansons reflètent son combat pour la cause de l’Afrique et du peuple  noir – Le voyageur,  Logembo dans  Bazonkion – son nationalisme «  Ebalé ya Congo » et l’unité africaine.  Plusieurs associations humanitaires louent son abnégation et son engagement pour les plus démunis.

Le sacre de la rumba

Au seuil de sa vie, il est couronné roi de la Rumba. Un titre mérité au regard de son cheminement artistique. Il lègue à l’humanité plus de 1000 chansons et  plusieurs albums qui continueront à faire le bonheur des mélomanes du monde entier.

Que Viva la Musica ! Que Viva Papa Wemba.

Pour le collectif MMD

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