Cour suprême de justice : controverse autour de l’immunité du député Muhindo Nzangi

Samedi 17 Août 2013 - 13:26

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 On s’interroge dans l’opinion sur le sens de l’article 107 de la Constitution qui garantit aux députés nationaux la jouissance de leurs immunités alors que cette disposition est constamment bafouée dans les faits.    

    

L’affaire fait grand bruit dans les milieux judiciaires et parlementaires. Ce n’est pas tous les jours qu’un député national est traduit en justice et jeté en prison. Et pourtant, c’est ce qui vient d’arriver au député Muhindo Nzangi, cadre du Mouvement social pour le renouveau (MSR), condamné à trois ans de prison ferme pour atteinte à la sureté de l’État au terme d’un procès en flagrance. Cette décision judiciaire suscite actuellement une vive controverse dans les milieux politiques où l’on s’interroge sur le sens de l’immunité parlementaire dont n’a, hélas, pu bénéficier l’infortuné. Pourquoi ?

À l’opposition, c’est le tollé général. On croit savoir que l’incriminé dont les propos tenus sur une station de radio émettant à Goma étaient jugés subversifs était bel et bien en vacances parlementaires et, de ce fait, ne pouvait pas être poursuivi, arrêté ou détenu à la suite de ses opinions. « Lorsqu’un député est en vacances parlementaires et qu’il émet des opinions pendant ses vacances, il ne peut être poursuivi en justice », estime Justin Lengaj, un membre du MLC. Il estime que l’article 207 de la Constitution qui garantit aux députés la jouissance de leurs immunités a été bafoué. « Il y a des conditions requises pour qu’ils soient poursuivis, recherchés, arrêtés, jugés ou détenus », indique-t-il tout en précisant que dans le cas d’espèce, l’immunité de Muhindo Nzangi devrait agir.

Pour certains juristes cependant, la procédure de flagrance dans ce cas a été respectée par la Haute cour d’autant plus que la Constitution autorise qu’un parlementaire pris en flagrant délit soit poursuivi par la justice. Intervenant sur la radio onusienne, Tshibangu Kalala tient à fixer les esprits sur les fameuses immunités parlementaires: « Elles ont pour but de permettre au parlementaire de travailler dans des bonnes conditions sans être inquiété. Au cours d’un débat parlementaire en plénière, lorsqu’un député demande la parole pour donner son opinion ou ses avis, on ne peut pas le poursuivre en justice parce qu’il a dit des choses. Ça peut se faire également dans le cadre d’une commission parlementaire. Là, c’est l’exercice de son mandat en tant que parlementaire. C’est bien encadré, c’est bien limité », dit-il. En dehors de la plénière ou en commission, cette immunité ne joue pas en faveur d’un député qui émet ses opinions. Dans ce contexte, précise-t-il, le député devra rester prudent car il peut être à tout moment poursuivi pour imputations dommageables, calomnie ou pour tout autre fait répréhensible.

Gare à toute déviation

Abordant dans le même sens, d’autres acteurs politiques de la majorité essentiellement estiment qu’il ne faut pas faire de l’amalgame dans ce dossier judiciaire qui ne concerne qu’un député national. « La faute commise par le député Muhindo Nzangi est individuelle et non collective », soutient un analyste tout en considérant qu’il en paye le prix en répondant seul de ses actes. Dans certains milieux, l’on craint une déviation dans le chef de la justice qui risque de s’en prendre désormais aux députés sans tenir compte de leurs immunités. Là-dessus, des exemples sont légion.  

Le plus navrant dans tout ceci, soutiennent d’autres sources, c’est le fait que le député MSR aurait été traité sans ménagement après sa participation à l’émission « Kivu One » dans laquelle il avait tenu les autorités politiques congolaises pour responsables de l’instabilité chronique dans laquelle croupit le Nord-Kivu. D’après certaines sources, il aurait été ramené sous escorte militaire à Kinshasa où son procès a été organisé en procédure de flagrance.

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Des députés nationaux pendant une plénière