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Afrique centrale: pannes frontalières

Samedi 20 Janvier 2024 - 17:22

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A quand le lancement d’une initiative de paix globale pour l’Afrique en général et l’Afrique centrale en particulier ? Sous-région constituée de onze États, tous membres d’une communauté de destin (1), cette partie du continent dotée d’importantes ressources naturelles est confrontée à un ensemble de défis qui freinent son développement. La faiblesse de ses politiques d’intégration sous-tendue par l’absence d’une vision cohérente en matière sécuritaire explique les soubresauts observés à ses frontières. 

A propos de l’intégration, le nombre croissant de sous-ensembles économiques et les adhésions qu’ils suscitent renseignent à la fois sur le dynamisme des volontés de mutualiser les efforts et sur la persistance d’une certaine coquetterie d’autant plus que comme on le sait, qui trop embrasse mal étreint. Peut-être que pour les gouvernements, à ces rapprochements prévalent des raisons stratégiques dont ils ont seuls le secret, mais au résultat les lourdeurs administratives plombent ces organisations.

Au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), six de ses membres font partie de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale; d’autres ont le ticket de la Communauté économique des pays des Grands Lacs, du Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe, de la Communauté de l’Afrique de l’Est et de la Communauté de développement de l’Afrique australe. Ces expériences sont-elles porteuses de valeur ajoutée ? Sans doute.

En même temps, le terrain présente des indications contraires à la vision partagée d’intégration telle qu’elle s’exprime à travers les instances citées plus haut. L’exemple de trois pays de la CEEAC entrés en récession diplomatique pour des raisons d’ordre sécuritaire. S’accusant mutuellement d’entretenir des « forces négatives », entendu des mouvements rebelles responsables d’exactions de part et d’autre, le Burundi, la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda ne se parlent plus que pour avertir d’une probable guerre éclair destinée en quelque sorte à « nettoyer » la frontière avec le voisin récalcitrant.

Le 11 janvier, le Burundi a ainsi décidé de fermer ses frontières avec le Rwanda jusqu’à nouvel ordre. Pour Gitega, Kigali est « un mauvais voisin ». Cette position des autorités burundaises rejoint celle de leurs homologues de la RDC, convaincues que le Rwanda soutient les rebelles du Mouvement du 23 mars (M 23). Défaits en 2012, ces derniers ont resurgi en 2021 mettant à mal les liens qui étaient en passe de se rafraîchir entre Kigali et Kinshasa. Il y a quelques jours, le 16 janvier, pour s’être retrouvés « par inadvertance » de l’autre côté de la frontière, un soldat la RDC a été « neutralisé » par les forces rwandaises, et deux autres capturés.

On voit à quel point la situation est complexe en Afrique centrale. Insister sur la nécessité de relancer le dialogue entre les pays en crise ne signifie nullement fermer les yeux sur les problèmes réels qui les opposent. C’est malgré tout la seule option qui vaille si l’on veut donner la chance à la paix, socle essentiel pour assurer une vie convenable aux populations vouées à l’errance du fait des guerres en cours depuis plusieurs années aux frontières de ces trois Etats et au-delà.

Dans son « Premier rapport d’évaluation stratégique sous régionale » datant de mars 2017 (p.49), le Programme des Nations unies pour le développement publiait des chiffres préoccupants sur le nombre de réfugiés de la RDC chez ses voisins. Ils étaient « 57 700 au Burundi, 23 200 en République du Congo, 74 000 au Rwanda, 55 400 en Tanzanie ». Ces données ne sont certainement pas exhaustives. En revanche, la volonté de vivre en paix l’est entière pour les onze pays de la CEEAC et leurs peuples. Malheureusement nos frontières posent problème et cela dure trop longtemps.

 

  1. Les onze pays membres de la CEEAC sont : Angola, Burundi, Cameroun, Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine, République démocratique du Congo, République du Congo, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe et Tchad.   

 

Gankama N'Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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