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Ces oubliés et ces méconnus de l’histoire congolaise : Le foot-pelote

Jeudi 20 Juillet 2017 - 15:17

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Le football, sport apporté par le colon blanc, est entré de longue date dans les mœurs au Congo. Un football d’élite existe depuis des années à Brazzaville. À côté, on trouve, ce que l’on désigne, au cours des années 50 et 60, le foot-pelote, football de rues et des terrains vagues, et dont le nom trouve, semble-il, son origine dans la similitude de la balle utilisée dans sa pratique avec la pelote, boule constituée d’un long fil (de textile) enroulé sur lui-même. Le foot-pelote est le vivier de nombreux talents des Premiers Jeux africains de Brazzaville dont on fête cette année le 52ème anniversaire.

Le foot-pelote est la distraction essentielle des jeunes de Brazzaville. Comme le dit Foundoux Mulélé, dans un ouvrage à paraître prochainement : « Les 50 gloires nationales du 20ème siècle », « Dans les années 1950 et 1960, nous étions, pour la plupart, des jeunes footballeurs, âgés d’une dizaine d’années. Nous n’avions ni matériels didactiques, ni d’équipements sportifs adéquats, ni infrastructures sportives viables, ni vidéos, ni télévisions, ni films, ni entraîneurs techniques qualifiés. Nous connaissions les clubs et les grands joueurs du monde en parcourant, avec plaisir, les rares journaux sportifs, à l’instar de Miroir Sprint, narrant leurs exploits à l’époque. Le plus âgé d’entre-nous, le « Grand frère » faisait office d’entraîneur. Il ne nous enchaînait pas dans des consignes techniques. Il nous laissait nous exprimer librement. »

Ce qui donnait à ce football une allure déconcertante en raison de la virtuosité de ses acteurs, véritables jongleurs du « Sea Sport ». C’est le nom de la balle que les jeunes de Poto-Poto utilisaient pendant que ceux de Bacongo étaient portés sur la balle de tennis. Ces jeunes des Brazzavilles noires, selon l’expression de Georges Balandier, évoluaient au sein des clubs de fortune, qui avaient pour noms : Aigle-Azur, Air-Mail, Barcelone, Brésil, Caïman, CDF, Daring, Etudiant de la boule ronde, Fantasia, Fantômas, Faucon, Fiorentina, Florex, Harlem, Lens, Lille, Louvain, Macumba, Monaco, Nice, Ouragan, Oiseau du ciel, Oryx de Mossaka, Pergola, Perpignan, Pigeon vert, Réal-Azur, Reims, Rhodésie, Robin du ciel, Rose noire, Rotin, Roubaix, Saint-Michel, Sedan, Squadra Azura, Tchèque, Tiers-monde, Tigre, Turin, V.C.M, Visa-Rome, Volcan, etc.

Dans l’ouvrage susmentionné, Mulélé écrit : « Le foot-pelote était très populaire. Les rencontres, âprement disputées, se déroulaient le dimanche matin, après la messe de huit heures. Elles donnaient lieu à de sérieuses « batailles » à la mesure de la rivalité entre les équipes et même entre les quartiers. « Nous avions joué partout sur des terrains vagues, boueux, sablonneux, dans les rues, dans les cours d’école, devant les églises, à proximité des cimetières. Une foule enthousiaste prenait d’assaut les stades de fortunes : Sans-fil, Dix maisons, Jeanne Vialle, Montagne d’Italie, Yougos, Ecoles Saint-Vincent A et B, Grande Ecole de Poto-Poto. Nous jouions pieds nus, avec une petite balle en caoutchouc, vendue dans les magasins des commerçants portugais. Nous avions aussi joué avec des balles de tennis, des balles formées de chiffons enfilés et bourrés dans de vieilles chaussettes, des balles de mousse aux rebonds capricieux ». Pour les exercices d’entraînement, nous jouions à la « comptesse » (sans doute, un néologisme)  ou jeu d’adresse et de virtuosité. Nous tracions au sol un cercle à l’intérieur duquel il fallait jongler avec le « Tantan », (nom donné à la fleur du baobab). Il s’agissait, en effet, de compter le nombre de jonglages jusqu'à cent avec un pied, puis alternativement avec les deux pieds. Il nous était interdit de sortir du cercle. Ce qui supposait un équilibre général du corps et une concentration permanente sur le tantan. Le vainqueur était celui qui marquait le plus grand nombre de points. […] Nous jouions sans maillot, souvent torse nu. […] Quels que soient les temps, nous jouions sous le soleil accablant, en saison sèche, pendant et après la pluie. Ce n’était pas si simple… […] L’apprentissage naturel du football pieds nus dans les rues, nous avait permis d’affiner nos réflexes et d’acquérir un bon nombre de qualités : maîtrise du ballon, dribbles, contrôles et amortis de balle, shoots, jeux de têtes, accélérations et déviations, marquages-démarquages. Nos dons se manifestèrent dès notre plus jeune âge. Parmi les jeunes virtuoses du foot-pelote, certains ne sont pas passés dans la postérité comme des prodiges : Guinard « Amalfi » de Caïman, Mpassi Nzoumba « Jean Paris » de la Macumba, Mbouono « Baptême » d’E.B.R, Mamadou Diop « Helmut Rhan » de Fiorentina. Dans le livre, déjà cité, Mulélé écrit : « Deux joueurs en particulier m’avait séduit grâce à leur élégance : Samba Félix « Ricky Coppens » de Louvain, l’actuel Samba Mbao » et Matesso alias Marie-Tissort » du club Volcan-Reims. Leur prestance et leurs belles jambes faisaient tourner la tête de nombreuses filles présentes dans le public. Les vrais héros ne sont pas toujours ceux que l’on croit. (La suite dans le prochain numéro.).

 

MFUMU

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