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Crise climatique et enjeu électoral aux Etats-Unis

Vendredi 11 Octobre 2019 - 11:55

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La question climatique est un sujet qui divise beaucoup aux Etats-Unis. Si le président de la première puissance mondiale, qui est aussi le premier pollueur mondial, ne cache pas son climato-scepticisme, le reste de la scène politique américaine ne voit pas l’évolution du monde et la question du réchauffement climatique sous le même angle que Donald Trump. Le climat est tellement devenu un sujet pris au sérieux par la classe politique américaine, qu’il jouera forcément un rôle capital lors de la prochaine élection présidentielle. Pour preuve, lors d’un débat télévisé organisé en septembre dernier, opposant les candidats aux primaires démocrates dont les favoris, Elizabeth Warren, Joe Biden et Bernie Sanders, le seul sujet débattu par les dix candidats pendant sept heures était le climat. Face aux journalistes, ils devaient répondre à la question de savoir comment chacun d’eux comptait gagner la guerre mondiale du climat.

Inutile de dire que c’était la première fois dans toute l’histoire des campagnes électorales américaines que des candidats discutaient seulement de l’enjeu climatique mondial. Le tour de force est d’autant plus remarquable qu’en 2016, par exemple, aucune question des modérateurs n’avait porté sur le changement climatique lors des débats entre Hillary Clinton et Donald Trump. Et que, lors du premier débat de la primaire des démocrates cette année, à peine sept minutes avaient été consacrées au climat. D’après une étude, publiée en août aux Etats–Unis, seuls 44 % des Américains pensent que faire face à la crise climatique doit être une priorité pour le Congrès et le président. Un président qui persiste à penser que le changement climatique est une invention chinoise. 

Mais comme on le voit, le sujet est bel et bien devenu central aux Etats-Unis. Un pays où tout semble s’opposer à une prise de conscience écologique : plus de quinze tonnes de C02 émises par habitant en 2017, soit trois fois la moyenne mondiale. Les climato-sceptiques, à grand renfort de think-tanks et de campagnes de presse, cherchent à contrer les messages des scientifiques en communiquant sur les bienfaits du dioxyde de carbone et des énergies fossiles sur notre santé et sur l’environnement. Leurs arguments rappellent étonnement ceux des défenseurs des armes à feu avec des slogans comme : « Défendons nos libertés. Ils veulent contrôler votre vie, vous interdire de conduire votre pick-up, et de manger la viande que vous aimez ! ».

Mais la fracture qui traverse la société américaine sur la question climatique trouve sa source dans deux idéologies opposées. Il y a d’un côté les républicains, qui défendent le principe de l’économie de marché sans intervention du gouvernement. Ils sont donc horrifiés par l’approche des démocrates pour faire face au défi climatique au niveau fédéral. De l’autre côté, il y a les démocrates à l’instar de la députée Alexandria Ocasio-Cortez dont le programme « Green New Deal », qui vise à transformer le pays pour atteindre une production d’énergie neutre en carbone, est vu par les républicains comme un programme politique socialiste.

Mais n’en déplaise à Donald Trump et aux républicains, la société américaine a bien pris conscience du changement climatique. D’ailleurs, un récent article du New York Time titrait : « Les stratèges républicains craignent que le climat puisse être une bombe à retardement lors des prochaines élections ». L’article cite une enquête menée par l’Université d’Harvard auprès des électeurs de moins de 30 ans qui révèle que 73 % des répondants désapprouvent l’approche de Donald Trump à l’égard du changement climatique. Un autre sondage, mené en juin par la chaîne CNN, a révélé que les trois-quarts des participants du caucus démocrate de l’Iowa estiment que leur candidat devait considérer le changement climatique comme la plus grande menace pour l’humanité.

Presque tous les démocrates sont d’accord sur les principes fondamentaux, à savoir que les Etats-Unis devront éliminer leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici au milieu du siècle, si ce n’est avant. De nombreux candidats se sont également engagés à refuser l’argent des lobbies des énergies fossiles. C’est dire que le climat ne sera plus un fait divers aux yeux des politiciens américains dans les années à venir.

 

 

Boris Kharl Ebaka

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Édition du Samedi (SA)

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