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Faut-il avoir peur pour la planète ?

Jeudi 19 Septembre 2019 - 20:46

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Depuis quelques années, l’on assiste à ce qu’on peut appeler panique climatique. Car les nouvelles sur l’état de santé de la planète sont alarmantes. Durant l’été 2018, une vague de chaleur a brûlé l’hémisphère nord tout entière, entraînant la mort de dizaines de personnes du Québec au Japon. En Californie, des incendies de forêts particulièrement destructeurs ont réduit en cendres des milliers d’hectares de végétation et fait fondre les pneus et les baskets de ceux qui fuyaient les flammes. Les ouragans du Pacifique ont forcé trois millions de personnes à fuir en Chine et ont quasiment rayé de la carte East Island, un îlot inhabité appartenant à l’État d’Hawaii. En Afrique, pas plus tard qu’en mars dernier, des grandes tempêtes ont causé des centaines de morts au Mozambique, au Kenya et au Zimbabwe. Le dernier événement à nous plonger dans ce sentiment de panique climatique n’est autre que les impressionnants feux de forêts qui ont ravagé l’Amazonie.

Aujourd’hui, nous vivons dans un monde qui ne s’est réchauffé que de 1 °C depuis la fin du XIXe siècle, période où ont commencé les prises de mesures au niveau mondial. Pourtant, l’on n’a jamais rejeté autant de CO2 dans l’atmosphère depuis le début de l’industrialisation. En se fondant sur un rapport publié par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), intitulé  « Le rapport de la fin du monde », on y lit les effets sur le climat d’un réchauffement de + 1,5 °C et + 2 °C par rapport à la période préindustrielle.

À l’ouverture de la COP24, en décembre 2018, David Attenborough, présentateur emblématique des documentaires Planet Earth de la chaîne BBC et conscience écologique du monde anglophone, s’est montré encore plus pessimiste en déclarant : « Si nous ne faisons rien, il faut s’attendre à l’effondrement de nos civilisations et à la disparition de la nature dans sa quasi-totalité ». C’est ce que pensent les scientifiques depuis un bon moment, mais ils parlent rarement en ces termes. Pendant des décennies, l’alarmisme avait mauvaise presse chez ceux qui étudient le climat et ses changements.

Le climatologue James Hansen, auditionné par le Congrès américain en 1988 au sujet du réchauffement climatique, a qualifié ce phénomène de « réticence scientifique », qu’il reproche fermement à ses collègues. Il déplore que leur prudence ait empêché de communiquer la véritable urgence de la menace. Cette tendance s’est généralisée alors même que les conclusions des chercheurs étaient de plus en plus sombres. Ainsi, pendant des années, la publication de tous les grands articles, essais ou livres s’est accompagnée de nombreux commentaires sur la précision de la perspective et du ton : les scientifiques ont souvent critiqué l’équilibre entre l’optimisme et le pessimisme dans ces articles, c’est pourquoi de nombreux travaux ont été étiquetés de fatalistes.

Mais depuis quelque temps, cette circonspection a commencé à s’estomper, sans doute parce que l’accumulation de phénomènes météorologiques extrêmes n’a plus permis de faire autrement. Certains scientifiques ont même commencé à adopter un ton alarmiste. Le rapport de l’ONU, résultat du travail d’une centaine de chercheurs du monde entier, n’aborde aucun des scénarios les plus terrifiants liés au réchauffement. Mais il comporte tout de même une nouveauté : pour la première fois, il devient acceptable, et même raisonnable, d’avoir vraiment peur pour la planète et nos civilisations. Et c’est déjà un progrès. Certes, paniquer semble peut-être contre-productif, mais au train où vont les choses, l’alarmisme et le catastrophisme vont nous être utiles, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord parce que le changement climatique est un désastre imminent qui exige une offensive mondiale sans plus tarder. En d’autres termes, il est justifié de s’alarmer. Ensuite parce que l’augmentation des températures que l’on observe pourrait se solder par une chaleur mortelle dans les plus grandes métropoles du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud, peut-être dès 2050. Dans l’Arctique, les glaces risquent de fondre complètement l’été et les calottes glaciaires dans l’Antarctique et au Groenland pourraient atteindre leur point de bascule de 2 degrés de hausse et causer ainsi des dommages contribuant à une augmentation catastrophique du niveau des océans.

Au travers des siècles, l’humanité a constamment dû relever des défis à court et à long terme. Son but semble essentiellement toujours le même: que celle-ci prenne constamment un plus grand contrôle sur sa destinée et son environnement. La répétition saccadée des crises climatiques auxquelles on assiste nous oblige à une réelle prise de conscience pour que l’on évite le pire.

 

Boris Kharl Ebaka

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