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La coopération économique sino congolaise : un jeu gagnant-gagnant ?

Mercredi 8 Avril 2015 - 14:45

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Le 22 février 1964, le Congo établissait sa coopération économique et financière avec la République populaire de Chine. Plusieurs contrats bilatéraux ont été signés dans le cadre de la coopération sud-sud qui unit la Chine, pays émergent, orienté vers l’économie socialiste de marché depuis la fin de la guerre froide, et le Congo, pays en voie d’émergence économique, converti au libéralisme depuis 1991, autour d’un jeu économique gagnant-gagnant.

Ce jeu qui se distingue de la coopération asymétrique nord-sud privilégie la qualité plutôt que la quantité des échanges économiques. Mais il risque de produire, lui aussi, des éléphants blancs sur le territoire et de compromettre l’émergence économique du Congo.

En effet, durant cette dernière décennie, le solde des échanges commerciaux entre la Chine et le Congo est en baisse, mais en faveur du Congo, en passant de 5.559 millions en 2006 à 4.934 millions de dollars USA en 2014. Les principaux clients du Congo sont la Chine (56,03% des exportations totales du Congo), les USA (11,45%), l’Australie (8,93%) et la  France (5,54 %) ; alors que ses principaux fournisseurs  sont la Chine (19,26% du total des importations du Congo), la France (19,12 %), l’Italie (6,34%) et les USA (5,58%).

Le partenariat sino congolais s’est consolidé en deux phases, rythmées par une même constance au détriment de la France, partenaire historique du Congo :

1) Pénétration du marché par l’aide technique (de 1964 à 2003) avec le bénéfice par le Congo, le 21 décembre 1964, d’un emprunt chinois sans intérêt de 100 millions de Francs français, couvrant la période du 1er janvier 1965 au 31 décembre 1969. Il est remboursable par dixième, du 1er janvier 1980 au 31 décembre 1989, en marchandises, en Francs français ou dans une autre monnaie convertible.

Dans la réalisation de son premier plan quadriennal (1964-1968), le Congo bénéficia de la Chine environ 6,7 milliards de FCFA, pour la construction par la Chine de l’usine de textile à Kinsoundi (1,4 milliard de FCFA), du chantier naval et de l’usine des cahiers (1,8 milliard) à Mpila, de l’usine de séchage du poisson à Mossaka (0,6 milliard), de l’usine d’allumettes à Bétou (0,3 milliard), des hôpitaux de Talangaï, Makélékélé, Fort-Rousset et Loandjili de Pointe Noire ; et d’autres infrastructures (2,6 milliards).

Enfin, en 1978, la Chine avait construit à Moukoukoulou, un barrage hydro électrique de 72 Mégawatts, dont la puissance avait été réduite à 25 mégawatts par les dégâts de la guerre civile de 1997. Les réparations qui ne peuvent être faites que par la Chine furent évaluées à 4,6 milliards de FCFA dont 2,8 milliards sous forme de crédit fournisseur chinois et 1,8 milliard par le Congo.

Faute de transfert de technologies, le Congo ne s’est pas approprié ces réalisations, livrées clés en main. Après la période de garantie, elles ont été abandonnées dès les premières pannes liées au manque d’entretien et à la récurrence des erreurs de gestion qui ont conduit progressivement à leur liquidation totale. Les hôpitaux ont résisté à ces liquidations grâce à l’assistance technique des 671 médecins chinois envoyés dans 21 équipes médicales au Congo. L’hôpital de Mfilou, financé à hauteur de 10 millions $US par la Chine est la dernière réalisation qui valorise cette assistance ;

2) enracinement par l’investissement direct étranger (de 2003 à nos jours) : le Congo a reçu 2,8 milliards sur les 108 milliards $US du total de l’IDE de la Chine en Afrique depuis 2005, dont 75% dans les infrastructures de transport, 13% dans l’énergie et 12% dans d’autres secteurs (bâtiment, commerce, etc.).

Les infrastructures les plus importantes sont l’aéroport international de Maya-Maya de Brazzaville qui a été reconstruit et modernisé par la Chine grâce à un financement de 115 millions $US. Le financement de 62 millions $US de la construction du port fluvial d’Oyo est assuré par la Chine qui a réalisé l’ouvrage. En 2012, la route Pointe-Noire/Dolisie bitumée sur 160 kilomètres, pour 750 millions $US financés par la Chine ainsi que les 126 km d’Owando à Makoua-Mambili, dans le nord, pour 53 millions $US.

Dans l’énergie, la Chine a investi 290 millions $US dans la construction d’une usine d’eau à Brazzaville, achevée en 2013. Pour 170 milliards de FCFA, la Chine a construit le barrage hydro électrique de 120 mégawatts à Imboulou, sur la rivière Léfini. Il est financé à 85% par la Chine sous forme d'un crédit fournisseur remboursable sur 15 ans, avec un délai de grâce de 5 ans, au taux de 0,20%. Le reste est financé par le Congo. Mais les délestages quotidiens de l’électricité à Brazzaville, liés aux pannes de plusieurs turbines sur lesquelles le personnel congolais n’est pas habilité à intervenir, montrent que le transfert de technologie n’est pas effectif.

Dans les autres secteurs, la Chine a financé le complexe sportif multidisciplinaire de Makélékéké pour un coût total de 6 milliards FCFA et celui de Kintélé pour 379, 845 milliards de FCFA préparent l’accueil des 11e Jeux africains de 2015. Les travaux de construction de l’hôtel Alima Palace de 116 chambres à Oyo pour 21 milliards de FCFA, financés et réalisés par la Chine. Depuis 2004, les entreprises chinoises sont à 40,10% adjudicatrices des marchés de la Municipalisation accélérée estimés à 1000 milliards de FCFA, derrière les entreprises européennes (42,20%), loin des 19,70% des entreprises congolaises. En 2007, la Chine avait annulé la dette du Congo d’environ 32 millions $US, représentant 97,5 % des stocks d’arriérés et 22 % de l’encours hors arriérés. La Chine octroie une trentaine de bourses aux étudiants congolais par an pour aller étudier en Chine dans divers domaines.

Ainsi, la coopération économique sino congolaise s’établit-elle dans un jeu de gagnant-gagnant : matières premières contre infrastructures. Mais, l’absence de transfert de technologie crée une dépendance technologique du Congo vis-à-vis de la Chine comme dans la coopération asymétrique du Congo avec les pays du Nord. L’exigence de la clause de transfert de technologie dans les contrats bilatéraux de coopération économique avec les pays développés et les pays émergents devient un impératif de développement du Congo.

 

 

 

 

Par Emmanuel Okamba, Maître de Conférences HDR en Sciences de

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Édition Quotidienne (DB)

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