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La taxe carbone est-elle efficace pour la planète ?

Jeudi 30 Mai 2019 - 18:59

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Depuis quelques temps, le débat sur la taxe de carbone est de retour à la une de l’actualité. Surtout, depuis que dans un récent rapport publié, le Fonds monétaire internationale (FMI) a reconnu que cet impôt est l’instrument le plus efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais il est important de faire un bref historique de cette taxe pour comprendre à quoi elle sert et surtout pourquoi elle a du mal à être appliquée dans de nombreux pays pollueurs.

La taxe carbone est un impôt environnemental direct, proportionnel aux quantités de dioxyde de carbone (CO2) émises lors de la production et de l’usage d’une ressource, d’un bien ou d’un service.

Le principe de la taxe carbone est simple : plus un produit émet de gaz à effet de serre ou d’équivalents CO2, plus il est taxé. C’est une application directe du principe « pollueur-payeur ». Un des principaux exemples de cet impôt est la taxe carbone sur les carburants et combustibles fossiles ou composante carbone appliquée en France depuis 2014.

L’objectif premier de la taxe carbone s’inscrit dans le cadre des mesures destinées à lutter contre le réchauffement climatique en réduisant les émissions de CO2, le plus courant des gaz à effet de serre. Elle vise à sanctionner financièrement ces émissions, sur le principe du pollueur-payeur, et donc à inciter les producteurs et consommateurs à des pratiques plus vertueuses dans ce domaine. Selon les modalités de prélèvement, la taxe carbone peut être payée en amont sur l’utilisation des énergies fossiles, ou en aval par le consommateur.

C’est lors du Protocole de Kyoto (Japon) en 1997, que pour la première fois, un accord international fait état de l’idée d’une taxe carbone. Le Protocole prévoyait initialement la nécessité d’imposer une taxe carbone au niveau international afin d’encourager les entreprises et les particuliers à se tourner vers des alternatives plus écologiques.

Cependant, des critiques émergent rapidement autour de l’idée de la taxe carbone. Entreprises et consommateurs estimant que cela pourrait nuire au pouvoir d’achat en faisant augmenter les prix. Les industriels proposent alors un autre système, le marché du carbone, qui permet aux entreprises d’échanger des quotas carbone, sans subir de taxation.

Critiqué, ce système donnera lieu à des mécanismes spéculatifs divers qui pousseront plusieurs pays à ne plus en tenir compte.

En 2015, à la COP21 à Paris, on reparle de cette taxe qui réapparaît comme une nécessité si l’on veut réellement lutter contre le réchauffement climatique.

Malheureusement, tous les pays signataires engagés dans des mesures de diminution des émissions de gaz à effet de serre peuvent l’appliquer selon leur bon vouloir. Pour exemple : en Grande-Bretagne, elle touche uniquement l’industrie et le commerce, alors qu’au Danemark, elle concerne aussi bien les particuliers que les entreprises et l’administration. En France, la taxe carbone décidée en 2014 sur les carburants fossiles polluants, afin d’augmenter progressivement le prix des carburants les plus polluants pour inciter consommateurs et entreprises à se tourner vers des alternatives moins polluantes comme la voiture électrique, les mobilités douces, les transports en commun ou des modes comme le fret pour le transport de marchandises, est devenue impopulaire depuis que le gouvernement français souhaitait augmenter progressivement son coût. Le mouvement des gilets jaunes a retardé depuis cette hausse annoncée.

La taxe carbone est donc largement considérée comme un outil fondamentalement nécessaire pour lutter contre le réchauffement climatique, même si elle est parfois critiquée dans ses modalités d’application comme : qui paye, où va l’argent, dans quelles conditions. Certains considèrent que le consommateur final, c’est-à-dire les citoyens, ne devrait pas avoir à payer la taxe carbone des produits ou services qu’il consomme bien qu’il en soit le bénéficiaire final, préférant faire appliquer ce type de taxe aux acteurs intermédiaires, à savoir les entreprises.

En Afrique, continent qui subit le plus les effets du réchauffement climatique, ce débat ne concerne en réalité que quelques pays à l’instar de l’Afrique du Sud, première puissance industrielle du continent, qui figure au rang de quatorzième pays le plus pollueur de la planète, à cause de sa forte dépendance du charbon pour sa production d’électricité, et dont le président vient de faire de son pays le tout premier d’Afrique à promulguer une loi imposant une taxe sur les émissions de carbone aux entreprises de son pays. Le montant de cette taxe, qui entrera en vigueur en début juin, a été fixé à cent vingt rands (près de neuf dollars) par tonne de dioxyde de carbone, alors que pour le FMI, le prix moyen de la taxe carbone doit être fixé autour de soixante-dix dollars la tonne de CO2. Mais c’est un premier pas dans la bonne direction.

Rappelons que dans son rapport, le FMI indique qu’en Chine, premier pollueur de la planète, en Inde ou en Afrique du Sud, une taxe carbone de seulement trente-cinq dollars réduirait de 30% les émissions polluantes, ces pays utilisant de manière intensive le charbon, ressource extrêmement polluante. En revanche, dans neuf pays qui utilisent peu le charbon tels que la Côte d’Ivoire, le Costa Rica ou la France, l’effet serait de moins de 10%.

 

 

Boris Kharl Ebaka

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Édition du Samedi (SA)

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