Photographie : des souvenirs inoubliables !

Samedi 18 Novembre 2017 - 7:15

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L’air du temps en dit long. Des pionniers de la photographie au Congo aux héritiers, ce métier envoûtant nous conduit au cœur d’une histoire enrichissante. La photographie, bien au-delà de l’image, demeure un tout où se mêlent art, culture, voyeurisme, nombrilisme…

La photographie, une belle invention qui a su révolutionner notre histoire au fil du temps. Auparavant, elle nous permettait d’immortaliser de grands moments. Aujourd’hui, grâce au numérique, chaque instant de notre vie peut être archivé dans un album photo ou un E-book. Apparue au début du 19e siècle, la photographie a été améliorée pour fixer la couleur et éviter au cliché de noircir au contact de la lumière. Joseph Nicéphore Niépce, reconnu comme le père de la photographie, parvient à faire la première photographie de l’histoire. Elle a nécessité une pose de 8h !... Une réalité bien différente de nos jours.

Au fil du temps, l’invention du Daguerréotype en 1829 a permis d’obtenir des images de belle qualité sur une plaque métallique révélée au mercure. Au début, il fallait vingt minutes de pose pour obtenir une image, puis seulement dix secondes en 1855. Mais déjà, en 1849, la reproductibilité des images était rendue possible. Cinquante ans plus tard, la première pellicule fait son apparition, aussi contribue-t-elle à la démocratisation de la photographie. Adieu toute la chimie.

L’appareil photo numérique sans film fait son apparition en 1985. Très vite, la possibilité de capter l’instant présent s’est imposée comme une nécessité dans tous les domaines. Les studios photos s’installent dans certains quartiers de Brazzaville. La photographie entre ainsi dans les mœurs, suscitant curiosité. Ainsi, le XXIe siècle marque l’ère de la photographie numérique : pour un seul cliché, on peut obtenir des dizaines de photographies grâce à la retouche numérique. S’installe alors un commerce informel.

Les pionniers et leurs héritiers…

De la photographie noir/blanc à la photographie en couleur, la photo a su marquer les époques. Plus révolutionnaire, le numérique est venu apporter incontestablement un souffle nouveau à la photographie.

Brazzaville. Années 1960, les pères de la photographie au Congo comme Victor Miakabana (Macabus), Obayoum, Kina (Photo-Kina), André Koubemba (Photo-Déckoum), Jacques Taty et Amos Magloire Balou Baros (Amos-Photo) ont su donner du sens à ce métier. Une tâche qui n’était pas des plus aisées à l’époque. Il fallait patienter pendant un mois pour être en possession d’une carte photo, car les clichés étaient envoyés en France via la poste, par manque de labos photos. Se posait alors un problème de rentabilité.

Après se sont imposés des labos manuels comme Suzanne Photo (une semaine pour développer des clichés). À l’aide de révélateurs photos, l'acte de plonger un film ou une feuille de papier photo dans des liquides devenait un symbole de la réussite photographique. Il fallait ensuite sécher au soleil les photos développées d’où l’expression « laver les photos ». Un exercice auquel ne se prêtera pas leurs héritiers. Baudoin Mouanda, Steven Lumière Moussala, Armel Mboumba, François Ndolo, Désiré Loutsono (Kinzenguele), Francis Kodia, Jessica Mampouya, Danielys Madingou Nkata ainsi que des amateurs – sans lesquels l’histoire de la photographie au Congo ne saura se raconter. Vient alors l’époque d’une incroyable effervescence photographique. À travers leur dynamisme, ils essaient de redonner à l’art photographique au Congo ses lettres de noblesse, parce qu’au-delà de la profession, un art tire sa source dans l’imaginaire créatif de l’artiste.

Avec l’arrivée des labos numériques, le travail du photographe est simplifié, favorisant ainsi l’éclosion de ce secteur avec l’ouverture des labos photos tels qu' Ali, Sheravedine… Le business de la photographie prend son envol avec des prix défiant toute concurrence. Petit à petit, davantage de labos s’équipent en matériels numériques, marquant ainsi la fin de l’air de la pellicule. Aujourd’hui, l’usage de la carte mémoire devient monnaie courante. Ces légendaires icones de l’histoire de la photographie au Congo ont façonné une manière de regarder, car se regarder dans le passé est le sens même de la photographie.

Un marché lucratif

L’aire du numérique a permis l’entrée sur la scène photographique des amateurs. Manipuler un appareil photo devient un jeu d’enfant. « Photo minute », plus qu’un crédo, une marque de vente. Avec l’intégration du numérique, développer une photo n’est plus qu’une question de minutes au lieu des mois comme dans les années 1960. En souvenir, il fallait partir d’une cérémonie à une autre, collectionner un nombre important de photos pour se rendre dans un labo photo. Mais grâce aux imprimantes, une concurrence déloyale s’installe au profit des photographes ambulants.

Plus la peine de se rendre dans un labo photo, car de nombreux photographes ambulant s’équipent d’une imprimante photo. Ce matériel facilite le travail du photographe amateur qui vend ses services au cours des grands évènements (fêtes, rencontres politiques, élections miss, défilés de mode…). Bien que rapide, le problème de qualité se pose, en témoigne Lebon Ziavoula, photographe au sein du Collectif Elili. « Les photographes ambulants nous pénalisent. À cause des imprimantes photos, nous avons de moins en moins de clients. Mais une assurance, une photo tirée à partir d’une imprimante n’a pas une longue durée de vie. Or, un cliché développé dans un labo photo peut durer des lustres », se plaint Fred Rara, propriétaire de deux labos photos à Brazzaville.

Malgré la présence des labos photos dans presque tous les arrondissements, les Brazzavillois fréquentent de moins en moins les studios photos qui deviennent quasi inexistants, sinon que pendant les fêtes de fin d’année. Une réalité peu reluisante, contrairement aux années 1960, 1970, 1980 voire même 1990. Le photographe ambulant a su trouver son chemin. Exercée à but lucratif, cette pratique est née grâce à la démocratisation des appareils photos, parce que moins coûteux et facile d’utilisation.

Cependant, « Il n’est pas facile de gagner sa vie dans la photo artistique dans un pays où la culture de l’image n’est pas ancrée dans les mœurs. Sinon des expatriés qui trouvent tout l’intérêt d’acheter une photo artistique. Le problème de patience s’impose. Ce qui laisse libre cours à la concurrence », explique Lebon Ziavoula. Pour des raisons de dynamisme du marché, génération Elili a trouvé une astuce : associer la photo artistique et la photo de presse. Ce qui leur ouvre les portes de certains sites Internet, journaux, magazines à l’instar de "Vox magazine" et "Jeune Afrique"… Au niveau national, les photographes professionnels rencontrent des difficultés d’ordre technique : problème de visibilité par manque d’espace d’expression, manque de formation professionnelle.

Selfie, en vogue…

Adieu le photographe. Avant réservé aux « professionnels », posséder un appareil photo n’est plus un luxe de nos jours. Plus question de se compliquer la culotte, car même avec un smartphone le tour est joué. Apparu pour la première fois en 2002, le selfie a su révolutionner la photographie. Plus question d’être bien habillé, maquillé ou encore dans un endroit chic pour se photographier. Cette pratique surpasse toutes les règles de l’art. L’explosion de l’utilisation des réseaux sociaux tels qu’Instagram, Facebook, Snapchat, WhatsApp …

Tout le monde s’y met : hommes politiques, chanteurs, hommes d’Église, personnes ordinaires. S’en passer n’est pas d’actualité. Surtout prisé par les jeunes, cet autoportrait photographique met en scène leur quotidien, raconte leur histoire afin de la communiquer à leurs proches. Même les marques, les entreprises, les artistes, les hommes politiques, utilisent le selfie pour communiquer un message à des fins marketings. Devenu un véritable phénomène social, le selfie est perçu comme le reflet d’une société exhibitionniste et narcissique. Aujourd’hui, on ne pourrait plus se passer de flasher tous nos petits moments importants (ou pas) et de les partager frénétiquement sur les réseaux sociaux. Mais si on avait vécu au début du XXe siècle, on aurait été moins enjoué à l’idée de trimbaler 20 kilos de matos et trois litres de chimie pour développer ses clichés.

Bénédicte Alouna

Légendes et crédits photo : 

Photo1: Les membres du Collectif Elili (DR) Photo 2: Illustration (DR)

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