Préservation du climat : l’apport des autochtones reconnu

Vendredi 2 Février 2018 - 20:41

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Les communautés locales sont avérées gardiennes des forêts, seule « technologie » sûre de capture et de stockage du carbone.

La reconnaissance des droits fonciers des autochtones est essentielle pour leur rôle protecteur. Alors que l'inquiétude grandit au sujet de l'éventualité pour la communauté internationale de ne pas atteindre les objectifs de réduction des émissions de carbone, le gouvernement suédois, la Fondation Ford et d'autres bailleurs de fonds ont repris à leur compte une piste sous-exploitée : la reconnaissance des droits fonciers des indigènes et des peuples des forêts d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie, devenus les protecteurs les plus avisés des forêts tropicales.

L’International Land and Forest Tenure Facility est une nouvelle institution créée pour promouvoir la reconnaissance des droits fonciers et forestiers collectifs à l’échelle mondiale, avec, entre autres vocations, la réduction des conflits et la réalisation des objectifs en matière d’environnement et de développement, à l'échelle mondiale. « Ce qu'on ne dit pas souvent, c'est que ce ne sont pas les scientifiques qui sont au cœur du débat sur le changement climatique. Ce sont les paysans », affirme Ibrahima Coulibaly - coordination nationale des Organisations paysannes du Mali.

Une initiative, dénommée projet de soutien foncier et forestier au profit des communautés locales au Mali, a été partiellement financée par l’International Land and Forest Tenure Facility. Elle a mis l'accent sur l'opportunité d'aborder les conflits fonciers, à la suite du conflit armé au Mali et a contribué à la réalisation de l'Accord de 2015 pour la paix et la réconciliation.

Plus significatif encore est le travail abattu dans le domaine de la lutte contre le changement climatique. Boubacar Diarra, le responsable du projet de facilitation de tenure foncière pour le Mali, estime que celui-ci a contribué à mettre en place des collaborations entre trois communes pour le transfert de la gestion de massifs forestiers de 4220 ha, au bénéfice des communautés. « Le transfert de la propriété de l'État aux collectivités va permettre d'améliorer la gestion, de diminuer la déforestation et, du coup, de contribuer à la réduction de l'impact du changement climatique », a-t-il déclaré.

Ibrahima Coulibaly, président de la CNOP et vice-président du Réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles d'Afrique de l'ouest, va plus loin, pour sa part, estimant que « les paysans sont au cœur des enjeux du changement climatique, étant donné qu'ils en sont les premières victimes ». « Si l'on veut réellement régler le problème de la dégradation des ressources naturelles et des sols, ainsi que les problèmes de pollution, il faut accélérer le règlement de la question de la propriété des terres et des ressources naturelles », poursuit-il.

Surconsommation et expertise

Les ressources naturelles font l'objet d'une énorme pression, due à l'urbanisation anarchique, à la démographie galopante et à des modèles de production orientés exclusivement vers le profit. Cette situation a pour conséquence une surconsommation des ressources naturelles, avec beaucoup d'effets négatifs à la clé, estime Moussa Djire, recteur de l'université des Sciences juridiques et politiques du Mali.

En reconnaissant les droits des communautés sur leurs terres, en leur donnant la parole et en les associant, il est possible de les encourager à contribuer à endiguer ces phénomènes, de même que, de manière globale, le changement climatique, affirme Moussa Djire.

Reste qu'il est légitime de se demander dans quelle mesure la population indigène peut se saisir des questions relatives au changement climatique, en raison de leur complexité, avec un taux faible d'alphabétisation. Mais pour Stephanie Keene, analyste des régimes fonciers au sein de l'ONG Rights and Resources, avec plusieurs années d'expérience en Afrique, la qualité première des populations autochtones, dans leur rapport avec la nature, reste le bon sens. « Je ne pense pas que l'alphabétisation est une condition requise pour que les populations indigènes perçoivent les effets des changements climatiques et en comprennent les enjeux, parce qu'elles vivent ces réalités au quotidien », fait-elle valoir dans une interview avec SciDev.Net, précisant : « Ce dont elles ont besoin, c'est une organisation conséquente et c'est ce pourquoi la communauté internationale se mobilise pour défendre leur cause ».

Le consensus mondial croissant dans les allées des pouvoirs au sujet de la garantie des droits fonciers des autochtones et des communautés locales permettrait, entre autres, de lutter plus efficacement contre le déboisement et le changement climatique et de résoudre les conflits persistants qui entravent le développement économique. Ainsi, les experts recommandent le renforcement des capacités des autochtones pour mener à bien ce combat.

Josiane Mambou Loukoula

Légendes et crédits photo : 

Photo: Des autochtones dans les forêts du bassin du Congo (DR)

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