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Projection et ambition de la COP 28

Vendredi 24 Novembre 2023 - 13:01

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Alors que l’Organisation des Nations unies ne cesse de sonner l’alarme sur l’accélération de la situation climatique, sur fond de crise énergétique, alimentaire et diplomatique, les Etats vont se réunir dans quelques jours à Dubaï, aux Emirats arabes unis, pour discuter, une fois de plus, de la mise en œuvre des engagements pris lors des précédentes COP, à savoir réduction des émissions de gaz à effet de serre ; adaptation aux changements climatiques ; redevabilité ; modalités d’octroi de financements supplémentaires pour les pays en développement confrontés à des pertes et dommages irréversibles dus aux effets des changements climatiques.

Les actualisations des engagements des Etats (Contributions nationalement déterminées que les pays doivent actualiser à la hausse tous les cinq ans) placent la planète sur une trajectoire de + 2,5 °C à + 2,8 °C au cours du XXIe siècle, loin de 1,5° de l’Accord de Paris. Sachant que le réchauffement global atteint déjà une moyenne de 1,1°. Il faudrait diminuer de 45% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, par rapport aux niveaux de 2019 pour limiter le réchauffement à 1,5° et de 30% pour le limiter à 2°. Mais les émissions sont reparties à la hausse, après une période de baisse due à la crise sanitaire. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et l’Organisation météorologique mondiale, 2021 marque un record dans les émissions et leur concentration dans l’atmosphère. Des experts sur le climat et des scientifiques de plus de quarante pays ont signé une lettre ouverte alertant sur le fait que l’objectif de 1,5° maximum du réchauffement global est caduc puisque cette hausse sera atteinte d’ici à une dizaine d’années.

Plus de 40% de la population de la planète, qui a atteint huit milliards de personnes le 15 novembre 2022, habite dans des régions vulnérables aux changements climatiques. Ainsi, l’Afrique n’est responsable que d’environ 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre liées à l’énergie et de 7% des émissions totales. Pourtant, c’est l’une des régions du monde les plus touchées par les impacts du réchauffement global : sécheresses, inondations, incendies, dégradation des terres agricoles, érosion du littoral.

Les cent millions de dollars additionnels par an de financement pour l’adaptation climatique des pays pauvres, promis à la COP15 en 2009, ne sont toujours pas atteints et leurs modes de calcul peu clairs. Un plan de mise en œuvre avait été adopté à la COP26, suivi par le Canada et l’Allemagne. Cet enjeu, qui alimente les clivages entre pays riches et pays du Sud (Groupe des 77 et Chine), est de plus en plus central dans les négociations et constitue un indicateur de réussite ou d’échec de la COP. Le montant des « pertes et dommages » dus aux changements climatiques est estimé entre 300 et 600 milliards de dollars par an d’ici à 2030, chiffre qui pourrait tripler à partir de 2050.

 A titre de comparaison des budgets, notons que les dépenses militaires mondiales ont dépassé pour la première fois, en 2021, les 2000 milliards de dollars (2113 milliards de dollars, selon des chiffres publiés par Stockholm International Peace Research Institute). Par ailleurs, en 2022, les énergies fossiles ont bénéficié de plus de 700 milliards de subventions.

La COP 28 souhaite accorder une place importante aux questions agricoles et alimentaires, qui jusqu’à présent ont toujours été négligées. Le secteur est responsable d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre dans le monde mais 3% seulement des financements climatiques sont affectés à la transformation du modèle agroalimentaire.

Comme à chaque COP climat, une Coalition internationale d’organisations de la société civile pour la COP28 s’est constituée afin de plaider pour la justice climatique. Les pays et les groupes sociaux les plus pauvres sont aussi historiquement les moins responsables du dérèglement climatique et des choix des modèles de développement insoutenable. Inégalités écologiques et climatiques vont de pair avec inégalités économiques sociales et politiques. Les pays et acteurs économiques responsables de la crise climatique et écologique, des catastrophes et des dégradations des écosystèmes ont une « dette écologique ». Cette dette devrait être remboursée par le financement de « réparations » aux groupes et pays impactés. Les organisations de la société civile demandent également que les investissements dans les énergies fossiles soient discutés lors des COP, ce qui n’est pas le cas actuellement, de même que, d’une manière générale, le système économique et commercial mondialisé, qui est largement à l’origine du déséquilibre écologique.

A court terme, des taxes sur les « superprofits » des industries fossiles et sur les transactions financières pourraient contribuer à alimenter des fonds climat, de même que l’annulation de la dette financière des pays les plus pauvres. Les organisations de la société civile alertent aussi sur les « fausses solutions climat » : marchés et compensation carbone, énergie nucléaire, agro-industrie rebaptisée « agriculture intelligente » et alimentation toujours plus transformée, agro carburants, technologies de manipulation du climat, de capture carbone et géo-ingénierie, etc. L’enjeu est : comment empêcher que le modèle économique capitaliste s’appuie sur la crise écologique et climatique pour se maintenir et accroître encore le champ de la marchandisation et de la financiarisation des biens communs.

Boris Kharl Ebaka

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Édition du Samedi (SA)

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