Opinion

  • Chronique

Retour sur le bilan peu glorieux de la COP27

Jeudi 16 Novembre 2023 - 21:59

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel


Il y a un an précisément, du 6 au 19 novembre 2022, se tenait la 27e session de la Conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 27) en Egypte, dans la station balnéaire de Sharm El-Sheikh. Environ 30 000 délégués des Etats, des institutions et acteurs non étatiques y participaient. Comme souvent, et après avoir frôlé l’échec total avec des discussions particulièrement conflictuelles, la COP s’est prolongée jusqu’au dernier jour pour tenter de parvenir à un accord, qui a été conclu de justesse le 20 novembre entre les 196 Etats de l’ONU.

Parmi les enjeux essentiels de cette COP, figurait la reconnaissance de la « réparation » des « pertes et dommages », dégâts irréversibles causés par le dérèglement climatique dans les pays les plus « vulnérables ». Cette reconnaissance de la responsabilité des pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre et des nécessaires réparations qui en découlent constitue une victoire pourr les organisations des sociétés civiles, notamment au Sud, qui travaillaient depuis des années à la promouvoir, en tant qu’application concrète de la notion de « justice climatique ». Un engagement pour un fonds de financement a été acté, promu notamment par l’Union européenne (qui l’avait refusé lors de la COP 26 de Glasgow), même si les modalités resteront à travailler ultérieurement, car les 360 millions de dollars abondés par l’Union européenne et une dizaine d’Etats sont un timide premier pas au regard des besoins.

Pour la première fois et grâce aux mobilisations citoyennes, la déclaration de la COP27 a fait une référence au « droit à un environnement propre, sain et durable » comme droit humain universel, découlant de la reconnaissance de ce droit par le Conseil des droits humains, en octobre 2021, puis par une résolution des Nations unies en juin 2022.

Mais pour l’effectivité de ces droits, des changements structurels sont nécessaires. Sinon les avancées ne concerneront jamais que les effets du changement climatique, lançant de nouvelles discussions interminables sur le montant des financements qui sera toujours insuffisant et pourrait même s’apparenter à du gaspillage tant qu’on ne s’attaque pas aux causes systémiques. Or, cette COP27 a été un échec en ce qui concerne les réductions des émissions de gaz à effet de serre : rien de nouveau n’y a été décidé, les pays les plus émetteurs n’ont pas présenté de nouveaux plans climat ; l’Accord de Paris n’a prévu aucun mécanisme contraignant ou de sanction. L’objectif des 1,5° de réchauffement figurant dans les précédents accords reste affiché, en dépit d’attaques par certains pays. Mais il apparaît déjà dépassé ; les émissions de gaz à effet de serre mettent la planète sur une trajectoire d’au moins 2,4° à la fin du siècle.

L’élimination de toutes les énergies fossiles n’a pas pu figurer dans la déclaration finale de la COP 27, qui reste sur « l’abandon progressif du charbon » et la fin des « subventions inefficaces » aux combustibles fossiles. La présence massive de représentants de ces industries a été remarquée en Egypte. Les modestes délégations nationales des pays les plus affectés par la crise climatique ne font pas le poids face à cette invasion exponentielle depuis quelques années des lobbyistes. Dans le contexte de l’insécurité énergétique sur fond de guerre en Europe, une quinzaine d’accords pour des approvisionnements en gaz était en négociations ou conclue au moment de la COP.

Les modalités de mise en place de nouveaux marchés carbone (actés à l’article 6 de l’Accord de Paris) ont été renvoyées à la prochaine conférence climat, notamment la définition des « puits de carbone ». Les mécanismes de « compensation carbone » permettant à des Etats et des entreprises de financer des programmes dans des pays du Sud  ont été très critiqués par les organisations de la société civile au vu de leurs impacts sur l’accaparement des terres, le reboisement intensif, et les atteintes aux droits humains des communautés locales.

Un autre sujet stratégique pour le climat, le modèle agricole et alimentaire, qui bénéficie enfin d’un groupe de discussion depuis la COP présidé par les Iles Fidji en 2017 (le « dialogue de Koronivia »), n’a abouti à rien de concret. Le modèle alimentaire, la distribution, l’agroécologie n’ont toujours pas  été mentionnés, tandis qu’en parallèle, différentes initiatives d’Etats (Etats-Unis, Emirats arabes unis, Egypte...) promeuvent des solutions technologiques et industrielles.

Les « fausses solutions climat » ont donc toujours le vent en poupe, s’efforçant de capter les nouveaux financements, tandis que la réforme du système économique commercial et financier mondialisé n’est jamais abordée de front et qu’aucun lien n’est fait avec d’autres lieux de négociations, qui datent d’une époque antérieure (Organisation mondiale du commerce, institutions financières internationales, accords de libre-échange, banques et agences de développement, etc.). 2022 marquait le 30e  anniversaire de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, adoptée en 1992 au Sommet de la terre à Rio. Cette COP27 constituait une bonne illustration du temps nécessaire pour que des questions essentielles arrivent enfin dans les textes officiels (comme le droit à un environnement sain, les réparations) ou au moins dans la discussion en groupes de travail (le modèle agroalimentaire, les énergies fossiles).

Mais, entre pression d’organisations de la société civile pour la justice climatique, atermoiements des Etats les plus émetteurs de gaz à effet de serre, ingérence des représentants des industries fossiles dans les négociations, la société humaine peut-elle encore se permettre de tergiverser plusieurs générations pour voir une avancée, alors que le réchauffement climatique s’accélère et que les catastrophes se multiplient ? La COP 28, qui aura lieu bientôt (30 novembre au 12 décembre 2023) aux Emirats arabes unis, doit faire le bilan mondial de la mise en œuvre  de l’Accord de Paris (COP 21). Au vu de tout ce qui précède, l’on peut légitimement se demander si elle va y parvenir.

 

 

 

Boris Kharl Ebaka

Edition: 

Édition du Samedi (SA)

Notification: 

Non

Chronique : les derniers articles