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Centrafrique : la menace confessionnelle aux confins de l’équateur

Mardi 28 Janvier 2014 - 11:46

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La situation qui prévaut actuellement en République centrafricaine risque, si l’on y prend garde, de conduire à une percée historique du djihad en Afrique noire. Chose qui ne s’était jamais produite dans le passé. Car, en effet, l’équateur apparaissait comme une ligne de démarcation à la fois géographique et stratégique entre les Arabo-musulmans et les Bantous animistes ou chrétiens.

Tous les conflits religieux de la longue histoire de l’humanité sont nés de la mauvaise cohabitation entre les deux principales religions du livre, à savoir l’islam et le christianisme. Des conquêtes de Saladin en passant par Alexandre le Grand ou Hannibal, la guerre punitive du peuple de Dieu pour occuper la terre promise, ou encore les templiers du Moyen-Âge, première milice chrétienne chargée de protéger les pèlerins chrétiens d’Occident en partance pour le pèlerinage à Jérusalem, c’est David et Goliath qui s’affrontent pour faire triompher la justice d’un Dieu pourtant miséricordieux et plein d’amour. Et depuis cette époque, l’épée a remplacé le verset ou la sourate pour proclamer les oracles de Dieu. C’est ainsi qu’en son nom, des milliers d’innocents sont massacrés, des femmes violées, des enfants arrachés prématurément à la vie.

Ce qui se passe dans ce pays aujourd’hui est révélateur du danger qui guette toute la région subéquatoriale de l’Afrique. Tous les stratèges africains ont toujours voulu contenir l’extrémisme religieux au-delà de l’équateur. Même pendant la Seconde Guerre mondiale, toutes les batailles menées par les troupes alliées contre celles de l’entente ont largement contribué a maintenir cette ligne.

La RCA est un pays majoritairement chrétien. Bien que laïque, sa population, selon certaines estimations, est à 80% de confession chrétienne. En dépit de cette majorité, la population a été surprise par la rapidité de l’incursion des extrémistes musulmans et l’ampleur des attaques qu’ils ont perpétrées en visant essentiellement les communautés chrétiennes. Ce pays a déjà connu dans le passé des violences politiques. Mais jamais elles n’ont pris une allure confessionnelle.

Face à ces attaques, les victimes se sont organisées en milices d’autodéfense pour protéger leur vie. Selon des observateurs sur le terrain, ces miliciens dénommés par les médias occidentaux « anti-balaka », c’est-à-dire « ceux qui s’opposent aux machettes » serraient très proches des milices chrétiennes, peut-être des templiers des temps modernes Mais à y regarder de près et selon certains responsables des églises chrétiennes à Bangui, ces anti-balaka n’ont rien de chrétien. Ce ne sont le plus souvent que des féticheurs et des gourous qui n’hésitent pas à arborer des gris-gris sur leurs corps en se prévalant d’être des hommes et des femmes extraordinaires dotés de pouvoirs surnaturels leur donnant la possibilité d’affronter toutes sortes d’armement. Des sortes d’illuminés, comme on en voit souvent dans toutes les rébellions en Afrique où le plus souvent le chef est un personnage ubuesque. Dans la plupart des cas, ces chefs, qui n’ont aucun projet de société ni de programme politique clairement formulé, ne sont que des marionnettes de grands lobbies, des illuminés ou des terroristes. Certains qui opèrent dans l’est de la RDC n’y sont pas établis par simple goût de l’exotisme. Ils sont attirés par les richesses de la région qu’ils pillent et trafiquent en toute impunité. Ces résidus de la grande mafia qui prospère partout en Afrique usent de nombreux artifices pour attirer vers eux des jeunes fragilisés par l’ignorance et la misère.

En effet, l’usage de la religion, de la magie et des grigris ou d’autres artifices d’enchantement par les chefs de guerre pour se donner la baraka est manifeste en Afrique noire. La religion serrait-elle réellement l’opium du peuple, comme l’affirmait Karl Max ? En vérité, on peut dire que le djihad va se tropicaliser.

Emmanuel Mbengué

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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