Accord turco-libyen : la Grèce appelle Ankara à ne pas franchir les lignes rouges

Vendredi 3 Janvier 2020 - 17:14

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Le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, a mis en garde les autorités turques après le feu vert donné par le Parlement du pays sur un déploiement des troupes en Libye, à la suite du contentieux sur un accord maritime turco-libyen auquel Athènes est vivement opposé, a-t-on appris.

« Personne ne peut franchir les lignes rouges (…). Nous ne permettrons aucune activité turque violant les droits souverains de la Grèce », a averti le chef du gouvernement grec dans une interview publiée, le 3 janvier, dans le quotidien canadien The Globe and Mail. Il répondait à une question sur les relations gréco-turques, et a évoqué l’accord maritime signé fin novembre entre la Turquie et le gouvernement d’union nationale (GNA), un document qui délimite les frontières des deux pays. « La Grèce était prête à discuter avec tous les pays voisins dont la Turquie (…). Si au cours de ces discussions aucun accord n’est atteint avec Ankara, la Grèce est même prête à recourir à une juridiction internationale », a indiqué le Premier ministre grec.

L’accord signé entre Tripoli et Ankara permet à la Turquie d’étendre ses frontières maritimes dans une zone de la Méditerranée orientale où d’importants gisements d’hydrocarbures ont été découverts ces dernières années autour de Chypre. Le texte ouvre la voie à une implication militaire turque accrue en Libye. C’est pour cela que les forces du maréchal Khalifa Haftar accusent Ankara de fournir des armes et des conseillers militaires à leurs rivales du GNA. En juin, elles avaient menacé de s’en prendre aux intérêts turcs en Libye.

Ankara dit soutenir le document parce qu’il garantit effectivement les intérêts turcs en Méditerranée. Des visées qu’Athènes ne cesse de condamner, appelant les Nations unies à faire de même et soulignant que la Turquie et la Libye ne partagent aucune frontière maritime commune.

Hormis le différend portant sur l’accord maritime, Ankara et Athènes ont souvent des relations tendues du fait des altercations qui les opposent en mer Egée. Pays membre de l’Union européenne, la Grèce accuse son voisin de laisser passer des dizaines de milliers de demandeurs d’asile sur ses îles. Quant à la Turquie, elle menace « d’ouvrir les portes » de l’Europe aux migrants et exhorte la communauté internationale à soutenir son projet d’en rapatrier une partie en Syrie. A ce sujet, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a récemment averti de nouveau l’Europe que son pays ne pouvait seul faire face à un nouvel afflux de Syriens fuyant des bombardements dans leur pays.

Le 2 janvier, le Parlement turc a autorisé l’armée à envoyer des troupes en Libye pour soutenir le gouvernement de Tripoli, assiégé par les forces rivales du maréchal Khalifa Haftar. Il s’agit pour Ankara d’aller appuyer ses revendications sur des gisements d’hydrocarbures en Méditerranée, avec un déploiement sur le sol libyen, dont l’ampleur reste incertaine, selon des experts. L’initiative est justifiée au fait que, d’après les dirigeants turcs, le GNA, reconnu par les Nations unies, a demandé une aide militaire « sur terre, sur mer et dans les airs » pour enrayer l’offensive du maréchal Khalifa Haftar.

Ege Seçkin, analyste au cabinet IHS Markit, relève que le GNA réclame une intervention turque d’envergure permettant de « changer le cours de la guerre » au moment où les forces de l’homme fort de la cyrénaïque, appuyées par les Emirats arabes unis et l’Egypte, sont déjà aux portes de Tripoli, la capitale. Cette façon de faire pourrait prendre la forme « d’une brigade avec des avions F-16 et des forces navales pour protéger Tripoli contre les attaques maritimes, ce qui représenterait un contingent de quelque 3000 personnes », estime l’analyste.

L’envoi prochain des troupes turcs en Libye ne sera pas la première opération militaire d’Ankara à l’étranger : elle avait déjà mené plusieurs actions similaires dans des pays voisins, notamment en Syrie et en Irak, visant des combattants kurdes et des djihadistes. Mais il faut noter que contrairement à ces deux pays, la Turquie ne partage pas de frontière terrestre avec la Libye, située à 1500 km. Ce qui, selon des experts, pose plusieurs problèmes logistiques pour un pays à la capacité de projection limitée.

 

 

Nestor N'Gampoula

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