Art : Julia Massoulle, mon Afrique à moi !

Jeudi 21 Mai 2020 - 17:30

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Sous le soleil de Pointe Noire, Juicy, 22 ans, dessine son avenir à grands coups de crayons. Portrait, entre deux voyages,  d’une jeune illustratrice et graphiste que l’Afrique inspire au plus profond.

Née à Sharjah aux Emirats Arabes Unis de parents ayant usé leurs passeports au cours d’innombrables voyages autour du globe, Julia Massoulle s’est joliment déracinée de la France, sa mère patrie. C’est en 2001 qu’elle pose, elle et sa famille, ses valises à Pointe Noire, dans une ville océane qui a vu autrefois grandir sa mère, ses tantes et ses oncles, toutes, tous, bourlingueurs de l’Afrique d’une autre époque.

« Quand bien même je suis de nationalité française, Ponton La Belle c’est un peu ma maison, c’est mon enfance, c’est là que j’ai appris à lire, écrire, dessiner, au CP à l’école primaire Charlemagne, comme tous les enfants de mon âge.  C’est dans cette ville que je me suis construite et que j’ai forgé mon caractère, c’est encore ici au Congo qu’est né, je crois, mon goût pour les voyages », confie la jeune femme âgée seulement de 22 ans et que l’on appelle désormais Juicy dans l’univers de l’illustration et du graphisme.

Elle n’a pas de rêves précis là où elle grandit, au quartier Tchicaya, tout juste s’imagine-t-elle entourée d’animaux, travailler pour National Geographic, des choses comme ça, assez floues, rien qui ne la prédestine au graphisme en tout cas.

Après la fin de ses années collèges, c’est à l’âge de 15 ans qu’elle rejoint Montpellier, ville du sud de la France située à moins d’une dizaine de kilomètres de la Mer Méditerranée, une ville surnommée en 1990  « La Surdouée », titre d’une campagne publicitaire lancée par le maire de la ville.  Surdouée, Juicy, sourire radieux dans un océan de cheveux bruns, l’est tout autant,  toujours prête à de nouveaux départs pour dessiner son avenir dans de nouvelles aventures.

Pourtant un choc culturel attend la petite Julia devenue adolescente qui prépare alors un baccalauréat professionnel en communication graphique. «  Mes camarades de classe s’étonnaient qu’une blanche vienne d’Afrique, j’ai du répondre à des questions clichés. Tu vivais dans une case ? Il y a Internet et Facebook en Afrique ? Tu montais sur le dos des éléphants ? J’étais un peu une extraterrestre et on m’avait même surnommée Congolito, j’avoue que cela m’agaçait un peu », lâche-t-elle en avouant que cette période la marquera sans doute pour la vie entière.

Bac pro en poche à la  fin et billet d’avion en main, elle s’envole pour San Francisco où elle posera ses valises pour trois années et un BFA Illustration [bachelor of fine arts in illustration].  Good bye California et come back en République du Congo où elle poursuit en ligne sa quatrième année avec, à la clé, son diplôme en décembre 2019. « Oui, Pointe Noire, l’Afrique, mes différents voyages sont mes sources d’inspirations dans l’art que je pratique, ça se ressent dans mon style graphique. Il est défini par un mélange de techniques, de médiums, de culture, mon regard est porté par la beauté du monde et j’essaie de le partager à travers mes illustrations. J’ai eu la chance voyager au Togo ou au Cameroun, dans d’autres pays également d’Afrique du Nord, d’Europe et j’essaie d’extraire les aspects positifs de toutes mes expériences, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, j’en retire toujours un profit pour l’art que je pratique », explique celle pour qui les bagages d’une autre aventure l’attendent déjà sur le pas de la porte.

Au début de son art, elle a créé des designs qui serviront de tatouages pour ses amis. Affiches de concerts, illustration pour livres d’enfants, logotypes pour promoteurs d’événement culturels, la jeune Juicy décroche enfin  de l’arbre de ses labeurs, ses premiers fruits. Un talent qui ne passe pas inaperçu pour les connaisseurs d’art. Un baptême réussi qui appelle d’autres voyages. 21 mars 2020. Le gouvernement de la République du Congo vient d’ordonner la fermeture de toutes les frontières terrestres, maritimes, fluviales et aériennes. L’horizon vient donc de se boucher, là sous ses yeux, alors qu’elle s’apprête à prendre un vol pour Paris. L’état d’urgence, assorti du confinement et du couvre-feu, est déclaré la semaine suivante par le président Denis Sassou N'Guesso.  « J’ai effectivement du reporter fin mars mon départ. Paris en soi n’est pas forcément la destination finale, je m’intéresse aux offres d’emploi dans les grandes villes francophones ou anglophones de l’Afrique. Ici, au Congo, le milieu artistique est hélas complètement dévalorisé, mon objectif est de trouver ailleurs un emploi afin de m’exprimer pleinement », finit-elle par conclure.

 

Philippe Edouard

Légendes et crédits photo : 

1-Julia Massoulle 2-Une oeuvre de l'artiste

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