Belles-lettres : Fiston Mwanza Mujila, lauréat du grand prix aux GPAL 2015

Mercredi 9 Mars 2016 - 18:07

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

De passage à Pointe-Noire, l’écrivain de la République démocratique du Congo, Fiston Mwanza Mujila, grand prix des Belles-Lettres aux GPAL 2015, a répondu aux questions des Dépêches de Brazzaville sur le fait qu’il était sacré lauréat de la catégorie Belles-Lettres à l’édition 2015 des Grands prix des associations littéraires (GPAL) au Cameroun.

Les Dépêches de Brazzaville : Quel a été votre sentiment en apprenant que vous veniez d’être sacré  lauréat de la catégorie Belles-Lettres à l’édition 2015 des Grands Prix des associations littéraires ?

Fiston Mwanza Mujila : Je voudrais utiliser la métaphore de l’eau ou du fleuve. Prenons le cas d’un fleuve, le Congo… Le fleuve s’accouche- pendant la journée ou la nuit, je ne sais pas trop mais ce qui est vrai- dans une grande solitude, un délabrement total… Il traverse, par la suite, tout le territoire national et se défenestre dans l’océan. Durant son long marathon vers l’Océan Atlantique, le fleuve est alimenté par une foule d’affluents. L’écriture répond à une logique similaire. On tisse les phrases «dans la solitude des champs de coton » mais la composition prend tout son sens lorsque le livre paraît, rencontre un lectorat ou obtient un prix littéraire. L’annonce du sacre de Tram 83 au Grand prix des Belles-Lettres m’a fait un grand bien. Vous êtes ces affluents qui nous alimentent… Je vous en remercie !

LDB : Et si l’on vous disait que pour les inconditionnels de la bonne vieille et pudique littérature, Fiston Mwanza Mujila devrait « se mettre à l’abri de son inspiration » ?... (L’expression est de vous, bien sûr).

FMM : Je ne sais plus dans quel contexte j’ai utilisé la sentence. Je voudrais calibrer ma réponse suivant le titre d’un roman de Mongo Béti: Trop de soleil tue l’amour. Trop d’inspiration débranche l’inspiration. L’accumulation génère l’évanouissement et la constipation. 

LDB : L’une des particularités de « Tram 83 » semble être ce mélange de genres qui se refuse à toute catégorisation typique. Si vous deviez n’en choisir qu’une pour plaider votre cause, quelle étiquette vous conviendrait le mieux : poète, dramaturge, romancier ?

FMM : Je ne me revendique d’aucune appartenance. Je suis arrivé à la littérature par le biais de la poésie. Je prends le chemin du roman, de la nouvelle ou du théâtre comme si j’allais à un bal. Mon écriture s’origine d’abord dans la poésie. Je recours au même lexique d’un genre littéraire à un autre.

J’observe le monde à partir de mon cockpit de poète. La poésie m’a appris, précocement, à croire en la puissance de la langue, à me servir de toutes ses ressources, à faire d’elle une «Apocalypse joyeuse » pour reprendre l’expression d’Hermann Broch.

Je nage dans plusieurs sphères linguistiques. À la longue, on n’a plus de langue. Il faudrait donc procéder en sens inverse :  chercher la langue dans le ventre… Ce travail d’archéologue ou de mineur artisanal – creusant à mains nues, défiant la fatigue, la faim, les maladies et les éboulements-  emprunte au théâtre, à la poésie et au roman.

LDB : En lisant votre livre, on pourrait ne pas avoir le sentiment que l’Afrique soit aujourd’hui « The place to be », même pour les Africains. Êtes-vous conscient d’avoir exagéré quelque peu les maux et tares du « mboka » pour fabuliser davantage votre histoire ?

FMM : Tram 83 n’a pas forcement la vocation d’être un roman congolais ou africain. Il peut être considéré comme un roman pakistanais ou russe. Mon discours s’articule, se démembre à partir d’un lieu. Et ce lieu me nourrit mon imaginaire même si l’ancrage demeure le pays.

Vous serez aussi d’accord avec moi que la littérature c’est du cinéma. Elle n’est pas toujours une pâle copie de la réalité. C’est cela notre grande chance: jouer avec la langue, déplacer les falaises, inventer des personnages, échafauder des récits…

Je suis né dans une région minière. Je ne résiste pas (encore de la poésie !) à me définir comme le fils aîné de la mine et des chemins de fer. Depuis l’enfance, je cultive une obsession pour l’univers minier. L’artisanat de la mine peut être une malédiction lorsque les conditions de travail ne sont pas réunies. Les creuseurs artisanaux (quel qu' en soit le pays ou l’époque) accréditeront mon point de vue. Tram 83 est un texte qui s’encre dans une expérience universelle et use d’une certaine élégance (encore de la poésie !) pour énoncer la laideur. 

LDB: Que vous inspire Cheikh Anta Diop,  votre co-lauréat des GPAL 2015, distingué notamment dans la catégorie grand prix de la mémoire ?

FMM : Après tout le lavage de cerveau orchestré à l’époque coloniale, revu et réactualisé dans l’apocalypse joyeuse et tonitruante de nos républiques bananières, la relecture de l’œuvre de Cheikh Anta Diop s’avère une nécessité. Il figure parmi ces penseurs (africains) à l’instar de Mudimbe, Achille Mbembe, Éboussi Boulaga, Souleymane Bachir Diagne…qui me tiennent compagnie.

LDB : Et pour terminer, quels sont vos projets littéraires imminents ?

FMM : Ecrire …

Propos recueillis par Séverin Ibara

Séverin Ibara

Légendes et crédits photo : 

Photo: Fiston Mwanza Mujila

Notification: 

Non