Brazzaville : les habitants des quartiers sud regagnent leurs domiciles

Mardi 5 Avril 2016 - 19:30

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Après une longue journée très mouvementée, pleine de stress, certaines personnes vivant à Bacongo, Makélékélé, Kinsoundi, Moukoundzi Ngouaka, Météo, Diata, Mfilou et autres ont commencé mardi à repartir chez elles, non à pied comme le jour précédent, mais cette fois, à bord des mini bus, taxis ou voitures personnelles puisque le calme est revenu. D’autres, par mesure de prudence préfèrent « observer un peu ».

Très tôt, et durant toute la journée, des milliers de personnes (hommes, femmes, enfants, jeunes et vieux), chargés d’effets personnels se sont pressés à regagner leur domicile pour vaquer normalement à leurs occupations et mettre de l’ordre dans des maisons qu’ils étaient contraints d’abandonner la veille.

« La libre circulation a été rétablie. Nous avons eu peur et nous avons quitté notre maison à cause des tirs et des bombardements. Apeurés, nos enfants ne supportaient pas les détonations d’armes automatiques et lourdes. Maintenant, il n’y a plus de problème, surtout qu’on n’entend plus les crépitements  d’armes », a réagi un enseignant vivant à Mfilou, mais qui s’est retrouvé hier à Moukondo, et  qui s’apprête à regagner son quartier.

Le sentiment de lassitude gagne les déplacés

Dans la cour de l’église catholique, Saint-Esprit située au Rond-point Moungali, dans le quatrième arrondissement, où plus de 800 familles ont trouvé refuge, l’abbé Frank Moubayi, curé de cette paroisse qui déplore les conditions d’accueil, a confirmé que petit à petit, les gens sont en train de regagner leur maison.

« Il faut noter que les conditions de vie ne sont pas réunies pour qu’ils continuent à rester ici, car il n’y a pas de douches, juste, trois portes de latrines. Du coup, les déplacés sont obligés d’aller faire leur besoin dans la nature », a regretté le curé

A l’entrée de la paroisse, usé par le chagrin, la lassitude devient le maitre mot des propos de certains. Un peu plus loin, assis sur une planche, un homme âgé d’une cinquantaine d’année, visiblement épuisé suite à la longue marche de la veille, tente d’expliquer son calvaire. Sans oublier quelques bavures attribuées aux agents de l’ordre qui viennent encore enfoncer le couteau dans la plaie.

« Nous avons été fouillés par des agents de l’ordre vers le rond -point de la préfecture. Ces derniers en ont profité pour nous ravir quelques billets de banque que nous possédions », lancent trois jeunes hommes.

« Depuis hier, je n’ai pas encore mangé, car je suis stressé. En venant ici, devant une barrière, un policier a ravi mon téléphone et quelques sous. Nous les votons et ils nous font marcher encore… Aujourd’hui, les Congolais savent que le chemin de la violence ne conduit à rien », réagit un homme d’une cinquantaine d’années, travaillant dans une boulangerie à Bacongo.

L’église est restée fermée, mais dans la cour où ils ont passé leur première nuit à la belle étoile, les enfants, moins stressés que leurs parents jouent avec leurs petits camarades rencontrés sur place.

En pareille situation, quelques particuliers prennent de bonnes initiatives et font preuve de solidarité.  A notre sortie, un véhicule chargé d’eau potable faisait son entrée dans la paroisse. Un jeune homme qui a requis l’anonymat est venu pour approvisionner les familles déplacées en eau.

Les autres sites tels que, l’église Kimbanguiste située au Plateau de quinze ans, l’école de peinture de Poto-Poto et l’Église Sainte- Anne qui n’ont pas connu d’affluence se sont presque vidés. En passant, on peut apercevoir à peine une dizaine de personnes assises dans la cour à côté de leurs bagages.

Le geste d’un bon samaritain…

Offrir son hospitalité sans la moindre inquiétude, c’est la résolution prise par l’apôtre Roston NKélani, responsable d’une église de réveil. Plus d’une dizaine de familles composées d’environ soixante personnes ont trouvé refuge à son domicile situé dans la périphérie sud de Brazzaville, au quartier la base. Du coup, sa demeure s’est transformée en un site des déplacés.

Ces personnes, a-t-il dit en souriant, ne sont pas seulement composées des fidèles de son église, ni de sa famille, mais aussi des autres familles en quête de refuge.

« C’est par solidarité que j’ai reçu aussi bien les personnes que je connais et celles que je ne connais pas. Car c’est dans des moments pareils que le chrétien doit fait preuve de son amour envers son prochain, je ne pouvais donc pas seulement accueillir les miens, mais aussi ceux qui sont simplement dans le besoins », a-t-il indiqué.

Dans les marchés de la place….

Bien que les évènements se soient déroulés dans la partie sud, quelques perturbations ont été observées au centre de la capitale et dans les marchés, notamment celui de Moungali.

Jusqu’à mardi 12heures, ce marché n’avait pas encore retrouvé son ambiance habituelle. Toutefois, deux tendances ont été observées : le secteur d’approvisionnement en vivre reprenait peu à peu, tandis que ceux habituellement occupés par les femmes vivant dans les quartiers sud sont restés vides.

Visages perdus, les commerçants Ouest africains, devant leurs étals de chaussures tentent désespérément par un appel d’attirer l’attention des clients. Ces derniers semblent plutôt être intéressés par des produits vivriers. « Dans pareil moment, nous privilégions le manger et non l’habillement », lance une jeune femme se dirigeant vers les poissons fumés. « Mais la guerre est finie. La vie a repris », réplique le commerçant. Par contre, les établissements de commerce installés sur l’avenue de la paix sont restés ouverts.

La circulation, elle, a repris normalement dans la ville. Comme en témoigne l’embouteillage observé sur l’avenue de la paix, en passant par le rond-point Jacques Opangaut jusqu’à Mazala, au quartier Moukondo.

Le grand marché total n’a pas encore repris, mais les commerçants habitués à exercer quelque chose ont préféré envahir l’artère principale de l’avenue de l’OUA. « Nous sommes habitués à vendre pour nourrir nos familles. Ce n’est pas bon de rester sans rien faire », a réagi une jeune femme, vendeuse de poisson salé.

La prise en charge des déplacés…

Depuis hier, le regard des déplacés, comme nous l’a fait entendre l’un d’eux, est tourné vers les autorités du pays pour une quelconque assistance. A ce propos, des délégations de la Croix- Rouge, du CICR, du ministère des Affaires sociales et de l’action humanitaire ont effectué le 5 avril une descente dans différents sites ouverts dans les églises catholique, protestante et Kimbanguiste pour se faire une idée du nombre de déplacés évalué à environ 35.000 personnes.

Rappelons que, c’est dans la matinée du 4 avril que des milliers d’habitants des quartiers sud de Brazzaville avaient fui leurs maisons après plusieurs heures d’échanges de tirs et de bombardements provoqués par une attaque menée contre des bâtiments publics à Mayanga, Makélékélé etc.

En début d’après-midi déjà, les autorités du pays, à travers le ministre de la Communication et des médias, chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, Thierry Moungalla, avaient lancé un message radiotélévisé, invitant les populations à rester sereines et à vaquer à leurs occupations quotidiennes, rassurant que la situation était maîtrisée.

 

Yvette Reine Nzaba, Lopelle Mboussa Gassia et D. Emilia Gankama

Légendes et crédits photo : 

1-des déplacés attendent le bus pour regagner leurs domiciles 2-Une vue des déplacés à l'église Saint Esprit de Moungali 3-Le pasteur Nkélani posant avec des enfants déplacés

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