Burundi : Pierre Buyoya visé par un mandat d’arrêt

Lundi 3 Décembre 2018 - 14:30

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Dans le cadre d’une enquête sur l’assassinat de l’ancien président Melchior Ndadaye en 1993, le procureur général du Burundi a annoncé que plusieurs autres personnes étaient recherchées, dont l’ancien chef de l’Etat Buyoya, actuellement haut représentant de la Commission de l’Union africaine (UA) au Mali.

 

Vingt-cinq ans après l’assassinat de Melchior Ndadaye, premier président hutu démocratiquement élu au Burundi, l’arrestation de quatre hauts gradés de l’armée à la retraite, le 24 novembre, a constitué un véritable coup de théâtre dans cette affaire.
« Même si des poursuites ont été engagées contre certaines personnes impliquées dans ce crime, il s’est avéré que c’était des exécutants et le procès reste pendant à la Cour suprême. Nous avons décidé d’ouvrir un dossier à leur encontre et quatre d’entre eux ont été arrêtés ce matin pour des raisons d’enquête, tandis que d’autres sont encore recherchés  », avait alors expliqué le procureur général, Sylvestre Nyandwi, lors d’une conférence de presse.

Au cours d’un point presse, le 30 novembre, le procureur général a expliqué que « des éléments de l’enquête » révèlent que d’autres personnes « pourraient avoir été impliquées dans ce crime, dans sa préparation ou même dans sa commission ».
Le ministère public a joint au communiqué une liste de dix-sept noms de personnes qu’il souhaite interroger et à l’encontre desquelles ont été émis des mandats d’arrêts internationaux « pour que les pays qui les hébergent puissent les arrêter et les extrader au Burundi ». En tête de cette liste figure le nom de l’ancien président Pierre Buyoya.

Pour sa part, l’UA a demandé aux autorités burundaises de ne pas compliquer davantage la crise dans le pays.
 « Nous demandons instamment à certains acteurs de la communauté internationale de ne pas infantiliser le Burundi en s’ingérant dans ses affaires politiques sans y être invités. Les Burundais sont politiquement matures pour définir en toute indépendance leur avenir politique », a déclaré l’ambassadeur burundais Albert Shingiro, représentant permanent du Burundi à l’ONU.
Deux fois président, Pierre Buyoya avait renversé, en 1987, le président Jean-Baptiste Bagaza, dans un contexte de tensions ethniques entre Hutu, marginalisé, et Tutsi au pouvoir. Il conserve alors le pouvoir jusqu’en 1993 et organise la première élection présidentielle au suffrage universel de l’histoire du pays, qui porte donc au pouvoir un Hutu : Melchior Ndadaye. Son assassinat, le 21 octobre 1993, quatre mois après son arrivée au pouvoir, avait plongé le pays dans la guerre civile.
Le successeur de Ndadaye, Cyprien Ntaryamira, sera également assassiné, en 1994. En 1996, Pierre Buyoya reprend le pouvoir, détrônant alors Sylvestre Ntibantunganya. Après ce second putsch, il conduira le Burundi vers une difficile réconciliation, nommant le Hutu Domitien Ndayizeye au poste de vice-président. Artisan des accords d’Arusha, qui marquent la fin de la guerre civile en 2000, il acquiert ainsi un statut qui lui vaut d’être tour à tour observateur électoral ou médiateur au service de plusieurs organisations internationales (UA, OIF, CEEAC).
Aucun des nombreux hauts gradés cités dans cet assassinat n’avait alors été inquiété. Depuis, les dirigeants politiques, les membres de l’ancienne armée et des mouvements rebelles avaient bénéficié d’une immunité provisoire.
L’accord de paix d’Arusha de 2000 avait prévu que tous les crimes commis relèveraient désormais de la Commission vérité et réconciliation. D’autres membres de l’Uprona, le parti qu’a dirigé Pierre Buyoya, figurent sur la liste, parmi lesquels d’anciens cadres du parti comme Charles Mukasi ou Luc Rukingama, mais aussi des militaires, comme le colonel Pascal Simbanduku.
Pour Emmanuel Nkengurutse, avocat, ancien sénateur et membre de l’Uprona, « ces arrestations sont le signe que Pierre Nkurunziza ne souhaite pas la réconciliation. Il la contourne en faisant du zèle et en relançant l’enquête 25 ans après les faits ». Quelques jours avant les premières arrestations, le gouvernement burundais avait annoncé la nomination de l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante, en charge des scrutins polémiques de 2010 et 2015, Pierre-Claver Ndayicariye.
 

Yvette Reine Nzaba

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