Climat : le dernier rapport des experts présenté aux Etats de l’ONU en Corée du Sud

Lundi 1 Octobre 2018 - 12:30

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Réunis dans la ville coréenne d'Incheon, les délégués des pays membres des Nations unies se penchent, du 1er au 8 octobre, sur le dernier document des scientifiques du Giec, constat implacable de la montée des dérèglements climatiques et du retard pris pour les contrer.

Soumis à l'approbation des délégués, le texte, fondé sur six mille études scientifiques, met en garde contre des impacts forts à 1,5°C de réchauffement et liste les options, désormais limitées, pour agir si le monde veut rester sous ce seuil (dont 1°C est déjà acquis du fait des gaz à effet de serre déjà émis).

C’est à la COP21 à Paris, fin 2015, que l’ONU avait chargé son Groupe des experts du climat (Giec) de produire un rapport sur l’objectif 1,5°C. Les Etats venaient de s’engager à réduire leurs émissions pour rester « bien-en deçà de 2°C » par rapport à l’ère préindustrielle.

L’ajout de l’engagement à « poursuivre les efforts pour limiter la hausse à 1,5°C », arraché en dernière minute, était d’abord une revendication des Etats les plus vulnérables, comme les petites îles.

Mais la recherche en a depuis précisé les implications et revu le curseur des risques, dans un monde déjà secoué par une recrudescence de vagues de chaleur et autres feux de forêts.

« Il y a trois ans, il n’y avait pas beaucoup de littérature scientifique sur un réchauffement à 1,5°C », explique Jim Skea, professeur à l’Imperial College de Londres et co-président du Giec.

Le rapport de quatre cents pages décrit aujourd’hui une nette différence d’impacts entre 1,5 et 2°C et ce partout, qu’il s’agisse d’ampleur des canicules, d’extinctions d’espèces ou de productivité agricole.

« C’est important car ça clarifie la question : oui, ça fait une grosse différence (1,5 ou 2) », dit Laurence Tubiana, architecte de l’accord de Paris. « Je me souviens de discussions avec pas mal de pays avant Paris, on nous disait : pourquoi 2°C ? pourquoi pas 2,5°C ? », précise-t-elle.

Pour autant, est-il encore faisable de rester à +1,5°C ? Et ce alors que 2017 a vu les émissions mondiales issues de l’énergie repartir à la hausse...

« On ne donne pas de réponse simple », prévient la climatologue Valérie Masson-Delmotte qui co-préside cette session coréenne du Giec. Mais « on est maintenant à la croisée des chemins. Regarder 1,5°C, c’est regarder ce qui va nous arriver, dans notre vie, pas à la génération suivante », prévient-elle.

« Globalement ce rapport dit +il faut que les émissions (atteignent leur pic) très vite+, dès 2020 », résume Laurence Tubiana. « Je crois qu’il faut l’utiliser pour dire il y a urgence et des solutions », indique-t-elle.

Stabiliser à 1,5°C exige une neutralité en émissions de CO2 au milieu du siècle, note aussi le projet de texte : ne plus émettre dans l’atmosphère plus que ce que le monde est capable d’en retirer.

Alors comment risquent de réagir, à la réunion d’Incheon, les Etats appelés à approuver par consensus le « résumé à destination des décideurs », rédigé par les experts et qui leur sera présenté ligne par ligne ?

L’ONU n’a pas fixé la date de sortie de ce rapport de manière anodine : dans deux mois, aux négociations climat de la COP24, prévue en Pologne, les pays doivent entamer un processus de révision de leurs engagements de 2015, insuffisants car promesse d’un monde à +3°C.

A Incheon, les Etats ne sont pas censés toucher le fond du résumé mais il pourra y avoir des échanges serrés sur les formulations, anticipent les habitués du processus.

Il y a l’inconnue américaine. « Les Etats-Unis pourraient soutenir la science, comme ils l’ont fait dans le passé, ou se mettre à faire de l’obstruction », dit un auteur sous couvert d’anonymat.

Selon le département d’Etat, Trigg Talley, vétéran de la diplomatie climat, a été chargé de conduire la délégation, un point « rassurant » pour les auteurs.

Quid de l’Inde, qui a envoyé beaucoup de commentaires ? Et de l’Arabie saoudite ?

Cet été, une soixantaine de gouvernements a émis trois mille six cents commentaires sur la version préliminaire, selon Valérie Masson-Delmotte. « Pour le moment ça reste constructif », assure-t-elle.

 

Nestor N'Gampoula et l'AFP

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