Commémoration : Matata Ponyo règle des comptes

Jeudi 13 Février 2014 - 19:42

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Le Premier ministre a profité de l’an II de la disparition tragique d’Augustin Katumba Mwanke après un crash d’avion intervenu le 12 février, pour s’en prendre ouvertement à certains maux qui rongent le monde politique aujourd'hui, notamment l’absence de loyauté et l’ambivalence dans les prises de position.

 L'intervention de Matata Ponyo, un des rescapés du vol fatidique qui a terminé sa course dans un ravin sur une piste de 2000 m à l’aéroport de Kavumu, a cerné les qualités du disparu. Le chef du gouvernement en a tiré également quelques constats amers. "Augustin Katumba avait une forte personnalité. Il était simple, humble, mais avait une forte personnalité. Pour Katumba, c’était le oui ou le non. Il n’était pas, comme la plupart d’entre nous, à la fois le oui et le non. Katumba, c’était le vert ou le rouge. Il n’était pas, comme la plupart d’entre nous, à la fois le rouge et le vert. Katumba, c’était quelqu’un qui acceptait ou refusait le bien et le mal, mais il ne pouvait pas cohabiter avec le bien et le mal". Les allusions répétées à la "droiture" et à la "rectitude" sont autant de signes non trompeurs, mais il a poursuivi sa réflexion par une question de fond : "Est-ce que nous pouvons suivre la rectitude et la droiture de cet homme ?».

Plus loin, il est revenu une fois encore sur les qualités du disparu : "C’était un homme qui aimait le beau et la vérité, et détestait le mal et le manque de loyauté. Est-ce que nous pouvons suivre cet exemple ? Oui", a-t-il martelé. Le Premier ministre a pris une liberté de ton inhabituelle et qui n’est pas passée inaperçue dans l’auditorium de Fleuve Congo hôtel. Certains participants dans la salle ont cru que le message était destiné à ses détracteurs. Pour d’autres, ce discours très acide pourrait très bien être adressé au vice-Premier ministre et ministre du Budget, Daniel Mukoko, avec lequel il entretient ces derniers temps, selon des sources croisées crédibles, des relations exécrables. Il était présent, mais de marbre. "Cette attitude de Matata Ponyo qui a jusque-là plus encaissé que contre-attaqué aussi ouvertement prouverait un vrai malaise à la primature", a commenté un analyste. Après son témoignage, le Premier ministre a quitté la salle, peu de temps après son arrivée à la cérémonie où lui et d’autres rescapés, notamment le gouverneur Chissambo et l’ambassadeur Antoine Gonda, ont raconté les circonstances qui ont conduit à l’irréparable.

En effet, l’avion devait poursuivre sa course jusqu’au Katanga, a-t-on appris, mais tout s’est arrêté à Bukavu. Selon l’ambassadeur Chissambo, cet avion a atterri en pilotage automatique, une erreur pour un atterrissage dans une piste aussi serrée que celle de Kavumu, à peine 2000 m. Chissambo a réitéré l'intérêt de moderniser cette piste. Suite à cet accident, il a perdu deux cm dans la longueur d'un de ses pieds, et porte désormais des chaussures avec des pointures différentes. Antoine Gonda, au bord des larmes, a rappelé qu’Augustin Katumba était mort en donnant sa place VIP à l’ambassadeur Chissambo afin qu’il discute avec Matata Ponyo, alors ministre des Finances, des difficultés de sa province, le Sud-Kivu, pour la récupération des rétrocessions. Après le dépassement de la distance réglementaire pour l’atterrissage sur cette piste, et le constat intrigué de Chissambo qui a appelé tous ses compagnons d’infortune à attacher leurs ceintures, c’était le vide, a raconté Antoine Gonda. Brisé en trois morceaux, l’avion n’a pourtant pas brulé, laissant le temps au secours d’intervenir. Mort peu de temps après le crash, Katumba Mwanke était recouvert d’un drap, pieds nus, jusqu’à l’acheminement de sa dépouille vers la morgue.

Laurent Essolomwa