Couleurs de chez nous : caprices de mort ou manipulations

Vendredi 23 Décembre 2016 - 14:45

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Avez-vous déjà assisté à un enterrement ? Assurément, vous êtes parmi les témoins du dernier spectacle que nous offrent nos défunts à l’heure de l’enterrement.  Enfant, adulte, femme ou homme, les morts de chez nous ont mille façons d’ «agrémenter » leurs ultimes moments sur terre.

Une parade diversement interprétée et souvent en lien avec les conditions du décès. Pour les uns, il s’agit d’une opposition à aller au cimetière choisi ; pour les autres, il s’agit d’une revue de ceux qui lui étaient proches. Certains qualifient le phénomène de visite aux comploteurs, bref le fait n’est pas moins à la source des polémiques sur la tradition.

Laissons de côté les théories relatives à la mort : scientifiques, philosophiques, religieuses ou sociologiques. Constatons : dans nos villages, ailleurs aussi, le cercueil est porté par des hommes. Ils peuvent être quatre ou six. Et placés de part et d’autre du cercueil qu’ils supportent chacun sur l’épaule. En fonction de la distance à parcourir, ces « porteurs de cercueil » se relayent entre eux ou sont remplacés par d’autres parmi la foule des assistants.

Sauf que le spectacle commence dès que le cercueil est posé sur leurs épaules. Brusque reculade, démarrage en trombe ou valse, tels sont les premiers actes. Suit : ce combat avec les porteurs en termes de direction à prendre. Si le cimetière est situé au nord, la dépouille prend la direction Sud en zigzaguant entre habitations. Retenez qu’au village nombre d’habitations n’ont pas de murs de clôture et que l’on peut débouler d’une parcelle à une autre ou d’une rue à une autre dans une espèce d’exercice d’acrobatie aussi comique que tragique.

Le cercueil s’arrête ici et là obligeant la famille à l’amadouer ou à lui éviter les problèmes ou à désigner son « assassin ». Même quand la personne a passé huit mois à l’hôpital, est morte par accident ou s’est suicidée (ce qui est rare chez les Congolais). « Untel ! On savait que ta mort était provoquée. Montre-nous cette personne ! » ; « Untel ! Va et évite-nous les querelles. Ici où tu nous a conduits vit un innocent qui n’a rien à voir avec ta mort. Va rejoindre les tiens à notre cimetière.» Ce sont-là, entre autres, les phrases courantes et récurrentes en ces circonstances pourtant douloureuses. Il n’est pas surprenant de voir le cercueil se poser au sol.

Ce spectacle (le mot est peut-être de trop !), qui peut durer des heures, n’est pas sans laisser dubitatifs et incrédules certains observateurs. Leurs arguments : ce sont ces porteurs qui font le jeu, car dans les grandes villes, ce phénomène n’est pas évident et pour plusieurs raisons. Des arguments que balaient les défenseurs de la tradition et de la théorie des « morts ne sont pas morts.»  Et que dire des Batékés, chez lesquels les rites de la mort peuvent nourrir plusieurs de nos couleurs ? Surtout s’abstenir d’aller dans le sens du doute cartésien dans une société où majoritairement l’irrationnel l’emporte sur le rationnel, car les sceptiques s’exposent souvent à la vindicte populaire (lynchage et autres sévices corporels).

 

Van Francis Ntaloubi

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