Couleurs de chez nous : « Lipato »

Samedi 22 Juillet 2017 - 11:18

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Depuis le 1er juillet, c’est avec interrogations et nostalgie que j’observe les enfants qui sont désormais en vacances. Après neuf mois de scolarité, comment entendent-ils jouir de leurs vacances ? Derrière cette question, bien d’autres encore de la part d’un représentant, je le suis, des gens de plus de quarante ans.

 Enfants, les Congolais de mon âge et nos aînés n’ont pas connu les NTIC. Même la télévision qui existait était un luxe à Brazzaville. À peine un foyer sur vingt, ou plus, pouvait en disposer. Si bien qu’on montait par-dessus les épaules des autres et on se piétinait pour suivre « Mon ami Guélor » ; « Vidéo 45 » ; « L’homme invisible » ; « Les visiteurs », etc.

Autrement, nous nous adonnions à nos jeux. Le « Lipato » par exemple était l’un des plus populaires. À l’inverse du rugby, un individu était soumis à l’épreuve de courir après les autres qu’il devait toucher. Le « Lipato », un jeu et  non un sport, même s’il en avait l’allure. Un jeu éprouvant, voire énervant. Mais on ne se battait pas, car la tolérance et l’endurance s’imposaient. Un jeu qui se pratiquait sur la terre ferme, dans l’eau et dans les airs (arbres). Dur encore si la règle des trois était adoptée : terre, eau et arbres.

Celui à qui revenait le rôle de poursuivre voyaient ces camarades de jeu (cibles à toucher) juchés sur les branches d’arbres, cachés dans des maisons inachevées ou dans des trous déjà creusés dans le secret en guise de repaire, ou entièrement sous l’eau en respirant à l’aide d’une tige de papayer dont le bout déborde à la surface pour laisser passer l’air.

Pour ne pas consacrer à chacun de nos jeux une chronique spéciale, je citerais entre autres « silikoté » ; « kukulé élombé » ; « jeu de nzika ». Des jeux qui fédéraient tous les enfants du quartier sans exclusion. Comme le sport, ces jeux favorisaient la solidarité entre les enfants et leur évitaient la solitude ou l’isolement. Parti de Brazzaville pour Ewo en vacances, de Nkayi pour Ouesso, de Mayama pour Mossaka, un enfant congolais était vite intégré. Assis dans la maison où il est accueilli, c’est avec bonheur qu’il entendra chanter « Lipatôoo ! Lipatô ! Ya mwana éééh ! ».

Comment résister à cette espèce de « cri de guerre mobilisateur » qui, en fait, n’est qu’une invite à sortir dans la rue, à rejoindre la « bande » et à jouer ? Si pendant l’année scolaire, les parents étaient plus ou moins regardants en bornant la liberté de leurs enfants, les vacances cependant étaient un moment de libre expression, de détente. C’est cette culture du « vivre-ensemble » que le ministère de la Jeunesse a voulu exhumer à travers les colonies de vacances. Hélas ! Aucun écho de ce côté-là, cette année. Sauf à aller jouer au foot, aujourd’hui, pour mille et une raisons, les enfants sont chacun terrés chez eux, les yeux dans le téléviseur et, souvent, avec les doigts sur les manettes pour les jeux vidéo.

 

Van Francis Ntaloubi

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