Couleurs de chez nous: promotion

Samedi 2 Juin 2018 - 13:24

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Pris dans toutes ses acceptions, le mot « Promotion » est essentiellement positif : le passage d’un employé d’un échelon à un autre, une nomination à un poste, la baisse des prix de certains articles comme on le voit dans les grandes surfaces.

Depuis le début de 2018, le mot « Promotion » domine les conversations au Congo. Pour faire court : la « Promotion », chez nous, renvoie à « la vente de trois bouteilles de bière à 1000 francs CFA au lieu de 1500 francs CFA, soit le prix de deux pour trois ». Une aubaine pour certains, ou pour nombreux, en ces temps de crise.

Cette politique commerciale initiée assurément par les brasseries a provoqué un mouvement social, voire culturel, inédit à Brazzaville, Pointe-Noire et dans bien de grandes villes. Dans la capitale, notamment, certains espaces sont devenus célèbres pour leur politique de promotion de la boisson. Des consommateurs y affluent au point que des rues et avenues sont envahies. On se croirait à une veillée mortuaire. C’en est, d’ailleurs, le cas.  Car ils y restent des heures entières, des journées durant et y passent parfois des nuits.

Les hommes exploitent cette dynamique pour faire un pied de nez aux femmes qui, il y a quelques années, les malmenaient en leur exigeant des bières importées aux prix exorbitants. Une manière pour les femmes non seulement de se la jouer mais aussi de juger l’amour de l’homme en jaugeant sa poche. A l’époque, le risque était grand d’inviter une Congolaise dans un restaurant ou dans un bar. Congolaise, elle l’est dans le sang et non dans ce qu’elle consomme. Or, avec la promotion, hommes et femmes sont logés à la même enseigne.

Si la bière industrielle était le privilège des fonctionnaires et autres salariés, la promotion a permis de casser la fracture sociale qui existait dans ce domaine au Congo. En effet, faute de moyens, une catégorie sociale d’individus avait opté pour les boissons traditionnelles que sont le lotoko, le tsam, le molengè, le peke, etc. Un choix par défaut et non par conviction parce que ces liqueurs de chez nous ont cet avantage du prix bas, soit : cent francs le quart de litre appelé « ndoutou », environ trente centilitres, alors que le litre lui-même peut se négocier à cinq cents francs CFA. Un prix et une quantité à même d’égayer une équipe de dix personnes surtout si l’on songe à la forte dose que cache le lotoko, par exemple.

Si Brazzaville découvre la promotion aujourd’hui, la Sangha, jadis enclavée ou lointaine et ouverte au voisin qu’est le Cameroun, en consommait allégrement les produits. Jusqu’au jour où, la route ouverte, les bières ont inondé les localités. Résultat : le jeu de promotion auquel on a assisté à partir de fin 2011 avec trois bières à 2000 francs au lieu de 2400 francs, car là-bas, la bouteille coûtait 800 francs. A 2000 francs, le sourire était large chez les consommateurs qui avaient débaptisé cette promotion « Mopiko » (référence au panier de poissons fumés). Sans détruire la joie des disciples de Bacchus, un conseil cependant : « Consommer avec modération ».
 

Van Francis Ntaloubi

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