Couleurs de chez nous: Rumeur

Mercredi 26 Avril 2017 - 18:34

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« Le ministre X a disparu avec 50 milliards » ; « Tel préfet a été giflé par sa concubine » ; « Le pain contient désormais tel ingrédient toxique » ; « L’eau de telle société a été contaminée », etc.

Ce genre de propos traverse Brazzaville chaque jour que Dieu a fait. Et ses filles et fils de cette ville y prêtent foi moins qu’ils ne le font pour les versets bibliques. La rumeur ! C’est l’une des épidémies jamais déclarées qui frappe les Congolais dans leur quasi-majorité. Elle serait une maladie, on parlerait d’hérédité dans son mode de transmission. Tout petit, le Congolais n’hésite pas à pondre un mensonge ou à distiller une rumeur capable de désintégrer sa famille. Sous une autre forme, elle devient toxique. Cela s’appelle « intox ». Ici, chez nous, elle a un nom connu de tous « songi songi ». Elle est si caractérielle des Congolais qu’elle a même nourri leur musique. Et le célébré Tabu Ley Rochereau en a fait un titre que l’on peut encore écouter sur les antennes des radios d’ici. Elle court, elle court si vite, cette rumeur, si bien qu’à l’ère d’Internet, elle peut aller de Brazzaville pour Bétou et échouer à Pointe-Noire. Il y a quelques mois, l’obélisque planté au rond-point de Moungali, en plein cœur de Brazzaville en fit les frais. Sa démolition était y déjà en vue n’eût été quelques esprits éclairés. Des spécialistes en architecture furent mobilisés ainsi que les gestionnaires de la ville pour se justifier sur une erreur d’appréciation qui se mua en folle rumeur au point de mettre la ville en hystérie et le pays en haleine. Telle est la face visible de la rumeur au Congo. Ses conséquences, jamais évaluées, sont nombreuses. Elles se déclinent en foyers brisés, en entreprises en déroute, en citoyens faits prisonniers et même en victimes mortelles. En attendant que les chercheurs en toutes disciplines lui consacrent leurs thèses, on peut se demander pourquoi les Congolais adorent la rumeur. Je me risque en indexant entre autres : la mauvaise communication, la sous information et l’analphabétisme qui conduit à l’aveuglément. D’autres causes existent. Mais, derrière, il peut y avoir des manipulateurs qui s’exercent à souhait sur les consciences fragiles et réceptives. Pour tout dire : la rumeur est la caractéristique des sociétés « fermées » à l’information. Elle exprime le besoin de l’homme en information. Assoiffé et en quête d’information qui n’existe pas ou qu’on lui refuse, l’homme crée sa propre information. Tant pis pour les conséquences ! Retenons donc qu’un homme mal informé ne peut s’empêcher de mal raisonner. Et mal raisonner au Congo prend, vous l’avez compris, les couleurs de la rumeur.

Van Francis Ntaloubi

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