Covid-19 : Ikala Engunda évoque l’impact de la pandémie sur l’économie nationale

Vendredi 24 Avril 2020 - 11:40

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Le Covid-19 s’avère un sérieux problème économique mondial, et naturellement pour la République démocratique du Congo. Beaucoup d’activités sont à l’arrêt depuis plus d’un mois à la suite de l’état d’urgence sanitaire décrété par le président de la République Félix Antoine Tshisekedi.

Dans le magazine audiovisuel « Prélude » animé John Ngombua sur la chaîne Antenne A (AA), l’économiste Alain IkalaEngunda donne des pistes d'ajustements qui lui semblent appropriés pour éviter le naufrage total de l’économie nationale. « Le Covid-19 aura nécessairement un impact sur notre économie. En fait, les recettes de l’Etat congolais proviennent principalement des ressources minières, notamment des exportations achetées par la Chine. Si la demande chinoise baisse, notamment sur le cuivre et le cobalt, cela aura un impact direct sur les recettes nationales. Et si l’on ajoute la baisse des cours du cuivre et du cobalt, les recettes vont baisser drastiquement. Pour donner un ordre de grandeur : le mois passé, la RDC a fait moins de 350 millions de dollars américains de recettes, c’était juste assez pour pouvoir payer les dépenses courantes, c’est-à-dire le fonctionnement et les rémunérations. Il faut espérer trouver d’autres sources de revenus et ne plus dépendre uniquement des ressources extractives pour ne pas subir l’influence de la baisse ou de la hausse des matières premières. Oui, le Covid-19 aura un impact sur notre économie et ça va se sentir », affirme-t-il.

Concernant les secteurs qui seront les plus affectés par la crise née de cette pandémie, Alain IkalaEngunda précise : « Les secteurs qui seront les plus touchés au regard de la propagation de ce virus en RDC, sont ceux qui dépendent notamment de l’exportation et surtout de la demande chinoise, et j’entends par là les secteurs minier, pétrolier et forestier, dont les exportations dépendent de Chine ».

Quant à remédier aux dégâts du Covid-19 sur l’économie nationale, cet expert en économie pense à des actes symbolique, notamment diminuer le coût du fonctionnement des institutions et des rémunérations. « Pour faire en sorte que l’impact néfaste soit amoindri dans l’économie congolaise, ce qu’il faudrait faire est avant tout symbolique. Le public doit d’abord comprendre que 80 % des dépenses de l’Etat, c’est le fonctionnement et les rémunérations. L’Etat n’a pas assez d’argent pour investir, et on ne peut continuer de cette manière. Il faut, de manière drastique, baisser les rémunérations et le fonctionnement, aussi faut-il accepter que l’on ne puisse pas avoir un gouvernement éléphantesque, comme nous l’avons aujourd’hui, avec deux cents personnes ayant rang de ministre, parce que cela gonfle le fonctionnement et les rémunérations qui prennent 80 % des recettes nationales. Si l’on diminue cela, l’argent évacué pourrait permettre d’investir dans des secteurs porteurs », soutient Alain IkalaEngunda.

Parlant de l’impact de la pandémie sur les entreprises, l’économiste propose : « Pour les entreprises, le gouvernement a pris des moyens intéressants qu’il faudrait peut-être externaliser. Car il y a des entreprises qui subissent l’impact néfaste à cause de la baisse de la demande chinoise, notamment les entreprises minières. C’est vrai on regarde beaucoup les miniers, mais il y a aussi le secteur forestier où l'impact est important parce que la demande chinoise a baissé. On devrait penser à ces entreprises du secteur forestier, notamment, en termes de moratoire sur la Taxe de la valeur ajoutée (TVA) et de crédit d’impôt. Cela, afin de baisser l’impact négatif parce qu’aujourd’hui par exemple, une entreprise forestière qui se trouve à l’Equateur et qui est la seule industrie de la place ne peut pas se permettre de fermer. Il faut trouver des moyens ou faire un moratoire sur le paiement de certaines taxes pour aider ces entreprises à traverser ce moment difficile ».

Les routes pour stimuler l'économie

A la question de savoir si le Covid-19 pouvait être un déclic pour stimuler la production interne, l’économiste est pertinent dans sa réponse. « Stimuler la production oui, mais laquelle ? Quand j’entends parler de stimuler la production, je vois les minerais ; on pense encore qu’il faut investir dans les mines pour espérer se développer. Il faut changer de paradigme ! Aujourd’hui, on a trois facteurs en RDC qui pourraient aider à développer le pays : le nombre de population estimé à 80 millions, l’étendue de notre territoire et la qualité de notre sol. Nous pouvons devenir une puissance agricole », dit-il. Et de poursuivre : « Le seul problème en RDC est que les provinces sont enclavées, elles ne sont pas reliées. Pourtant, il y a un marché de 80 millions de personnes. C’est cette richesse-là aujourd’hui qu’il faut essayer d’envisager. Mais qu’est-ce qu’on fait pour stimuler ce marché, cette production ? Nous avons le Fond d’entretien routier (Foner) qui ne produit que 180 millions de dollars chaque année mais ne sert qu’à l’entretien routier alors que nous devons relier nos provinces. Le modèle actuel avec le Foner pour l’entretien des routes n’est pas suffisant, on a besoin des milliards que nous n’avons pas ».

Pour stimuler cette économie, insiste-t-il, il faut changer de paradigme et faire comme la France après la Seconde Guerre mondiale. Pour refaire son infrastructure routière, elle a utilisé le mécanisme de concessions routières. C’est un mécanisme qui permet à l’Etat de céder des parts, des concessions des routes pour que les privés puissent les construire et se faire payer par les péages et ainsi bâtir le réseau routier. Ce qui permettra aux provinces de s’interchanger des produits et d’avoir cette stimulation de l’économie via l’échange. « Donc, notre plus grande richesse, ce ne sont pas les minerais. Notre plus grande richesse, c’est la population et la force de travail que nous devons mettre en marche. Le modèle du Foner est dépassé. Nous devons aller vers le modèle des concessions routières pour relier nos provinces. C’est ainsi que nous deviendrons une puissance régionale, continentale et mondiale. Sans les routes, il n’y a pas d’espoir en économie », conclut-il.

Martin Enyimo

Légendes et crédits photo : 

Alain Ikala Engunda, économiste

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