Crise libyenne: Denis Sassou N’Guesso à la conférence de Paris

Mardi 29 Mai 2018 - 20:00

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Répondant à l’invitation de la France, pays initiateur de la Conférence internationale sur la Libye sous l'égide des Nations unies, le président congolais, suivant l’ordre protocolaire, après ses homologues du Niger et du Tchad, a été reçu, en fin de matinée du 29 mai, par le chef de l’Etat français, Emmanuel Macron.

Le président français Emmanuel Macron (R) accueille le président de la République du Congo Denis Sassou N'Guesso à l'Elysée à Paris le 29 mai 2018 avant une conférence internationale sur la Libye. L’invitation du président du comité de haut niveau de l’Union africaine (UA) sur la Libye à la conférence de Paris peut être considérée comme un écho aux protestations que l’organisation continentale a maintes fois exprimées au sujet des initiatives tendant à écarter ou ignorer la voix de l’Afrique dans la résolution de la crise libyenne.

Avec cette implication élargie, contrairement à la première conférence du 25 juillet de l’année dernière à Saint Cloud, le président Macron a invité à Paris toutes les parties libyennes concernées, dont le maréchal Khalifa Haftar, qui règne dans l’est de la Libye, et le président du Conseil présidentiel libyen, Fayez Al Sarraj.

L’UA, l’Union européenne, la Ligue arabe, la Turquie, le Maroc, l’Algérie, l’Egypte, le Tchad ainsi que le chef de la mission de l’ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, étaient également associés à la réflexion à Paris.

Ainsi, impliqué dans la résolution de ce conflit, le président Denis Sassou N'Guesso n’a jamais cessé de lancer des appels à la sagesse, à la réconciliation et à l’union, et plaidé pour que s’accorde la communauté internationale et l’Union africaine dans une démarche concertée de sortie de crise.

« Toute initiation internationale sur la Libye devrait prendre en compte l’Union africaine et sa feuille de route pour sortir ce pays de cette situation », avait réagi, en son temps, l’Union africaine qui soutient, par ailleurs, que la réconciliation entre Libyens devrait précéder l’organisation des élections. A l’évidence, c’est cette position qu’a défendue le président du comité de l’UA sur la crise libyenne. Car, les consultations électorales sont, souvent, sources de conflit et de division. De ce fait, avance-t-on de source sûre dans la délégation, « il serait plutôt judicieux de commencer par une conférence de réconciliation ».

A huis clos, les acteurs nationaux et internationaux ont travaillé sur une feuille de route prévoyant la tenue d'élections présidentielle et législatives et la simplification des institutions libyennes, avec une seule banque centrale et un seul parlement, ainsi qu’un travail d'unification des forces armées dans le pays. Mais organiser des élections suppose maintenant de réunir les conditions adéquates à leur tenue, avec un nouveau cycle d'inscription des électeurs, des fonds appropriés, des mesures de sécurité adaptées.  Une nouvelle loi électorale devra être adoptée par la Chambre des représentants et un projet de Constitution proposé tandis que la Haute Commission électorale nationale, organe chargé de la tenue des élections, devra clarifier le cadre juridique de la participation des partis politiques
Rappelons que Brazzaville, capitale du Congo, a déjà abrité deux réunions en 2017 et en 2018 pour permettre à l’Afrique d’avoir une voix forte sur la crise libyenne.
Les participants à la Conférence internationale sur la Libye écoutent un accord verbal entre les différentes parties concernant l'organisation d'une élection démocratique cette année à l'Elysée à Paris le 29 mai 2018.

Encadré 1

Les quatre principaux acteurs libyens

 

La Libye est, depuis la mort, en 2011, de Mouammar Kadhafi, un pays morcelé, qui compte une multitude de forces rivales attachées à des groupes ou factions qui se livrent à une lutte acharnée pour la domination du pays. Quatre acteurs principaux de la crise se sont engagés, le 29 mai, à travailler ensemble pour que des élections législatives et présidentielle se tiennent le 10 décembre. 

 

Fayez al-Sarraj. Chef du gouvernement d'Union nationale (GNA), reconnu par la communauté internationale et issu de l'accord interlibyen signé fin 2015, au Maroc (Skhirat), sous l'égide de l'ONU. Il est entré en fonction, en mars 2016, sans obtenir jusqu'ici la confiance du parlement basé dans l'est du pays, qui lui est toujours hostile. Il est appuyé dans la capitale par trois importantes milices tripolitaines en charge également de la sécurité à Tripoli et ses banlieues.

Le GNA ne fait toujours pas l'unanimité dans le pays, même si plusieurs villes de l'ouest ont proclamé leur allégeance.

Khaled al-Mechri. Président du Conseil d'Etat (l'équivalent d'une chambre haute) qui siège dans la capitale Tripoli. Cette instance consultative issue également de l'accord de Skhirat est formée en grande partie d'ex-membres du Congrès général national (CGN, ex-parlement) issu des élections de 2012, hostiles au maréchal Khalifa Haftar, l'homme fort de l'est. Khaled al-Mechri a été élu, début avril, à la tête du conseil en remplacement d'Abderrahman al-Swehli, un influent homme politique de la ville de Misrata.

Le nouveau président du conseil est un membre du Parti justice et construction des frères musulmans libyens.

 

Khalifa Haftar. Homme fort de la Cyrénaïque, la partie orientale du pays, et chef de l’Armée nationale libyenne (ANL, autoproclamée). Il est accusé par ses détracteurs de vouloir instaurer une nouvelle dictature militaire en Libye et d'être soutenu par des forces étrangères : l'Egypte, les Emirats arabes unis et la France.  

L'ANL contrôle l’est libyen, le Croissant pétrolier à la frontière égyptienne, à l’exception de Derna, contrôlée par une milice jihadiste pro Al-Qaïda. L'ANL est aussi présente dans le sud, notamment à Koufra et aux alentours de Sebha.

Elle est formée d'anciens officiers de l'armée libyenne, de miliciens, de combattants sans formation militaire issus des tribus alliées, mais aussi de salafistes non jihadistes.

Le 7 mai, le maréchal Haftar a lancé une offensive pour "libérer" Derna.

 

Aguila Salah. Il est le président du parlement élu en 2014, une assemblée, qui a rapidement été contrainte de s'exiler à Tobrouk, dans l'est libyen, après qu'une coalition de milice (Fajr Libya) s'est emparée de la capitale Tripoli. A l'ouest, le parlement sortant, le CGN, avait contesté plusieurs irrégularités dans la prise de fonction de la nouvelle assemblée et refusé de céder la place. Le maréchal Haftar dit tirer sa légitimité de ce parlement exilé.

A sa tête, Aguila Salah, un ancien juge, compte notamment sur le soutien de sa tribu, al-Obeidat, une des plus puissantes de l'est libyen.

D’après AFP

 

Encadré 2

 

Rappel des faits

Après la mort de Mouammar Kadhafi, en 2011, le pays a organisé des élections libres, mais les milices lourdement armées ont continué à faire la loi et le pays s'est enfoncé dans des blocages politiques, l'instabilité gagnant du terrain. Depuis août 2014, la Libye est divisée en deux coalitions, avec deux autorités, exposées à des influences étrangères. A Tripoli, l'autorité est dominée par des islamistes et de nouvelles élites issues de la révolution. À Tobrouk, des laïcs qui appartiennent à l'ancienne élite ont pris le pouvoir. A cette ligne de fracture s'ajoutent de nombreux conflits locaux notamment dans le Sud qui s'estime délaissé. Ce climat profite à des organisations terroristes comme l'Etat islamique, apparu récemment en Libye.

Marie Alfred Ngoma et Bénédicte de Capèle

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : Le président français Emmanuel Macron (R) accueille le président de la République du Congo Denis Sassou N'Guesso à l'Elysée à Paris le 29 mai 2018 avant une conférence internationale sur la Libye. Crédit photo : Ludovic Marin / AFP Photo 2 : Les participants à la Conférence internationale sur la Libye écoutent un accord verbal entre les différentes parties concernant l'organisation d'une élection démocratique cette année à l'Élysée à Paris le 29 mai 2018. Crédit photo 2 : Dr. Étienne LAURENT / PISCINE / AFP

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