Démobilisation et réinsertion : HRW met à nu les déficiences du processus DDR

Mercredi 1 Octobre 2014 - 18:21

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L’enquête menée par Human Rights Watch (HRW) dans le camp de Kotakoli, en septembre 2014, a abouti au constat que quarante-deux combattants démobilisés et au moins cinq femmes et cinquante-sept enfants y sont décédés depuis décembre 2013.

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à la fois triste et tragique ce qui se passe au camp de Kotakoli situé dans la province de l’Équateur. C’est dans cet ancien centre d’entraînement de commandos militaires délabré construit en 1965 que les anciens combattants démobilisés et leurs dépendants, qui sont près d’une centaine, ont été regroupés dans le cadre du programme Désarmement, Réintégration et Réinsertion (DDR). En attente d’un nouveau programme DDR et leur éventuel déplacement vers d’autres lieux plus cléments, ces anciens combattants et leurs familles mèneraient une vie d’enfer à Kotakoli, loin de toute assistance gouvernementale. On retrouve dans le lot, les anciens combattants issus du M23, des groupes Nyatura, de l’Alliance du peuple pour un Congo libre et souverain et ceux d’autres groupes Maï-Maï. Toutefois, bon nombre d’entre eux se trouvaient auparavant dans des centres de regroupement dans le Sud-Kivu avant leur acheminement à Kotakoli.

Et pourtant, lors de leur reddition à la suite de la débâcle du M23 en septembre 2013, ces combattants ont été rassurés d’une prise en charge effective du gouvernement en perspective de leur réinsertion dans la vie sociale. Aujourd’hui, la situation apocalyptique dans laquelle ils se retrouvent est aux antipodes des promesses faites. C’est ce qu’a constaté Human Rights Watch qui vient de mener des investigations à Kotakoli où grouillent plus de cent familles abandonnées à leur triste sort. Dans un rapport accablant, cette ONG décrit la misère infernale que côtoient les pensionnaires de ce site qui manquent de tout, jusqu’au stricte minimum. « En raison du manque de nourriture et de l’absence quasi totale de soins de santé, de nombreux anciens combattants et membres de leurs familles sont tombés malades et sont morts de malnutrition et de maladie », souligne le rapport de HRW.

Les enquêteurs de cette ONG, qui ont eu des entretiens avec les anciens combattants, les membres de leurs familles, les superviseurs du camp et les membres de la communauté locale, ont recensé des témoignages poignants qui donnent la mesure du drame vécu à Kotakoli. Des enfants malades ont succombé entre les mains de leurs parents qui n'ont pas d'argent et manquent de médicaments, des femmes enceintes ont fait une fausse couche en raison du manque de nourriture et, chaque jour, l’on pouvait enterrer jusqu’à cinq corps dans des conditions atroces. 

Un site difficile d’accès

Pour toute justification, le gouvernement a mis en avant l’isolement de la zone - entourée de forêts denses et quasiment inaccessible par la route - précisant que l’approvisionnement du camp avait été compromis par le mauvais état des routes dans la région. En plus, les retards significatifs dans la mise en œuvre du nouveau programme DDR et l’hésitation des bailleurs de fonds à le financer ont fait que les pensionnaires passent plus de temps que prévu à Kotakoli alors que l’option de leur transfert vers un autre centre de regroupement plus commode avait été déjà levée. Pendant que les responsables militaires évoquent le manque de moyen de transport pour assurer le déplacement des concernés, HRW dénonce une violation du droit humanitaire international (droit de la guerre) et du droit international relatif aux droits humains.   

Cependant, pour aider à restaurer la confiance dans le programme DDR, HRW a exhorté la Monusco, dans le cadre de son mandat de protection des civils, à jouer un rôle plus actif dans le programme en agissant comme garant du processus. « La mission devrait assurer une supervision conjointe avec le gouvernement, aider à faire respecter les droits humains et surveiller l’utilisation des fonds », indique HRW à titre de recommandation. L’ONG exhorte, par ailleurs, le gouvernement à traduire en justice les personnes responsables des mauvais traitements infligés aux anciens combattants démobilisés. Les combattants démobilisés regroupés aux sites de Kamina (Katanga) et de Kitona (Bas Congo) subiraient aussi le même calvaire que leurs pairs de Kotakoli, à en croire HRW.  

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

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