Disparition : Papa wemba se retire de la scène musicale

Lundi 25 Avril 2016 - 17:30

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La nouvelle est tombée comme une bombe à Kinshasa. En fait, on n’entendra plus jamais en live l'exceptionnelle et mélodieuse voix de Kuru Yaka, chef coutumier du village Molokai, Vieux Bokul, Ekumanyi, Mwalimu, Mzée Fula Ngenge, etc.

La star de la rumba congolaise, Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba, connu sous le nom de Papa Wemba, n’est plus. C’est sur scène, comme il a eu à le chanter une fois, que ce baobab de la musique congolaise moderne s’est écroulé. Il était sur scène à Abidjan en Côte d’Ivoire au festival de musiques urbaines d’Anoumabo organisé par le chanteur A' Salfo du groupe Magic System auquel il a été invité, le 24 avril, lorsqu’il s’est évanoui. Emmené manu militari dans une clinique, il n’a pas survécu à cette attaque.

Quelques semaines avant, le leader du groupe musical Viva La Musique avait eu une attaque lors de son séjour à Paris en France. Mais il s’était ensuite remis. Selon un flash d’information sur la chaîne de télévision Télé 50 émettant à partir de Kinshasa, le président de la République Joseph Kabila, en séjour à New York aux États-Unis où il a signé l’Accord du Cop 21, a tout de suite réagi en présentant ses condoléances à la famille biologique du chanteur ainsi qu’à l’ensemble des musiciens de la RDC aussitôt mis au courant de la triste nouvelle.

Ce monument de la musique s’en va et laisse un immense héritage musical après près d’un demi-siècle de carrière musicale. Né le 14 juin 1949 à Lubefu dans l’ex-Kasai oriental, cette légende de la rumba congolaise fait ses premiers pas dans la musique en 1969 à Kinshasa, prenant modèle d’abord sur sa mère, pleureuse alors que son père, ancien soldat de l’armée belge pendant la Deuxième guerre mondiale s’était reconverti en chasseur. Ce dernier (disparu en 1966) voyait en son fils un futur journaliste, mais le destin oriente Papa Wemba vers la musique, suivant non seulement son penchant pour l’art d’Orphée, mais également le talent qui sommeille en lui. Dès l’enfance, il cultive sa singulière voix ténor dans la chorale religieuse alors qu’il est élève à l’école Pigier à Kinshasa au milieu des années 1960. Il habite le quartier Matonge, et à la mort de ses parents, il quitte la musique religieuse pour embrasser la musique populaire.

En décembre 1969, il fait partie d’un groupe de jeunes musiciens composé de Nyoka Longo, Félix Manuaku, Evoloko Joker, Mavuela Siméon, Bozi Boziana lors de la naissance du groupe musical Zaiko Langa Langa et Wemba est auteur des tubes comme  « Meté la vérite », « Paulina », « Chouchouna » (1974). La même année, il quitte Zaiko pour Isifi Lokole (incorporation ici de l’instrument à percussion lokolé). Et la chanson « Amazone » dédié à sa compagne trône sur les hits au pays.

Viva la Musica...

En février 1977, il fonde son groupe, Viva la Musica. Il crée une sorte de cour royale qu’il nomme Molokai, qui rassemble en fait cinq avenues de Matongo son bastion, notamment Masimanimba, Oshwe, Lokolama, Kanda-Kanda et Inzia. Des générations des musiciens sont passées par cet ensemble musical érigé de facto en une sorte d’école de formation depuis les premiers comme Espérant Kisangani, Bipoli, Jadot le Cambodgien, feu Petit Aziza, Emeneya Kester, Fanfan de Molokai, Debs Debaba, Dindo Yogo, Djanana (père de Maître Gims), Bengali Petit Prince, les guitaristes Rigo Star, Bongo Wende, Syriana, Julva, Pinos, So Kalmery, etc. Dès le début, des chansons comme « Mère supérieure », « Ebalé Mbongé », « Mabele Mokonzi », « Bokulaka », « Ekoti ya Nzube », etc récoltent un franc succès. Il offre à Koffi Olomide, alors étudiant en France, l’occasion de faire son entrée dans la musique. Bon parolier, Koffi écrit des chansons comme « Princesse ya Sinza », « Asso », « Samba Samba », « Anibo », etc. Papa Wemba fait rêver les jeunes au milieu des années 1980, étant le chef de file du mouvement dénommé la Sape (Société des ambianceurs et des personnes élégantes). Le mythe de l’Europe, « Poto » voit le jour. Tous les jeunes rêvent d’aller en Europe pour bien s’habiller, et gagner sa vie. Les tubes « Signorina », « Analengo », « Mea Culpa », « Matebu » et « Proclamation » (de Mombele Niarkos surnommé le pape de la sape), etc.

Après cette première génération des musiciens, une deuxième est constituée des chanteurs comme Reddy Amisi, Stino Mubi, Maray Maray Sangwa, Lidjo Kwempa, Awilo Longomba, Luciana, Stino Mubi, Célé Le Roy, Gloria Tukadio, etc. A la fin des années 1980, Papa Wemba et Viva la Musica s’installent en Europe et s’insère dans la world music sous la houlette de Peter Gabriel, l’album world « Emotion » sorti en 1995 est vendu à plus de 500 000 exemplaires décrochant un disque d’or aux Etats-Unis. Il a collaboré avec des sommités africaines et internationales de la musique et a été auteur de milliers de chansons chef-d’œuvre, étant aussi leader de toute une génération. Ensuite, il y a une troisième génération avec des musiciens comme Paty Patcheco, Bendo Son, Alpatshino, Pompon Miyake, Apocalypse, Ibos Mbati, Guylain Madova, Archange, Djo Le Noir, Tosha Fulakanda, Ramazani, Christian na Nzenze, Zamba, Vico Mupassa, etc. Un bémol dans sa vie est sans le sombre épisode de l'emprisonnement en France, inculpé en février 2003 en Belgique pour trafic d'êtres humains.

Papa Wemba s’est aussi essayé au cinéma dans « La Vie est belle » sorti en 1987, apparaissant aussi dans « Combat de fauves » en 1997, ainsi qu’en 2012 dans « Kinshasa Kids », et très récemment, il s’intéressait à la peinture. Un monument, un baobab, une icône, une identité musicale, un monstre sacré et dernier gardien du temple de la rumba fiesta après Kallé Jeff et Tabu Ley, et même un mode de vie, l'artiste Papa Wemba prend son repos.

Martin Enyimo

Légendes et crédits photo : 

Papa Wemba se retire de la scène à 66 ans, après près de 50 ans de carrière musicale

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