Droits humains : WWF ne tolère pas les violences envers les Pygmées

Jeudi 28 Septembre 2017 - 17:46

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Dans une interview accordée le 27 septembre au journal français Le Monde, le directeur Afrique du Fonds mondial de la nature (WWF), Frederick Kwame Kumah, a récusé les accusations portées sur cette ONG internationale active dans le domaine de la conservation par Survival International, sur d’abus commis aux populations pygmées dans le bassin du Congo dont certains médias, notamment le groupe Adiac, avaient fait échos. Il a également souligné les efforts fournis par cette ONG internationale pour faciliter l’amélioration des conditions de vie de ces populations.

Réagissant aux accusations de complicité d’abus contre les pygmées dans le bassin du Congo, le directeur Afrique de WWF a récusé, le 27 septembre, dans un entretien accordé au journal Le monde, le « procès fait à son organisation par l’ONG Survival ». Pour ce responsable continental de cette ONG internationale active dans le domaine de la sauvegarde de l’environnement, le « WWF n’a aucune tolérance pour les violences envers les pygmées ».

Dans cet entretien, Frederick Kwame Kumah ne nie pas la réalité de ces violences, mais il en conteste l’ampleur et affirme que son organisation n’a aucune tolérance pour les écogardes qui en sont les auteurs. Il a, à cet effet, lancé un appel à l’ONG accusatrice afin de travailler avec sa structure sur le terrain et à fournir les informations dont elle dispose pour que des poursuites soient engagées contre les coupables.

Une préoccupation pour WWF

Dans ses réponses, Frederik Kwame Kumah a noté que la situation des peuples autochtones et celle des Baka du Cameroun, en particulier, sont au premier rang des préoccupations de WWF. « Nous n’allons pas polémiquer sur la vie de ces personnes. Nous ne nions pas que des violences existent, mais je veux aussi dire que chaque fois que nous avons connaissance d’un abus ou que nous recevons une plainte, nous en informons le gouvernement », a-t-il rassuré, en notant que toutes ces allégations ont été prises très au sérieux car, pour WWF, « la conservation durable ne va pas sans le respect des populations et l’amélioration de leurs conditions de vie ». Pour le directeur Afrique de WWF, sa structure a reçu des plaintes sur les faits décriés mais pas dans les proportions dénoncées par Survival International. C’est dans l’optique de mettre fin à ces genres de traitement sur des populations que l’ONG internationale a exhorté à la mise en place de bons circuits pour que tous les abus commis sur le terrain puissent être dénoncés.

Des moyens conséquents pour prévenir des abus

Dans son échange avec le média français, Frederik Kwame Kumah a reconnu que WWF travaille avec le gouvernement. Ce qui peut expliquer, selon lui, que des victimes hésitent à s’adresser à cette ONG internationale. Mais il a noté que le WWF encourage les communautés avec lesquelles il travaille à dénoncer les cas dont elles pourraient être victimes ou témoins. « Et nous avons aussi un système de lanceurs d’alerte au sein de notre personnel pour détecter d’éventuels problèmes », a-t-il appuyé.

Aussi le WWF intervient-il dans la formation des écogardes qui, par ailleurs, dépendent du gouvernement et veille à ce qu’ils soient informés des droits des populations autochtones. « Ils savent ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas et signent un code de conduite avec le gouvernement. Nous incitons les autorités à recruter des Baka comme écogardes afin de faire tomber les barrières avec les autres communautés », a-t-il expliqué.

Des écogardes sanctionnés

Le directeur Afrique de WWF a souligné que certaines des plaintes transmises au gouvernement ont conduit à des sanctions qui ont été rendues publiques. Depuis 2015, a-t-il rappelé, cinq écogardes ont été sanctionnés à la suite de plaintes transmises par WWF au ministère camerounais de la forêt et de la faune sauvage. Mais Frederik Kwame Kumah a aussi regretté le manque d’informations dans beaucoup de cas. C’est, à l’en croire, cette dernière situation qui motive son appel vers Survival International pour fournir les informations dont elle dispose et de venir travailler avec WWF sur le terrain. « C’est bien de faire du bruit en restant à des milliers de kilomètres mais, pour que les choses changent, il faut être sur le terrain », a-t-il soutenu, déplorant le retrait de Survival International de la procédure en décembre 2016, alors que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avait accepté de traiter la plainte déposée par cette ONG contre WWF pour violation des droits de l’homme, qui avait constitué une occasion de collaboration entre ces deux structures.

Le WWF tient au respect des lois

Répondant à la question sur les reproches faits par Survival International de travailler dans des aires protégées créées sans avoir obtenu le consentement « libre, informé et préalable » des populations qui vivaient dans ces espaces maintenant sanctuarisés, le directeur Afrique du WWF responsabilise les gouvernements. Pour Frederik Kwame Kumah, il n’appartient pas à WWF de faire appliquer ce principe. « C’est de la responsabilité de chaque gouvernement. Lui seul peut décider ce qu’il fait de ses terres... Ceci dit, nous faisons pression pour que les gouvernements prennent en compte ce principe inscrit dans la Déclaration des droits des peuples autochtones pour fixer la délimitation des aires protégées. Et, dans la pratique, c’est ce qui se passe de plus en plus, même si les gouvernements n’ont pas encore transcrit ce principe dans leur droit national », a-t-il dit.

Mais, pour le WWF qui a réactivé au Cameroun une plate-forme de dialogue, il serait essentiel que tout le monde soit autour de la même table pour trouver une solution. De l’avis du directeur Afrique du WWF, en plus de tout cela, les projets menés sur le terrain, notamment dans le sud-est du Cameroun, qui touchent 16 mille Baka, démontrent que la conservation peut permettre d’améliorer les conditions de vie de ces populations. « Nous leur offrons un meilleur accès à la santé et à l’éducation et nous faisons en sorte qu’elles puissent faire entendre leur voix en les aidant à s’organiser », a fait remarquer Frederik Kwame Kumah, notant, par ailleurs, que les difficultés des Pygmées vont bien au-delà de leurs relations avec les ONG de conservation parce qu’au Cameroun, par exemple, ces populations subissent les conséquences d’une marginalisation très ancienne, exacerbée depuis quelques années par la montée des conflits.

Le WWF, rappelle-t-on, a été accusé depuis plusieurs années de ne pas respecter les droits des pygmées du bassin du Congo par l’ONG de défense des peuples autochtones Survival International. Dans son dernier rapport, publié le 24 septembre, cette dernière, qui a nommément accusé WWF, a livré des dizaines de témoignages qui raniment la polémique sur la persécution dont sont victimes ces populations qui vivent aux abords des aires protégées, auxquelles l’accès leur est soit interdit, soit restreint.

Lucien Dianzenza

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