Du moderne dans le quotidien

Samedi 31 Août 2013 - 10:00

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel

Le Congolais semble s’éloigner de plus en plus de sa culture. N’est-il pas temps d'une prise de conscience qui ne signifie pas rejet ou acceptation automatique des réalités ?

Les festivités du cinquante-troisième anniversaire de l’indépendance à Djambala ont donné à voir un Congo flamboyant et haut en couleur. Mais le spectacle était aussi une sorte de reconquête de valeurs qui ne trouvent pas toujours leur expression dans l’espace national. Ainsi, danseurs et artistes traditionnels étaient superbes, c’est vrai, dans leurs costumes de raphia. De tout temps, les Plateaux ont été au sommet du souci de préservation et de réappropriation des valeurs culturelles les plus véridiques. Le temps est-il venu qu’ils fassent école ?

Il n’y a pas de doute : voir danser des Congolais en raphia est un spectacle insolite, mais quelle beauté, quelle magnificence dégage-t-il ! La question est aujourd’hui de savoir quelle expression nationale donner à ces traits de culture particuliers : comment faire en sorte qu’une production suffisamment importante devienne une marque congolaise avérée en raphia ou en d’autres matières locales ? Plus généralement, nos traditions sont-elles destinées à rester cantonnées à des spectacles épisodiques comme l’anniversaire de l’indépendance ou l’accueil de dignitaires nationaux ou étrangers ?

Le débat va plus loin. En matière d’habillement mais aussi en cuisine, en pharmacopée ou même dans l’habitat, le Congolais conçoit volontiers la modernité comme l’opposé direct de tout ce qui constitue les valeurs ancestrales séculaires. Il faut porter veston et cravate même sous 35° à l’ombre et dormir dans une maison en briques de parpaing et à la toiture en tôle ondulée. Il vaut mieux aller acheter le poulet qui sort d’un congélateur où il a été renfermé pendant des mois plutôt que de chercher dans sa basse-cour un volatile rustique comme le bien nommé poulet batéké. L’aspirine soigne, c’est vrai, mais son recours doit-il écraser l’emploi des herbes médicinales dont les anciens ont une connaissance plus que sûre ?

Sans parler du risque réel de recourir, dans une telle situation d’automatisme, à n’importe quelle aspirine, même quand c’est du foufou enrobé proposé généreusement par les bana bilongo – la fameuse pharmacie par terre du quartier ! Peut-être les Plateaux peuvent-ils nous dessiller les yeux et ouvrir à un impératif d’harmonieuse cohabitation entre le moderne et l’ancien, l’un ne signifiant pas toute puissance et l’autre toute discrétion ! On peut l’espérer. Sinon il est temps de réfléchir à la valorisation des cultures qui sont les nôtres et à leur intégration dans un circuit de normalité qui leur donne l’estime à laquelle elles ont droit de la part de tous et partout.

Le tam-tam n’est pas tout, sa forme et la manière de le jouer sont autant de traits culturels particuliers à chacune de nos régions, à chacun de nos terroirs. Si, dire s’habiller congolais n’est pas synonyme de s’habiller ringard, dire s’habiller moderne ne devrait pas non plus être le synonyme automatique de ne voir la mode qu’à partir de loupes étrangères. Les Japonais ont su imposer la beauté de leurs kimonos ; les Indiennes, la sensualité de leurs saris : il y a de l’espace au Congo pour (nous) imposer un made in Congo qui puisse volontiers sonner comme trait de notre orgueil quand il est proposé par les Plateaux ou un autre département.

Lucien Mpama