Économie : trois millions de PME pour réaliser une croissance inclusive en RDC

Samedi 25 Mars 2017 - 14:01

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Durant deux jours, les panélistes ont produit un nombre considérable de recommandations pour permettre au pays de tirer un meilleur profit de ses millions de petites et moyennes entreprises (PME) dont plus de 1,4 millions opèrent à Kinshasa. Au total, les experts réunis en quatre ateliers distincts placés sous la modération d’éminents acteurs de la vie économique et politique ont réfléchi sur la définition et l’environnement légal et réglementaire de la PME (I), le financement de la PME (II), le renforcement des capacités de la PME (III) et l’intégration dans les chaînes de valeur, l’innovation et les nouvelles technologies (IV). 

La Fédération des entreprises du Congo (Fec) a réussi son pari de mobiliser la communauté nationale et même internationale (participation des bailleurs de fonds) sur cette épineuse question de la PME en RDC. Une étude réalisée en 2006 par l’Université protestante au Congo (UPC) a pu déterminer leur nombre entre 2,5 et 3 millions dans le pays. Il est difficile d’établir un chiffre précis pour la simple raison qu’elles évoluent essentiellement dans l’informel. De plus, la loi congolaise reste imprécise sur sa définition car elle se réfère au capital financier, au chiffre d’affaires, aux effectifs employés ou à la nationalité du propriétaire. Évincées des marchés publics, très peu de PME ont renforcé leurs capacités pour arriver à transformer localement. Plusieurs lois dont la dernière en date sur la sous-traitance se montrent inefficaces à booster cette catégorie d’entrepreneurs.

Dans ce cadre du Pullman Hôtel à Gombe, les participants au débat véritablement national sur la PME ont proposé des pistes pour doter le pays des dispositifs efficaces de promotion de la PME. Ils ont préconisé également les stratégies pour impliquer activement les pouvoirs publics et les structures d’encadrement des PME dans la mise en œuvre de ces dispositifs. Représentant le président de la République, le Premier ministre Samy Badibanga a rassuré le secteur privé sur sa détermination à mener une politique à trois niveaux dans ce secteur : (I) stabilisation (agir sur le cadre et règle de partenariat entre la PME et les pouvoirs publics), (II) simplification (libérer la PME des charges fiscales trop pesantes) et (III) accompagnement (être suffisamment proactif dans la facilitation des crédits et l’accès aux marchés publics). Pour autant, le chef du gouvernement a réaffirmé son intention de prendre en compte les précieuses recommandations de ces assises.

Priorité à l’accès au crédit

La table ronde sur la PME du 23 au 24 mars 2017 était placée sur le thème : « La promotion de la PME pour l’émergence de la RDC ». En raison de son économie extravertie tournée essentiellement vers l’exportation des matières premières, le pays ne peut se passer de la PME pour réaliser son rêve de croissance plus inclusive avant l’émergence d’ici à 2030. « Il faut rompre avec ce modèle si commun aux pays africains. La PME est l’une des principales pistes du développement durable de la RDC. Elle permet au pays de consommer localement et constitue de ce fait un pilier de la lutte contre la pauvreté », a affirmé Albert Yuma, président de la Fec.  Des initiatives encourageantes vont pouvoir changer la donne dans les mois et années à venir. En effet, la Banque centrale du Congo (BCC) a annoncé la mise en place prochaine d’un bureau spécialisé chargé de recevoir et d’étudier les dossiers des PME afin de les rendre éligibles aux crédits bancaires. Plusieurs banques seront retenues comme partenaires dans ce projet. Par ailleurs, la BCC a proposé de généraliser cette réflexion sur la PME dans tous les secteurs de l’économie où elle est active.

Le problème du financement représente le plus grand défi à réaliser. Beaucoup de jeunes entrepreneurs présents dans la salle ont considéré le financement comme l’ultime préoccupation, avant la pression fiscale et l’absence de l’accompagnement de l’État. Bien avant la table ronde de la Fec, un forum ayant réuni en 2015 près de 300 entrepreneurs à la Faculté protestante du Congo a abouti à une révélation : 65 % des participants n’ont jamais sollicité de crédit à une institution financière. Toutefois, la pression fiscale représente tout de même 600 taxes à payer, absorbant 51 % du chiffre d’affaires. Il est indispensable de mettre en place les mécanismes de soutien et de promotion de la PME. Mais pour y parvenir, il faut vaincre la réticence des banques et institutions de micro-finance à octroyer les crédits à longue durée et à des taux préférentiels aux PME au regard des risques importants (fragilité de l’investissement, absence de comptabilité, dossiers bancables mal conçus, etc.).

Un enjeu national

La question de la PME congolaise revient chaque année. Certains exposants locaux ont déploré les longs discours pour peu d’actions sur le terrain : « le gouvernement nous a parlé de 500 millions de dollars américains US pour soutenir l’initiative locale. Au moins 100 millions ont servi au projet Bukanga-Lonzo. Depuis, plus rien. J’ai travaillé sur une quarantaine de produits dérivés du manioc sur fonds propres. Vous avez sous vos yeux mes différents produits bien accueillis par les Congolais. Je n’ai jamais reçu un seul crédit ». Des cas similaires sont légions dans plusieurs secteurs de la vie économique. Heureusement que les Congolais réussissent à se démarquer malgré une conjoncture difficile. « Les PME ont joué le rôle d’amortisseur social pendant la crise financière de 2008-2009 jusque dans les zones reculées du pays. Elles ont fourni des denrées de première nécessité, des services de transports (terrestre, fluvial etc.) ainsi que des logements et habits quand plus rien ne fonctionnait », a rappelé Albert Yuma. Cette table ronde a permis de répondre à l’objectif principal de replacer la PME au cœur du développement de la RDC. L’avenir de la PME congolaise relève d’une responsabilité commune : classe politique, administration, secteur privé, partenaires techniques et financiers ainsi que bailleurs de fonds, a conclu Albert Yuma.

 

Laurent Essolomwa

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