Électricité : Maguelone Loubelo souhaite " voir la première hydrolienne flotter en 2015"Samedi 28 Mars 2015 - 11:00 C’est à Loubassa, un village de l’île Mbamou, à proximité de Brazzaville, que Maguelone Loubelo, ingénieure de formation propose une production décentralisée d’électricité et adaptée aux besoins des villages. Elle est en quête de financement et des technologies robustes. Elle explique son projet de développement dans cette interview exclusive aux Dépêches de Brazzaville. Les Dépêches de Brazzaville : Vous êtes l'initiatrice d'un projet sur les hydroliennes sur le fleuve Congo. À quoi vont-elles servir ? Maguelonne Loubelo : Les hydroliennes sont destinées à produire de l'électricité en zone rurale, pour des villages situés au bord des fleuves et rivières où la vitesse du courant est suffisante. Avec les modèles actuels d'hydroliennes, il faut que l'eau se déplace à une vitesse qui varie entre 1,5 mètres et 2,5 mètres par seconde. Le principe est simple : une turbine est placée dans l’eau, la vitesse de l’eau permet de faire tourner la turbine, et l’énergie mécanique est transformée en énergie électrique. Une fois installée, ça pourrait ressembler à un petit bateau amarré à côté du village et, qui enverrait l’électricité vers le village, via un câble. LDB : Quelles sont vos motivations pour un tel projet? LDB : Comment comptez-vous le réaliser? ML : Dans un premier temps, nous souhaitons réaliser un projet pilote sur le fleuve Congo, en installant une première hydrolienne flottante. L'électricité produite servira à alimenter un centre de stockage des produits agricoles et de la pêche et quelques unités de transformation de ces produits. Le projet pilote doit permettre de mesurer si l'installation de l'hydrolienne permet des activités générant suffisamment de revenu pour pouvoir entretenir l'installation, et assurer un retour sur investissement. Ce premier test a pour but de valider ou de modifier certaines hypothèses de notre plan de financement de l'hydrolienne, avant de la diffuser dans d'autres lieux. Pour le projet pilote, nous avons estimé nos besoins à 250 000 euros. La recherche de financement est en cours dans la suite, nous comptons sur le développement des hydroliennes à l'échelle industrielle pour réduire considérablement les coûts d'investissement, et pourquoi pas à long terme, construire certains éléments de ces machines sur place. Nous serions très satisfaits de voir la première hydrolienne flotter en 2015. LDB : Votre projet a été sélectionné parmi les 12 lauréats du "Challenge Climat Agriculture et Forêt". Quelles en sont les raisons? ML : Le Challenge "Agriculture et Climat" organisé par l'AFD et le CIRAD vise à encourager des projets innovants dans le secteur de l'agriculture et de la lutte contre le changement climatique. Et notre projet d'hydrolienne a été sélectionné parce qu'il permettra aux producteurs (agriculteurs et pêcheurs) de stocker et transformer localement leur production, grâce à l’électricité fournie. C’est donc un moyen d’encourager la production, en favorisant l’écoulement des produits vers le marché, toute en réduisant les pertes post-récoltes. Dans le contexte congolais, où la population dépend à près de 75% des importations de produits alimentaires pour se nourrir, la question de renforcer la production nationale et d’améliorer la sécurité alimentaire est cruciale. Ce concours nous a permis de donner une bonne visibilité à notre projet et de bénéficier de conseils intéressants. Les fournisseurs d’hydroliennes en France sont très motivés pour installer leurs machines dans le bassin du fleuve Congo, car elles ont été spécialement conçues pour alimenter les sites enclavés (loin des routes et du réseau électrique national), en bordure des cours d’eau. LDB : Quels sont les avantages que pourront tirer les populations bénéficiaires de ce projet? ML : Dans la phase de conception du projet, nous avons eu de nombreuses discussions avec les agriculteurs et pêcheurs, notamment à l’île Mbamou, où nous souhaiterions installer le projet pilote. Ce projet émane d’une question des habitants du village de Loubassa, qui lors de nos nombreuses visites m’ont fait remarquer le problème du manque de frigo. Alors qu’ils approvisionnent Brazzaville en poissons et légumes, ils sont régulièrement à cours de provisions et doivent partir acheter des vivres en pirogue. Le premier souhait a été de pouvoir créer un lieu de stockage pour la production, afin de renforcer la sécurité alimentaire du village et de devenir un marché attractif. Bien sûr, l’accès à l’électricité permet d’alimenter beaucoup plus que des frigos ! Cependant, les hydroliennes ne sont pas des machines magiques : plus l’eau se déplace rapidement, plus la puissance électrique créée est importante, mais la production n’est pas infinie... Il n’est pas évident qu’on puisse alimenter chaque maison des villages cibles avec une hydrolienne : les calculs sont en cours !
propos recueillis par Nancy France Loutoumba Légendes et crédits photo :photo: Maguelonne Loubelo |