Enjeu de l’heure : le processus du Dialogue dans l’impasse

Lundi 8 Août 2016 - 18:15

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La majorité présidentielle caresserait de plus en plus l’idée d’aller à ce forum « avec ceux qui sont prêts », presque disposée à assumer les risques qui en découleront…

Le processus du Dialogue enclenché depuis la publication de l’ordonnance présidentielle le convoquant peine à prendre sa vitesse de croisière. Tout, à l’heure actuelle, paraît bloqué au regard des positions difficilement conciliables exprimées par les parties prenantes. Le groupe de soutien à la facilitation qui, durant trois jours, a initié des consultations avec la classe politique congolaise cherchant à arrondir les angles en vue d’un éventuel rapprochement de vues, n’a hélas pu élaguer les contradictions qui restent entières. Aucune avancée notable n’a été observée au terme des contacts amorcés avec les acteurs politiques qui restent campés sur leurs positions écartant, de ce fait, toute perspective de concessions.

La majorité, par le biais de son plénipotentiaire, le sénateur-PPRD Léonard She Okitundu a réitéré son adhésion au Dialogue tout en rejetant quasiment la substance des préalables posés par le « Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement » estimant qu’ils ont tous été satisfaits. Et, par conséquent, rien ne peut justifier les atermoiements de l’opposition quant à sa participation au Dialogue.  « Le problème vient de l’opposition. On est prêts à aller au dialogue», entend-on dire du côté du camp présidentiel.     

Kodjo, la pierre d’achoppement

À y regarder de près, le blocage actuel se cristallise essentiellement autour des revendications du Rassemblement qui continue d’attendre désespérément un signal de l’autre côté en guise de réponse à ses désidérata. Là-dessus, la pierre d’achoppement réside dans la crise de confiance dont est actuellement l’objet le facilitateur désigné par l’Union africaine (UA), le Togolais Edem Kodjo, récusé dans son statut et dans son rôle par l’opposition dite de Genval. Si à la majorité, on pense que l’intéressé, nommé par l’UA avec le quitus de la Communauté internationale, répond au préalable de la facilitation internationale posée à l’époque par l’UDPS, au Rassemblement par contre sa personne passe pour un élément de blocage. Ses présumées accointances avec le pouvoir en place qui assurerait sa totale prise en charge est notamment stigmatisé, y compris sa convocation unilatérale le 29 juillet du fameux groupe de travail, faisant fi du compromis trouvé avec l’opposition quant à ce.

Traité de « Kabiliste » par le Rassemblement qui ne jure plus que par son remplacement par une personnalité africaine crédible, neutre et indépendante, Edem Kodjo trouve néanmoins un réconfort à travers l’appui que le groupe de soutien à la facilitation lui a exprimé le 6 août. Pour cette structure composée des représentants de l'Union européenne, de l'Union africaine, de l'Organisation internationale de la francophonie, des Nations unies et des deux organisations sous-régionales, Cirgl et Sadc, Edem Kodjo est l’homme de la situation. Elle lui recommande « de fixer une date pour le lancement rapide du processus devant aboutir au démarrage effectif du Dialogue » tout en ne dérogeant pas à son engagement « à poursuivre les consultations auprès de l’ensemble de parties prenantes congolaises et des acteurs internationaux préoccupés par le risque d’instabilité en RDC ».

Un véritable camouflet au Rassemblement qui, comme pour se dédouaner, a déclaré recourir à toutes les voies diplomatiques pour obtenir la nomination d’un nouveau facilitateur. Cette exigence de l’opposition, qui se heurte à l’obstination du groupe de soutien et de la majorité à maintenir l’ex-Premier ministre togolais contre vents et marrée, a peu de chance d’aboutir d’autant plus qu’au sein de la même opposition, une autre frange pilotée par l’UNC de Vital Kamerhe ne voit aucun inconvénient de traiter avec Edem Kodjo dans le cadre du Dialogue, quitte à ce qu’il soit recadré à chaque fois en cas de déviation par le groupe de soutien à la facilitation qui aura un droit de regard sur tout ce qui va se passer. « Récuser l’actuel facilitateur, c’est faire le jeu du pouvoir qui ne veut pas organiser les élections dans le délai constitutionnel », ressassent les partisans de Vital Kamerhe qui n’adhèrent pas aux vues du Rassemblement. 

Qu’en est-il des détenus politiques ?

Quant à l’autre préalable de l’opposition concernant la libération des prisonniers politiques et d’opinion au nom de la décrispation du climat politique censée baliser la voie à la tenue du Dialogue, la majorité stigmatise l’amalgame qui prévaut dans le chef des requérants au sujet du concept « détenu politique ». En l’espèce, la majorité salue l’avancée opérée par Joseph Kabila dont les dernières ordonnances ont permis la libération de six activistes du mouvement pro-démocratie de la Lucha et d’autres prisonniers éligibles à la grâce présidentielle. Les détenus de droit commun à l’instar d’Eugène Diomi Ndongala condamné à dix ans de prison pour viol et d’autres dont les dossiers sont, en appel ou en cours d’instruction, n’ont pas été concernés par cette grâce présidentielle, argumente-t-on. « D’autres mesures de libération conditionnelle pourraient être envisagées quand les conditions légales seront réunies », a rassuré Léonard She Okitundu.

En réaction, une certaine opinion proche de l’opposition estime que, pour l’intérêt de la République et pour répondre au besoin d’apaisement social, le chef de l’État peut décider, en tant que garant de la nation, de surseoir certaines procédures judiciaires contraignantes aux fins de gracier des détenus politiques réclamés dans l’opinion nationale.  

D’autres préalables du Rassemblement tels que la transformation du groupe de soutien à la facilitation en groupe de facilitation avec un représentant des USA ou encore l’annulation du comité préparatoire en gestation ne trouvent pas non plus d’échos tant à la majorité qu’au groupe de soutien. Le blocage actuel tient donc au fait que les parties en présence préfèrent évoluer dans les extrêmes, refusant de mettre un peu d’eau dans leur vin pour faire avancer le processus. Ce qui pousse certains observateurs à rester dubitatifs sur la tenue d’un Dialogue national inclusif réunissant tous les segments de la société congolaise.

Face aux conditions présentées comme irrévocables du Rassemblement, la majorité caresserait de plus en plus l’idée d’aller au Dialogue « avec ceux qui sont prêts », quasiment disposée à assumer les risques qui en découleront….   Dossier à suivre.

Alain Diasso 

    

 

 

Alain Diasso

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