Evocation: 31 juillet 1969, voici le Parti congolais du travail

Jeudi 26 Septembre 2019 - 21:01

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Elle fut mouvementée, la première décennie de l’indépendance du Congo ! Ouverte par son événement phare, l’accession du pays à la souveraineté internationale, cette décennie allait se refermer le 31 juillet 1969 par la mise en orbite d’une nouvelle instance politique unique, le Parti congolais du travail (PCT), résultat des luttes des différentes factions autour du pouvoir d’Etat.

Au lendemain du soulèvement populaire des 13, 14 et 15 août 1963, la question de la refondation de l’Etat sur la base d’un humanisme fait de solidarité, d’égalité et de liberté était discutée avec acuité dans différents clubs politiques. Impulsée par le prosélytisme des étudiants de retour de l'Union des républiques socialistes soviétiques et de France, la forme radicale du socialisme, dit socialisme scientifique, s’imposa comme alternative refondatrice du pays lors du congrès qui porta sur les fonts baptismaux le Mouvement national de la révolution (MNR), en 1964.

Conduit par son secrétaire général, Alphonse Massamba-Débat, président de la République, le travail du  MNR qui s’attelait aux priorités assignées par le congrès fut sapé principalement par deux situations qui allaient entraîner la chute de ce parti. Les contradictions idéologiques en son sein et la question de l’insécurité généralisée aboutirent, en effet, à l’insurrection du 1er août 1968. Avec la mise à l’écart de son leader, le président Alphonse-Massamba-Débat, les jours du MNR étaient comptés.

Naturellement, la disparition de cette structure était synonyme dans l’immédiat d’une recomposition du paysage politique du pays. Deux forces militaires avaient rendu possible le mouvement du 1er août. Il y avait d’une part, l’Armée avec à sa tête le capitaine Marien Ngouabi et, de l'autre, la Défense civile commandée par Ange Diawara mais instiguée par Ambroise Noumazalay. Les apparatchiks en rupture idéologique avec Alphonse Massamba-Débat formaient la cohorte des braillards appelés « intellectuels-révolutionnaires ». C’est autour du personnel issu de ces trois entités, l’Armée, la Défense civile et les intellectuels-révolutionnaires que se recomposa politiquement le nouveau pays.

Issu de l’Armée, à l’écart des arcanes de la politique, le capitaine Ngouabi justifiait son arrivée au pouvoir par un réajustement de la Révolution. Il était solidaire avec les acteurs du 15 août 1963 et la forme socialiste radicale impulsée par le congrès de juillet 1964. Avec la formation d’une nouvelle instance politique sur les cendres du MNR, il transformait son alliance tactique avec les miliciens de la Défense civile lors du renversement du président Alphonse Massamba-Débat en une alliance stratégique pour le triomphe de la Révolution.

Les intellectuels-révolutionnaires qui participèrent à la naissance du nouveau parti étaient pratiquement les mêmes qui avaient crée le MNR et choisi de l’arrimer au socialisme scientifique. Il est inutile d’ajouter que le format politique et les choix stratégiques du nouveau parti furent l’œuvre de ces gens de l’extrême gauche.

Dans les statuts de la nouvelle strucure, l’article qui l’actait insistait sur la consubstantialité entre  libération nationale et socialisme scientifique en proclamant  que « pour conduire le peuple congolais à la libération nationale et à l’édification du socialisme scientifique, il est crée un parti unique  dénommé Parti congolais du travail, en abrégé PCT ». Les proclamations suivantes sur  « l’édification d’une société où sera bannie l’exploitation de l’homme par l’homme», tout comme  la force du parti qui vient des «masses ouvrières et paysannes, des soldats et des intellectuels révolutionnaires »  étaient du copie-collé qu’on pouvait trouver exactement dans les mêmes termes dans tous les pays à idéologie fondée sur le marxisme-léninisme.

Au moment où le congrès proclamait ses idéaux, la République du Congo qui devenait République populaire du Congo comptait presque un million d’habitants, essentiellement agraires et disséminés dans la campagne. Brazzaville, la capitale, était habitée par une population fluctuant entre cent cinquante mille à deux cent mille personnes où le lumpenprolétariat était le plus nombreux. Dans ces conditions, le discours que diffusaient les congressistes était plutôt lourd de sous-entendus pour leur propre avenir en termes de lutte de pouvoir, ou tout simplement de lutte pour la survie de chacun d’eux. L’écart entre la réalité du terrain congolais et l’interprétation de cette réalité par les congressistes était abyssale,  mesuré en million d’années-lumière. Mais, pour les révolutionnaires, à cœur vaillant, rien n’était impossible.

Pour afficher leur volonté radicale de changement avec les symboles de l’indépendance nominale de 1960, les congressistes  choisirent " le drapeau  rouge" comme nouvelle bannière nationale. C’était un symbole de la lutte ouvrière depuis les insurrections ouvrières françaises du XIXe siècle. L’écrivain Henri Lopes proposa les vers  du nouvel hymne national, "Les trois glorieuses",  à la place de "La Congolaise"  composée par un colon français au moment de l’indépendance.

Au cours de ce congrès constitutif, Marien Ngouabi, Claude Ernest Ndalla, Alfred Raoul, Ange Diawara, Pierre Nzé, Justin Lekoundzou, Ange Edouard Poungui et Kimbouala Nkaya composèrent le bureau politique du nouveau parti. Le stratège Ambroise Noumazalay avait été le grand absent de ce congrès. Acquitté dans l’affaire du triple assassinat de février 1965, il avait toutefois écopé, avec Alphonse Massamba-Débat et Pascal Lissouba, de deux ans d’interdiction d’exercer toute activité politique et d’interdiction de sortie du territoire.

François-Ikkiya Onday-Akiéra

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