Evocation : le roi Pelé à Pointe-Noire

Jeudi 30 Mai 2019 - 18:52

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimableEnvoyer par courriel

Ce fut une passe en or que la capitale Brazzaville fit à la ville de Pointe-Noire. Le passage inattendu à Brazzaville de la star mondiale du football, Pelé, en juin 1967, avait laissé un arrière-goût d’inachevé à Pointe-Noire. La promesse de le voir revenir se produire sur le sol congolais avait nourri des espoirs dans la ville assise au bord de l’Atlantique. En janvier 1969, quand l’idole brésilienne revint au Congo, Brazzaville, la fluviale, ne se fit pas prier pour tendre son pied et faire la passe décisive à la ville océane. Santos devait d’abord jouer à Pointe-Noire, le 19 janvier, avant de clôturer le show à Brazzaville le 21 puis traverser le fleuve Congo pour se mesurer avec les Léopards et ses multiples vedettes aux noms cadenassés par des « K » : Kalala, Kakoko, Kabongo, Kibongé, Kidumu…

Pointe-Noire voulait voir Pelé, mais la veille de la rencontre entre le FC Santos et la sélection du Kouilou, le stade Franco- Anselmi, choisi pour abriter l’événement, était sur les lèvres de toutes les conversations depuis les dockers du port, les cheminots du Km4, les ouvriers des scieries et jusqu’aux lycéens de Victor-Augagneur. Tous accusaient la dérision dans laquelle l’impéritie de la mairie allait enfermer le prince mondial des arènes footballistiques en le faisant jouer dans un creuset cerné par un monticule de terre ayant la forme grossière d’un fer à cheval.

Pointe-Noire s’était parée pour recevoir dignement le roi Pelé. Mais Pointe-Noire avait son talent d’Achille en termes d’infrastructures sportives. La ville ouvrière n’avait pas d’enceinte sportive digne de donner une réponse satisfaisante à la population dans le cas d’une rencontre au sommet comme le match de football où le « El Rey » brésilien lui-même était de la partie. Dans l’arrondissement de Mvou-Mvou, le stade municipal de la ville ne se détachait de celui du centre-ville, Franco-Anselmi, que par une petite tribune que s’arrachaient quelques privilégiés. Outre son pourtour grillagé où les spectateurs s’agglutinaient comme des mouches, des manguiers et des hautes herbes situés derrière les filets de but du côté gauche de la tribune donnaient à ce stade l’insolente allure d’un demi-champ sauvage. Ce fut donc à Franco-Anselmi que la ville se transporta pour voir le dieu brésilien.

Les Ponténégrins pensaient arriver à bout de Santos. Après l’honorable défaite de la sélection nationale en juin 1967 par le score de 3 à 2 à Brazzaville, les citoyens de la ville océane estimaient être en mesure de laver cet affront en domestiquant le « diable » Pelé. Ils avaient pour atouts-maîtres Maurice Ondzolet, révélation des Jeux africains de 1965, virevoltant meneur de jeu du club « Les Abeilles ». Gilbert Poaty alias Hidalgo meneur de jeu des Vert-noir, le « V. Club » était un point d’appui très solide. A l’arrière-garde Nzaou Joncquet le défenseur central et Mamboma Goyave le goal-keeper étaient plus redoutés par la mystique sorcière de leurs noms que par leurs actions sportives. Nzaou, l’éléphant, était censé protéger ses arrières par la vertu de son vaste corps. Mamboma, le boa, était le garant de l’inviolabilité des buts grâce à la plasticité de son corps reptile. Enfin, dernier atout et pas des moindres, le « mbuumba », le fétiche vili qui visait directement Pelé, en l’étourdissant aux moments décisifs.

Sur le papier des pronostics, même les bookmakers les plus naïfs n’avaient donné aucune chance aux azuréens de Pointe-Noire. Les professionnels de Santos avaient la cote. Pelé, Edou, Eder, Ze Maria ne se firent pas prier pour étaler leurs immenses talents à la satisfaction générale. Alors qu’à l’affiche, l’addition menaçait de grimper au-delà de trois buts pour les visiteurs, le fétiche « mbuumba » vili décida de se mêler à l’affaire pour éviter le ridicule à l’équipe locale. Une pluie fine se mit à tomber tout doucement pour adoucir Pelé et ses coéquipiers. Et comme s’ils avaient saisi le mystérieux message, Pelé et les siens cessèrent leurs offensives, pour s’adonner à une démonstration de leurs talents. Mais, dans l’ordre magique, c’est Mamboma qui sortit vainqueur de la confrontation : il avait arrêté un retourné acrobatique du roi Pelé !  Une immense clameur de joie avait ponctué cet exploit. Dès lors, pour le public le match était joué. Il se résumait à l'envolée aérienne de Pelé à l'arrêt miracle de Mamboma. La déconvenue subie sur le gazon vert était à tout jamais effacée. L'arrêt magique inspiré par le « mbuumba » avait valeur de victoire sur le roi Pelé et le FC Santos. Il entra dans l'histoire.

 

 

 

 

 

 

 

François Ikkiya Onday-Akiera

Notification: 

Non