Francesco Nchikala : « Je le dédie aux Congolais que je considère comme des héros »

Mercredi 5 Avril 2017 - 19:54

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Découvert par une frange de Kinois lors de ses deux concerts livrés à Wallonie-Bruxelles et au Tarmac des auteurs, les 23 et 24 mars, le chanteur lushois et son groupe Manus ont marqué les esprits. En passe de sortir Invictus, son second album, il a accordé cette interview aux Dépêches de Brazzaville où il en parle.

 

 Francesco Nchikala en concert à Wallonie-Bruxelles

Les Dépêches de Brazzaville : Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Francesco Nchikala  : Moi, c’est Francesco Nchikala, je suis chanteur- guitariste. J’évolue à Lubumbashi. Je suis dans la musique depuis 2005, j’ai d’abord commencé en tant que guitariste et c’est à partir de 2009 que je le fais comme profession.

L.D.B. : Quel est votre style de prédilection, si vous en avez ?

D.K : Non, je n’en ai pas. Je fais un peu de tout. Du coup, je me déverse dans la world music et me permets de faire un peu tout. Je crois que la musique est tellement vaste que ce serait rater de belles choses, de belles sensations que de se figer dans un style. Moi, j’aimerais bien goûter à tout. C’est ainsi que je fais un peu de tout sur scène en partant de la rumba au pop-rock en passant par le reggae.

L.D.B. : À ce niveau de carrière avez-vous déjà un album sur le marché ?

F.N.  : Oui, j’ai déjà un album, Lettres ouvertes. Il a été produit par le Groupe Forrest. En ce moment je suis en train de travailler sur le second qui est plus engagé, c’est Invictus, cela veut dire invincible. Je le dédie aux Congolais que je considère comme des héros. Ils le sont vraiment pour arriver à vivre dans un pays comme le nôtre. L’album est très engagé où je pousse un peu le bouchon de réserve et de timidité à la Congolaise par rapport à tout ce qui se passe dans le pays.

L.D.B. : Votre concert du 24 mars à Wallonie-Bruxelles, était-ce votre première scène kinoise  ?

F.N.  : Oui, c’était ma première scène kinoise importante. J’étais déjà venu avant pour un petit concert privé mais là c’était la première dans un réseau comme Wallonie-Bruxelles et c’était super important. Nous avions commencé à le préparer depuis décembre et c’était magnifique. Je crois que c’est le premier qui ouvre toute une série de concerts.

L.D.B. : Quel a été votre ressenti, comment avez-vous trouvé le public ?

F.N. : J’ai joué à Wallonie-Bruxelles et au Tarmac. C’est vrai que le public de Wallonie était magnifique, la réaction était immédiate et automatique. C’était pareil au Tarmac même si cela ne s’est pas produit tout de suite, j’avais l’impression de les avoir un peu choqués avec mes textes.

L.D.B. : Aviez-vous des appréhensions sur le public avant votre concert ?

F.N. : Avant le concert, je n’aime pas trop penser au public, me mettre à l’esprit qu’il est capricieux. Je pense qu’un artiste, c’est quelqu’un qui ramène les gens dans son monde. Et quand cela se fait, il est clair que certains seront choqués, surpris. Je crois que c’est là la nette différence entre l’artisanat et l’art. Car, un artisan va vers les gens, il réalise leurs commandes mais un artiste n’agit pas de la sorte. Il fait sa propre commande et invite les gens qui apprécient ou pas mais il en sort gagnant. Parce qu’après tout, ceux qui apprécient se posent des questions et ceux qui n’apprécient pas font de même. Et, moi je m’en fous de la réaction du public mais s’il me jette des tomates sur le podium, au moins j’aurais dit ce que j’avais à dire.

L.D.B. : Choqués, c’était quel genre de texte ?

F.N.  : Je crois que le public congolais est habitué à écouter les chansons d’amour. Ainsi, lorsque quelqu’un vient leur dire qu’il faut changer les mentalités et non la constitution, les gens n’en reviennent pas, restent interloqués. Après, ils ont fini par comprendre que la démarche de ce gras-là ne se résume pas qu’à chanter l’amour. L’on peut certes chanter l’amour mais aussi éveiller les consciences.

L.D.B. : Être un artiste engagé ou faire de la musique engagée cela rime à quoi, selon vous  ?

F.N.  : Je n’aime pas trop le mot engagé car à mon avis, être artiste, c’est déjà pouvoir parler de tout et ouvertement. Ce n’est pas être un encenseur des personnalités, non. Un artiste, c’est quelqu’un qui ose dire tout haut tout ce qui se dit tout bas et voit ce que les autres ne voient pas forcément. Il n’y a pas une autre sorte d’engagement. Je crois que lorsqu’on est un artiste l’on est déjà dans un combat, l’on se bat pour quelque chose, l’on est créateur.  

L.D.B. : Quel est votre cheval de bataille  ?

F.N.  : La mentalité congolaise. Je crois que c’est la chose à changer car tout peut être fait, cela ne sert de rien à vouloir changer la constitution, ce qu’il faut plutôt, c’est changer les mentalités, l’on doit se battre pour cela.

L.D.B. : Que trouvez-vous à redire dans la mentalité des Congolais ?

F.N.  : C’est vrai qu’il y a déjà les séquelles héritées de la colonisation. Nous avons eu un colonisateur qui jouait au parrain, au papa. Ainsi, cette mentalité de garder la main ouverte dans l’attente que l’on y mette quelque chose est restée sans penser à la tourner pour travailler. Et donc, c’est déjà cela le problème. Le premier combat c’est que les Congolais arrivent à se prendre en charge et non à demeurer dépendants. Et, les politiciens aussi jouent à ce petit jeu-là. Aujourd’hui l’on a du mal à enterrer certaines personnes parce que l’on veut toujours que les choses se décident à l’extérieur alors qu’ils ont tout ce qu’il faut dans leur pantalon. Il faut éveiller les consciences à ce sujet, que l’on en parle. Trop, c’est trop. Il faut qu’à un moment, l’on s’arrête et que l’on réalise que nous sommes indépendants et devons pour cela nous prendre en charge.

L.D.B. : Wallonie-Bruxelles était une scène importante mais ne représente pas le grand public kinois, cela ne vous tente-t-il pas de revenir à Kinshasa ?

F.N.  : Oui, il y a pas mal de projets, je crois que l’on va y revenir. De quelle manière je ne sais pas encore comment le dire. Avec tous les contacts pris, des liens vont se nouer. Du reste, à Lubumbashi nous recevons pas mal de Kinois pour des ateliers. Je crois que c’est parti pour un bon mariage entre Kinshasa et Lubumbashi.

 

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo : Francesco Nchikala en concert à Wallonie-Bruxelles

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