Hommage à King Kester : les sapeurs de Brazzaville et de Kinshasa ont fait leur récital

Samedi 1 Mars 2014 - 17:00

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Chacun se disait être dans le temps et branché sous le regard intéressé d’un public qui a vu son attention être détournée pendant une bonne vingtaine de minutes par ces férus de l’élégance.

Arrivé à Kinshasa le 1er mars par un vol régulier d’Air France, la dépouille de King Kester Émeneya exposée au Palais du peuple a, comme il fallait s’y attendre, suscité un engouement sans pareille. Des Kinois venus de tous les horizons ont convergé, toute la journée, sur le site pour rendre hommage à l’illustre disparu. Sous la chapelle ardente où était exposé le cercueil recouvert du drapeau national, des gens de tout acabit se sont relayés tout le week-end pour s’incliner sur la dépouille sous les yeux accablés de la veuve Florence Mbu et des orphelins. Le rituel généralement prisé pour ces genres d’événements était respecté. Port d’uniformes et des polos frappés à l’effigie du défunt, musique et danse, recueillement, prière, etc., tout y était pour meubler cette circonstance exceptionnelle.

Plusieurs proches de King Kester ont quitté Paris pour accompagner le corps. Dans le lot, le chanteur Gina Wa Gina, celui que Mutu wa Zamani tenait pour idole. Éternel jeune avec un look particulier, il était l’un des premiers à s’incliner sur la dépouille prenant de bonnes minutes, genoux à terre, avant de saluer la veuve et les autres membres de la famille biologique du défunt. Tyty Levallois et d’autres amis de la diaspora n’étaient pas en reste. Il en est de même des notables de Bandundu au premier rang desquels on pouvait apercevoir le gouverneur Jean Kamisendu et d’autres têtes couronnées de la province. Une forte délégation venue de Kikwit grâce aux bus affrétés par quelques bienfaiteurs dont Bienvenue Kamba qui  a également rendu hommage au King, sans oublier celle des anciens de Lubumbashi, les « Kassapards » qui, par devoir de mémoire, ont effectué le déplacement de Kinshasa.

Et la sape s’invite…

Parés de leurs plus beaux costumes, les « sapeurs » ont donné une saveur particulière à cette cérémonie avec leurs frasques à la limite de la décence. « C’est une façon pour nous d’honorer notre vieux tellement qu’il aimait bien s’habiller », s’enquit un passionné de cette mouvance dont King Kester était l’un des animateurs. Déjà, la veille, il était dit dans la ville - pour plaisanter bien sûr - qu’il n’y avait pas de place pour les « Ngaya » (les gens sans allure) dans cette commémoration que les sapeurs tenaient pour leur affaire. Moralité : le Palais du peuple s’est transformé en un haut lieu d’exhibition et de frime où toutes les frasques étaient permises. Il y avait de quoi donner du fil à retordre aux éléments de « Likonzi protège » commis à la sécurité des lieux tant l’excitation était  son comble. JM Weston et Versace qu’affectionnait le défunt ont été portés à foison par les sapeurs à côté d’autres marques connues (Dolce et Gabana, Louis Vuitton, Levi’s, Calvin Klein, Ralph Laurent, etc).

Tous les accessoires de mode à l’instar des cannes, lunettes, pipes, chapeau ou encore les parasols étaient mis en relief pour valoriser la tenue vestimentaire portée en cette circonstance. Les sapeurs brazzavillois avec leurs costumes-cravates en trois pièces rivalisaient d’ardeur avec leurs compères de Kinshasa, les fameux « Léopards » sur fond d’extravagances et de gesticulations dont eux seuls détiennent le secret en défilant autour du cercueil. Le style classique des brazzavillois contrastait nettement avec les extravagances vestimentaires des Kinois plutôt adeptes des stylistes japonais.

Des manteaux étaient aussi enfilés sous le soleil pour autant qu’ils étaient assortis d’une griffe de renom autant que des jupes écossaises ou des ensembles veste-culottes rappelant le colon belge des années soixante. Chacun se disait branché sous le regard intéressé d’un public qui a vu son attention être détournée pendant une bonne vingtaine de minutes par ces férus de la sape. Surexcités et n’écoutant que la voix de leur propre raison, les sapeurs ont tenu à réaffirmer l’existence de leur mouvance qui demeure encore et toujours un fait sociologique avec lequel il faudra composer.   

 

     

 

 

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Exposition de la dépouille de Kester Émeneya au Palais du peuple