Imbroglio : une affaire italo-kazakhe éclabousse la République centrafricaine

Jeudi 1 Août 2013 - 18:15

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Quand la réalité d’un pays lointain des steppes, aux confins de la Russie, s’invite jusqu’aux bords de l’Oubangui

C’est un vrai film : le scénario a été écrit loin des forêts du Bassin du Congo. Il n’y est nullement question de faune ou de flore. Aucun Africain, acteur ou figurant, n’y apparaît en premier plan. Et pourtant, c’est bien en République centrafricaine que certains des protagonistes affirment vouloir chercher la clé de l’énigme. Mais même cela pourrait être dérisoire, car il ne suffirait pas à délimiter le camp des bons et celui des méchants cow-boys. C’est ainsi que l’on peut résumer une étrange affaire qui agite actuellement les milieux politiques italiens et qui va, dans les prochaines heures, avoir des répercussions aussi en France.

Le 29 mai au matin, une escouade d’une quarantaine de policiers faisait irruption dans une villa cossue de la banlieue de Rome et embarquait une jeune dame et sa fille de six ans. Quelques heures après, elles étaient expulsées vers le Kazakhstan. Jusque-là rien que de très banal : l’Europe a décidé de se mettre à l’abri de l’immigration, et tout ce qui fait nombre est annoncé comme un signe de rigueur pouvant dissuader des hordes d’affamés de venir troubler son bien-être. Normal, donc, sauf trois détails.

Le premier est que l’expulsion ne s’est pas faite à bord d’un vol charter comme cela arrive – hélas trop souvent – mais dans un jet privé affrété par… le gouvernement kazakh. Deuxième détail d’importance, la dame expulsée n’est pas une quelconque soubrette : elle s’appelle Alma Shalabayeva et elle est l’épouse de Moukhtar Abliazov. La fille est l’enfant du couple. Ablyazov ? Question à un million d’euros pour quiconque en Afrique centrale. Il s’agit pourtant du principal opposant politique au président du Kazakhstan, M. Nazerbaïev. En expulsant vers leur pays d’origine l’épouse d’un opposant notoire…

Enfin troisième détail troublant : Mme Ablyazov (Shalabayeva de son nom de jeune fille) a été expulsée d’Italie parce que voyageant avec un faux passeport… centrafricain ! Tout devient un micmac du tonnerre lorsque, à Bangui, le ministre de la Justice, Arsène Sende, réclame le respect des lois internationales : « Ce passeport, nous l’avons bel et bien délivré à cette personne qui a vécu un moment chez nous. Ce n’est pas un faux, et nous en avions transmis les références au ministère italien des Affaires étrangères », tonne-t-il.

Alors, est-on près de la fin du film ? Pas du tout ! Car une dernière information venue de Paris mercredi annonce que Moukhtar Abliazov, l’opposant, est un des hommes les plus riches du Kazakhstan, « réfugié depuis 2009 en Europe et soupçonné au Kazakhstan du détournement de milliards de dollars, a été placé jeudi en détention en France dans l'attente d'une éventuelle extradition ». En Italie l’affaire continue de faire du bruit : Silvio Berlusconi y est présenté comme proche du président de l’État pétrolier du Kazakhstan et donc susceptible d’avoir voulu faire une fleur à son copain. Rien n’est démontré, mais au ministère de l’Intérieur à Rome des têtes ont commencé à rouler sur le billot. Au fait, fait-on escale au Kazakhstan pour aller à Bangui ?

Lucien Mpama