Immigration : encore des morts en masse en Méditerranée

Mardi 19 Avril 2016 - 18:31

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Plusieurs bateaux de migrants somaliens auraient fait naufrage dimanche soir en Méditerranée. Les survivants racontent une scène d’horreur.

Pas même le temps de célébrer un anniversaire de morts ; de se recueillir devant la mémoire de près de 800 migrants ayant fait naufrage au large des côtes italiennes, le 18 avril 2015. Les drames se suivent et se ressemblent dans leur horreur et leur ampleur. Ainsi, alors que l’ONG SOS Méditerranée venait d’annoncer lundi la découverte d'au moins huit morts sur un canot à moitié dégonflé au large de la Libye, les survivants évoquaient une vingtaine de disparus supplémentaires.

Les noyés sont des originaires de Gambie, de Côte d'Ivoire, du Togo, du Sénégal, du Mali, du Soudan, d’Ethiopie et d’Erythrée partis des côtes égyptiennes pour tenter de gagner l’Italie. Soit le trajet le plus long si l’on veut toucher terre à partir de la petite ile sicilienne de Lampedusa, qui n’est qu’à 300 km des côtes libyennes. Mais l’accord du 20 mars entre la Turquie et l’Union européenne, bouclant la traditionnelle route des Balkans et renforçant les mesures d’expulsion des « migrants économiques », oblige à prendre le plus de risque.

Par ailleurs, les côtes libyennes jusqu’ici privilégiées sont aussi devenues le terrain d’activités de l’impitoyable organisation de l’Etat islamique : musulman ou chrétien, un migrant en leurs mains sait qu’il ne doit pas s’attendre au meilleur de la vie. Ainsi les migrants se font plus hardis. L'embarcation de dimanche était « à moitié dégonflée, remplie d'eau et au moteur hors d'usage », et les manœuvres de transbordement ont été très délicates, ont expliqué les secouristes dans un communiqué.

« Des réfugiés pris de panique se sont jetés à l'eau au moment des opérations de sauvetage et deux hommes se sont noyés, emportés par des courants, tandis qu'un autre a pu être sauvé in extremis », selon SOS Méditerranée. Six cadavres ont été découverts au fond de l'embarcation, mais les 108 survivants ont affirmé qu'il y avait « plus de 135 » personnes à bord au départ; ce qui laisse craindre qu'une vingtaine de personnes aient disparu dans l'eau.

Parallèlement, d’autres rescapés, des Somaliens, ont apporté la nouvelle que plus de 300 d’entre eux pourraient avoir été engloutis par les eaux durant le week-end. Ils voyageaient à bord d’une dizaine de canots gonflables qui ont crevé et sont devenus d’inutiles épaves. Les autorités italiennes ont aussitôt engagé des recherches, à la fois pour récupérer d’éventuels autres survivants ou des cadavres, mais aussi pour certifier la véracité des faits. Mais, on le sait, la Méditerranée dément rarement les rumeurs de morts de migrants.

Renflouer l’épave du bateau-cimetière

L’Italie s’apprête à ramener en surface le chalutier qui, le 18 avril 2015, avait heurté par trois reprises un cargo portugais envoyé à son secours et avait coulé avec quelques 800 de ses occupants en Méditerranée. Les opérations ont pris du retard mais les autorités portuaires assurent que l’épave devrait arriver au port militaire d’Augusta, en Sicile, vers la fin du mois.

Le premier ministre italien Matteo Renzi qui s’était montré particulièrement touché par ce drame, avait ordonné que les corps soient ramenés pour y prélever l’ADN qui permettrait leur identification éventuelle. Ensuite, ils seraient enterrés « de manière digne ». Ce drame avait secoué y compris le pape François qui s’en était profondément ému. Il avait reçu au Vatican une partie des 28 survivants.

Deux des survivants, le Tunisien Mohammed Ali Malek et le Syrien Mahmoud Bikhit, rapidement désignés comme ayant été le capitaine et son second, sont actuellement jugés à Catane (Sicile) pour homicides involontaires, naufrage et aide à l'immigration clandestine, même s'ils ont assuré n'avoir été que des migrants comme les autres.

L'épave a été retrouvée à environ 380 mètres de profondeur, à 150 kilomètres au nord des côtes libyennes. La marine a déjà repêché 169 corps sur et autour de l'épave, et repéré des centaines d'autres toujours bloqués à l'intérieur. Au moment du drame, le chalutier avait coulé en quelques minutes, et les migrants entassés dans la cale n'avaient pas eu le temps d'en sortir.

Lucien Mpama

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