Immigration : les ambassadeurs d’Afrique disent « merci » à l’Italie

Mardi 24 Mai 2016 - 12:33

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Le groupe des ambassadeurs africains a décerné une distinction honorifique au corps des garde-côtes pour leurs sauvetages en Méditerranée.

C’est un des sujets sur lesquels l’Italie se distingue des autres pays européens : tout en maintenant une surveillance serrée sur les migrants qui débarquent par vagues sur ses côtes, Rome entend insuffler de l’humanisme dans sa politique migratoire. A diverses occasions, le gouvernement de M. Matteo Renzi s’est glorifié de ce que, souvent laissée seule face à ce drame qui lui coûte beaucoup en argent et en personnel, l’Italie se soit focalisée sur le sauvetage des migrants en difficulté en Méditerranée.

Pendant des années, elle a été seule à se battre sur ce terrain avant que l’Europe ne vienne l’épauler avec, notamment, la mission Frontex de patrouille aux frontières extérieures de l’Europe. Les préoccupations intérieures ne sont jamais éloignées dans ce genre d’attitudes, mais le fait est qu’à l’heure où l’Europe est littéralement truffée de murs anti-immigration, l’Italie peut se targuer de privilégier d’abord la sauvegarde des vies. « Lorsque vous êtes en face de quelqu’un qui se noie, vous ne commencez pas par lui demander s’il a ses papiers en règles ».

Ces mots forts sont ceux du Premier ministre Matteo Renzi lors du premier sommet Italie-Afrique, le 19 mai dernier, à Rome. Et c’est avec une émotion sincère que l’ambassadeur Mamadou Dékamo Kamara les a repris lundi, au siège du commandement de la capitainerie de port des garde-côtes italiens à Rome. A 11 heures, c’est là que 28 ambassadeurs sont venus entourer l’ambassadeur du Congo, doyen du corps diplomatique africain, pour dire aux garde-côtes italiens le merci de tout un continent pour leurs opérations de jour ou de nuit visant à sauver des hommes.

Les ambassadeurs africains ont remis un tableau artistiquement travaillé au ministre italien des Transports, patron des garde-côtes, M. Graziano Delrio, « en signe de profonde gratitude ». Pour M. Dékamo et ses pairs africains « la Méditerranée, pendant des siècles carrefour d’échanges culturels et commerciaux entre l’Asie, l’Europe et l’Afrique, est  malheureusement devenue aujourd’hui le lieu de développement d’une traite d’êtres humains, d’exploitation de la migration que la pauvreté, les guerres, les dictatures et la mauvaise gouvernance poussent à fuir pour aller chercher une meilleure vie en Europe où ils tombent dans les griffes des trafiquants ».

L’ambassadeur Mamadou Dékamo Kamara a fait part de la tristesse de l’Afrique de voir que cette Méditerranée, pont des peuples et des civilisations, « se soit transformée au fil des décennies en cimetière. L’action des garde-côtes italiens mérite tout notre soutien. Le corps diplomatique africain reconnaît cet engagement comme étant le témoignage indiscutable d’une solidarité qui a cimenté à la longue le lien entre l’Italie et l’Afrique ».

A la suite des amiraux en charge des différentes opérations de secours en mer, le ministre italien des Transports, s’est félicité que son pays et ses « anges de la mer » aient mis en avant la mission de sauver d’abord des vies. « L’Afrique est l’avenir de l’Europe », a dit M. Delrio : « lutter contre la pauvreté, ce n’est pas faire de la charité », a-t-il insisté. C’est ce qui justifie l’acceptation des privations chez les hommes et femmes de mer italiens, les ONG, les bateaux marchands, debout sur les ponts par tous les temps. Un des slogans de la marine italienne de secours est, a-t-il révélé : « aujourd’hui encore, nous dormirons demain ».

400.000 migrants africains sauvés en mer au cours de l’année 2014 ; plus de 33.000 depuis le début de l’année.

C’est au gré des événements du monde que les flux de migrants sont marqués par des composantes massives d’une origine géographique ou d’une autre. Ainsi, au plus fort de la guerre d’Irak, en 2013, les arrivées sur les côtes italiennes comptaient majoritairement des rescapés de ce pays. Puis est venu le tour des Syriens. Mais, de tout temps, au milieu de ces migrants forcés, on compte toujours un nombre non indifférent d’originaires d’Afrique.

Africains du Nord (Tunisiens, Egyptiens, Marocains et Algériens) ; originaires d’Afrique subsaharienne (Erythréens, Ethiopiens, Sénégalais et Gambiens) ont toujours privilégié l’Italie pour gagner clandestinement l’Europe. Au moins deux raisons à cela : la plupart de ces migrants partent des côtes libyennes qui ne sont qu’à 300 Km de Lampedusa ; les Africains jugent l’Italie « plus abordable » pour qui, comme beaucoup d’entre eux, cherche une voie de passage vers l’Europe du nord ou les Amériques.

Ainsi, disent les garde-côtes italiens, les Africains secourus en mer par eux ont été plus de 400.000 l’an dernier. Depuis le début de 2016, plus de 33.000 Africains se sont en perdition en Mer Méditerranée, et sauvé de la mort certaine grâce aux garde-côtes italiens. Les migrants ainsi interceptés sont une majorité d’hommes, alors que femmes et enfants (parfois non-accompagnés) représentent un peu plus de 10 %. Ces migrants bravent une Mer Méditerranée qui peut être un piège mortel. L’accord de l’Union européenne avec la Turquie en mars a permis de freiner les flux provenant de Syrie, mais les migrants cherchent d’autres voies de passage                .

 

Lucien Mpama

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