Interview : Belinda Ayessa : « Il était important qu'on associât des personnalités et des institutions dont l'expertise et l'intérêt sont au fait de ce sujet »

Samedi 29 Septembre 2018 - 17:45

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Etre un lieu de mémoire, c’est tout le sens que la directrice du Mémorial Pierre-Savorgnan-De Brazza donne au colloque sur l’histoire du Royaume Kongo que son musée va abriter, du 2 au 3 octobre. Elle a bien voulu répondre aux questions des "Dépêches de Brazzaville" sur le sujet. Entretien.  

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.) :  Un colloque sur l'Histoire du Royaume Kongo se tiendra à Brazzaville les 2 et 3 octobre, très précisément dans le cadre du Mémorial Pierre-Savorgnan-de Brazza que vous dirigez. Pourquoi ce lieu a-t-il été choisi ?

Belinda Ayessa (B.A.) : Permettez, avant de répondre à votre question, que je rende ici un bel hommage aux universitaires, heureux initiateurs du colloque scientifique international, lequel projet a rencontré mon assentiment et bien entendu notre accompagnement. De même, notre reconnaissance à l’Unesco qui a consacré un chapitre important dans le volume 5 de son histoire générale de l’Afrique. Cette institution sera bien présente.

Pour revenir à votre question, le choix du Mémorial Pierre-Savorgnan-de Brazza comme cadre de ce colloque n’est pas seulement suscité par les principes d’unité de lieu et d’unité d’action, comme on dit dans l’art théâtral. Il l’est aussi par ce qu’est le Mémorial. Le seul mérite du Mémorial est d’être ce qu’il est, précisément un lieu qui rend possibles les conditions de rencontres et d’échanges pour nous ouvrir aux nécessités fécondantes de notre culture et de notre histoire. Mais je ne vais pas non plus mégoter sur l’honneur qui nous est fait pour accueillir un événement d’une telle ampleur. Vous savez bien que la vocation du Mémorial est essentiellement culturelle. C’est d’être le creuset d’un bouillonnement culturel. Dans la droite ligne de ce qu’il représente dans notre pays. Et, concernant le colloque sur le Royaume Kongo, je vais tisser la métaphore théâtrale en disant que le décor est planté, les acteurs apprêtés et le rendez-vous pris pour les 2 et 3 octobre.

L.D.B. : De nombreuses personnalités venues aussi bien de pays africains que de grandes organisations internationales y participeront. Cela veut-il dire que l'ancien Royaume Kongo est perçu aujourd'hui comme l'une des clés de l'Histoire du continent africain ?

B. A. : Certains de nos concitoyens ne se rendent peut-être pas compte de l’étendue, tant par l’histoire que par la géographie, du sujet de ce colloque. Il s’agit d’une entité politique, culturelle et administrative qui part des territoires du nord de l’Angola, couvrant le Cabinda ainsi qu’une partie du Gabon, et s’étendant sur toute la région sud du Congo et l’extrémité occidentale de l’actuelle République démocratique du Congo (RDC). Ensuite, en tenant compte du fait migratoire, on situe le développement de ce royaume à partir du VIIe siècle. Et il atteint son apogée au crépuscule du Moyen-âge européen. Une telle longévité offre suffisamment de voies d’approches de l’organisation politique de ce royaume, ses modes de régulations des conflits, ses stratégies de survie face à l’Europe, ses structures sociales, ce que Georges Balandier a tout simplement titré « La vie quotidienne dans le Royaume de Kongo ». Il était donc normal qu’on associât des personnalités et des institutions dont l’expertise et l’intérêt sont au fait de ce sujet. Le Centre international de recherche et de documentation sur les traditions et les langues Africaines (Cerdotola), qui met en valeur le patrimoine africain à travers l’étude des traditions orales et écrites, sera également représenté. Des universitaires de renom de la RDC seront également représentés.

L.D.B. : Le colloque que vous organisez abordera les sujets les plus divers. Il permettra donc de mieux connaître les bases sociales, culturelles, coutumières sur lesquelles le Royaume Kongo s'est construit. Ces données seront-elles rassemblées et diffusées afin de contribuer à la réécriture de l'Histoire de notre continent qui se dessine ?

B.A. :Absolument. Nous mettrons à la disposition du public, dans des délais raisonnables, les actes de ce colloque sous forme d’ouvrage. Sa diffusion devra permettre, j’en suis sûre, de contribuer à faire connaître l’histoire africaine qui est un sujet inépuisable. Et pour l’historiographie du Royaume Kongo, par exemple, les chroniques et autres sources sont repérables déjà au XVIe siècle. C’est vous dire combien la tâche est exigeante de pouvoir retracer l’histoire à partir des travaux aujourd’hui disponibles. Il est heureux de constater que des historiens des deux Congo, de l’Angola, à la suite de tant d’autres comme Pigafetta, du père Van Wing ou de Jan Vansina, n’ont jamais abandonné ce champ de recherche. L’occasion est donc toute donnée de faire l’état de la question, comme on dit.

L.D.B. : Faut-il conclure de la tenue du colloque sur le Royaume Kongo que le Congo, en général, et Brazzaville, en particulier, entendent contribuer de façon décisive à cette réécriture, tout comme d'ailleurs y a contribué le retour chez nous des restes mortels de Pierre Savorgnan de Brazza il y a douze ans ?

B.A. : La part que prend notre pays dans cette réécriture n’est pas négligeable. Et je le dis sans vanité. L’on se rappellera qu’en août 1983, le Congo avait accueilli une grande rencontre sur l’histoire africaine sous l’égide de l’Unesco. Qu’il s’agisse de l’histoire de l’Afrique, en général, ou de l’histoire du Congo, en particulier, l’expertise et le soutien n’ont jamais manqué. Je voudrais profiter de la tribune que vous m’offrez pour dire toute ma gratitude aux autorités de notre pays, à commencer par le président de la République, Denis Sassou N'Guesso, qui ont porté à cœur l’idée et la tenue de ce colloque. Quant aux retombées du colloque, il faut se situer sur le long terme. Il faudra organiser la réception des actes de ce colloque, pas seulement par des universitaires mais envisager une explication de leur contenu pour le grand public et-pourquoi pas ?-à travers des ateliers de vulgarisation.

L.D.B. : Un nouveau bâtiment est en cours de construction dans l'enceinte du Mémorial. Il permettra de rassembler les archives de la grande aventure que vécut Pierre Savorgnan de Brazza et d'organiser des conférences, des débats, des échanges sur notre propre Histoire. Le colloque sur le Royaume Kongo marque-t-il le début de ce processus ?

B.A. : Je situerais la problématique du colloque sur le Royaume Kongo dans la vocation inaugurale du Mémorial : être un lieu de mémoire. Cela signifie que l’on ne reste pas englué sur un passé, introuvable dans son intégralité mais que l’on soit porté sur ce qui constituerait pour nous des manières de raviver les leçons de ce passé. En tenant compte de cet effort de relecture historique, les nouvelles structures en construction auxquelles vous faites allusion aideront à élargir le cadre de nos activités. Vous voyez donc qu’il y a bien des chantiers à mettre en route pour l’avenir.

Les Dépêches de Brazzaville

Notification: 

Non