Interview. Fabrice Bwabulamutima : « Nous délivrons des messages de paix »

Samedi 1 Octobre 2016 - 19:08

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Le chorégraphe et danseur assure la direction artistique du Programme Refugees on the Move de la fondation française African Artists for Development (AAD) en RDC. Rencontré dans la première quinzaine de septembre au Sud-Ubangi, à mi-parcours de sa phase finale, il a expliqué aux Dépêches de Brazzaville les contours de ce projet qu’il avait à cœur de mener à bon port ave le concours du guitariste Kojack ainsi que de Owl Mpia, Jucko Nzeza, Lucie Kabemba, Amour Lombi, Pricillia Menakuluse et Arian Mutoke, tous des formateurs assistants qui œuvraient avec enthousiasme et énergie.

Des danseurs de Kongo Drama Company et des réfugiés de Mole Les Dépêches de Brazzaville : Pourriez-vous nous dire la raison de votre présence, assez insolite pour un chorégraphe de la capitale, à Mole, contrée située à 35 km de la ville de Zongo, plus précisément dans le camp des réfugiés centrafricains  ?

Fabrice Bwabulamutima  :  Je suis là en tant que directeur de la compagnie de danse Kongo Drama Company de Kinshasa. C’est vrai que la présence de cette troupe peut paraître insolite mais elle se justifie car nous sommes là pour le compte de la fondation française AAD ou Artistes africains pour le développement créée par Matthias Leridon et son épouse Gervanne. Cette fondation a mis en place le Programme Refugees on the Move qui consiste à organiser des ateliers de danse et de musique dans des camps de réfugiés. Ils sont animés par des professionnels qui ont comme objectif principal de travailler à la réconciliation des communautés à travers l’art, la culture et œuvrer pour la reconstruction de la personne humaine parce qu’après avoir connu la guerre et subi ses affres, l’humain perd beaucoup choses. À travers la culture nous essayons de travailler sur cette réconciliation d’abord avec soi et ensuite avec la communauté parce que dans les camps de réfugiés, on retrouve tout autant des victimes que des bourreaux. Et donc, c’est seulement l’art qui peut communiquer d’abord la paix intérieure à ces personnes et ensuite les porter à la partager, cultiver le pardon surtout, une fois de retour chez eux. C’est donc dans ce cadre que je me retrouve ici à Mole.

L.D.B : Comment en êtes-vous arrivé à coordonner le programme de l’AAD ?

F.B.  : J’ai été sélectionné entre plusieurs chorégraphes congolais depuis l’année dernière après avoir passé une audition face à Jean-Michel Champault qui est le délégué de l’AAD au niveau de l’Afrique. Il m’avait été alors confié l’organisation des ateliers dans le camp de Mole afin que le Programme Refugees on the Move soit réalisé ici aussi au Congo tel qu’il l’est au Tchad, au Burkina-Faso, en Centrafrique avec des réfugiés congolais, au Burundi et bien d’autres pays du continent.Lucie Kabemba en plein atelier avec des réfugiés du camp Mole

L.D.B : Comment les choses se sont elles organisées après votre sélection, avez-vous été outillés avant de vous lancer sur le terrain ?

F.B.  : Oui. J’ai passé mon stage au Burkina-Faso pour comprendre la méthodologie de travail et surtout de transmission, de collaboration et de communication face aux réfugiés auprès du chorégraphe Salia Sanou. Le travail s’était effectué avec des réfugiés maliens. Je suis allé jusque dans le camp de Mentao où j’ai passé deux semaines. C’est là que j’ai fait mon apprentissage et j’ai à mon tour formé les danseurs de Kongo Drama Company. J’ai ensuite fait une descente de prospection au camp de Mole, nous sommes arrivés à déceler les besoins de cette communauté et estimer plus ou moins le nombre de personnes qui pourraient s’intéresser au programme. C’est alors que j’ai pu organiser une équipe à Kinshasa. Là, je suis avec un groupe de sept artistes, en l’occurrence Owl Mpia, Jucko Nzeza, Lucie Kabemba, Amour Lombi, Pricillia Menakuluse et Arian Mutoke, tous des formateurs assistants qui m’accompagnent dans la besogne.

L.D.B : Peut-on savoir en quoi consistent exactement les ateliers, combien de personnes y prennent part et quelle est leur tranche d’âge ?

F.B.  : Nous travaillons avec 807 personnes au total, dont l’âge varie de 5 à 70 ans. Au départ, nous avions certaines appréhensions et ne savions pas comment elles réagiraient à notre proposition parce que nous ne donnons rien aux réfugiés. Le HCR, qui est notre partenaire, assure leur prise en charge d’un point de vue alimentaire, sanitaire, etc., avec l’appui d’associations et autres partenaires. À notre niveau, nous apportons seulement notre accompagnement artistique qui est par ailleurs aussi une forme d’éducation et d’initiation à la protection de soi. En effet, autour de notre travail, nous délivrons des messages de paix mais aussi de sensibilisation à la cohabitation pacifique. Donc, c’est près de mille personnes qui prennent part à ses ateliers. Ici, chaque danseur est formateur. Et selon la distribution que j’ai faite au regard des tranches d’âge et de l’intérêt, chaque atelier comporte au moins soixante-dix personnes.

Par ailleurs, nous avons mis en place une sorte de discipline artistique de sorte qu’il y a un registre d’appel, des contrôles et des règlements d’ordre intérieur. Ainsi, dans certains ateliers on est éjecté après trois absences non justifiées ou la corvée de nettoyage de la salle incombe à celui qui totalise trois retards. Question de leur montrer que quel que soit le métier que l’on pratique, sans la discipline l’on ne peut pas aller loin. Mais au bout du compte, cela crée des automatismes et les gens se considèrent en famille. Ce, d’autant plus que chaque Programme Refugees on the Move dure quatre mois.

Propos recueillis par

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Photo1 : Des danseurs de Kongo Drama Company et des réfugiés de Mole Photo2 : Lucie Kabemba en plein atelier avec des réfugiés du camp Mole

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