Interview : Francis Chaise : « Le taux de prévalence de la lèpre diminue progressivement dans la Likouala »

Mercredi 26 Septembre 2018 - 18:15

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Dans une interview exclusive accordée le 26 septembre aux Dépêches de Brazzaville, le directeur du Programme lèpre de l'Ordre de Malte (France) a déclaré que le taux de prévalence de cette maladie est en train de diminuer progressivement dans le département de la Likouala. Il a indiqué, par ailleurs, que la clé du succès de cette pathologie est de stopper la transmission en traitant rapidement tous les malades qui sont diagnostiqués.      

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.) : À quel niveau se trouve votre programme dans le traitement de la lèpre dans la Likouala ?

Francis Chaise (F.C.) : Lorsque le programme avait commencé en janvier 2017, on avait très peu d’informations sur l’évolution de la maladie dans le département de la Likouala, au nord du Congo. Nous avons pensé qu’il était nécessaire de mettre en place des équipes mobiles qui travaillaient sur tous les axes que compte cette région.

Après quatre missions, nous avons identifié environ une centaine de nouveaux cas de lèpre ; ce qui nous avait permis de conclure que la contamination était très répandue. Devant cette évidence, nous étions obligés de prendre un certain nombre de mesures parmi lesquelles mettre à la disposition des patients des médicaments. La lèpre, plus elle est traitée rapidement, c’est-à-dire aussitôt détectée, moins le risque de contamination est important. Car cette maladie non traitée entraîne de nombreuses complications, notamment les paralysies et autres ablations des membres supérieurs ou inférieurs.

L.D.B. : Pourquoi cette maladie est plus présente dans la Likouala que dans le reste du pays?

F.C. : Selon les statistiques de différents instituts et services de l’Etat, le sud du Congo est toujours mieux exploré sur le plan sanitaire que le nord. Cela se justifie par l’enclavement de la partie septentrionale et par la population de plus en plus nomade dans cette partie, donc difficile à contrôler. Aujourd’hui, après six mois, nous avons constaté que le taux de prévalence de la maladie n’est plus forte dans la Likouala.

L.D.B. : Pouvez-vous préciser à nos lecteurs l’agent vecteur de la maladie et ses formes de manifestation ?

F.C. : Beaucoup de gens ignorent cette maladie qui existe depuis mille ans avant Jésus-Christ. Elle a terrorisé plusieurs continents. La lèpre est due à une bactérie assez proche de la bactérie tuberculeuse mais qui a une particularité qui rend le diagnostic difficile et le pronostic mauvais. Si vous êtes contaminé, la maladie peut se manifester après vingt ans. Notre objectif est de faire des diagnostics avant que la maladie ne se manifeste chez le patient. En Afrique subsaharienne, la lèpre se manifeste par une tâche cutanée et insensible de couleur blanche chez les Noirs. A un stade avancé de la pathologie, la bactérie commence à pénétrer dans les nerfs et à provoquer la paralysie des membres supérieurs et inférieurs.

L.D.B. : Comment se contamine la maladie ?

F.C. : Le mode de contamination le plus connu est le contact cutané prolongé et répété. Dans un monde où la promiscuité est rare, ce mode de contamination est réduit. Actuellement, le traitement curatif consiste surtout à créer des conditions qui fassent qu’il n’y ait pas trop de promiscuité entre les personnes saines et les malades.

L.D.B. : Avez-vous prévu des campagnes de sensibilisation de la population à cette pathologie peu connue ?

F.C. : Nos équipes sont sur le terrain dans tous les districts du département de la Likouala pour des campagnes de sensibilisation. Nous avons organisé des émissions de radio et des conférences-débats sur la maladie. Tout ceci pour éviter qu’une fois contaminée, une personne se cache et pense que la lèpre est incurable. Non ! C’est une maladie qui se traite à condition que le diagnostic soit précoce.

L.D.B.: Nous vous donnons l’opportunité de conclure cet entretien.

F.C. : Vous savez mieux que nous que la Likouala est constituée d’une population mixte, c’est-à-dire les peuples autochtones, les bantous et les réfugiés. Cette maladie touche toutes ces couches sociales. La dernière étude que nous avons faite à Enyellé où la population est très mixte, on a constaté autant de lèpre chez les bantous que chez les autochtones. C’est donc une maladie sans frontière. La clé du succès est de stopper la transmission en traitant rapidement tous les malades qui sont diagnostiqués.    

   

 

Propos recueillis par Roger Ngombé

Légendes et crédits photo : 

Dr Francis Chaise

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