Interview. Giulia Grispino : « La musique congolaise a influencé ma préférence pour la guitare acoustique »

Jeudi 12 Octobre 2017 - 15:42

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Giulia Grispino, « Sans soucis » de son nom de scène, est une jeune auteure, compositrice et interprète Italo-congolaise basée à Londres. Le lancement de « Jonquilles », son premier EP (Extended Play), est prévu pour le 22 novembre au Bunker Théâtre à Londres.

 

Le Courrier de Kinshasa : Depuis quand as-tu commencé à chanter ?

Giulia Grispino : Je chante depuis l'âge de 6 ans dans les chorales classiques principalement. La musique n'était pas vraiment un choix pour moi, c'était vraiment une mission que j'ai canalisée comme un moyen de m'exprimer dans un environnement où la langue représente une frontière entre les gens et la spiritualité, ou plus simplement la connexion avec notre soi intérieur. Actuellement, j’effectue ma dernière année de "Musical Directing et Professional Performance "au London College of Creative Media ", qui est situé au cœur de la ville, London Bridge, et je prévois de lancer bientôt mon premier EP. Je n'ai jamais vraiment étudié la musique jusqu'en 2015, quand j'ai commencé mes études à Londres. Cependant, j'ai grandi entourée de musique et de musiciens dès mon plus jeune âge. Mon père était un compositeur lui-même, certains de mes amis les plus proches ont étudié dans des conservatoires et j'ai participé à de nombreux évènements liés à la musique, grâce à mon intérêt pour les projets de chorale. Aussi loin que ma famille peut se rappeler, je chantais tout le temps et passais la plupart de mes journées à griffonner dans la maison avec ma sœur et mes cousins. C'est la base de ma formation musicale. J'ai commencé ma carrière musicale professionnelle en 2015, ici à Londres. Je me souviens très bien de ma première performance. C'était pour une organisation appelée "Brainchild" qui diffuse les jeunes talents et teste de nouveaux projets créatifs. C'était pour moi une formidable porte d'entrée de grandes opportunités, qui m'ont amenée à collaborer avec d'incroyables institutions et jeunes artistes dans et hors de la scène de Londres.

LCK : Raconte-nous l'histoire de ton nom d'artiste "Sans soucis" ?

GG : "Sans Soucis" est le nom que ma grand-mère congolaise m'a donné quand J'étais petite. C'était un moyen pour elle d’exprimer à quel point j'étais libre à cet âge. Ça a toujours été très fascinant pour moi de savoir pourquoi elle m'a donné ce surnom. Chaque fois que je demande ma famille une explication à ce sujet, ils sourient juste, visualisant presque la personnalité vive et joyeuse qui a définitivement couronné mon enfance. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles j'ai choisi « Sans Soucis » comme nom d’artiste. C'est l'esprit que je veux incarner en tant que musicienne, inspirer les autres à toujours être la meilleure et la plus positive version d’eux-mêmes

LCK : Quelles sont les activités que tu mènes en tant que musicienne et chanteuse ?

GG : Pour l'instant, mon objectif principal est de composer et de chanter. Je réalise des performances en solo et je prépare l'évènement du lancement de l'EP prévu pour le 22 novembre. C'est un travail difficile d'organiser des répétitions et de rassembler tout le monde pour organiser la musique, mais le côté positif est que nous sommes tous engagés dans le projet parce que nous aimons tous jouer ensemble et partager une claire vision de la musique et de la vie.

LCK : Parlant de ce premier EP, quel est son contenu ? Comment l’as-tu produit ? Combien de chansons contient-il ? Quel est le style musical ?

GG : Le titre s'inspire d'un poème anglais de William Worthsword dans lequel l'auteur éprouve une joie extrême en rappelant une mémoire d'un champ de jonquilles. Le poème montre comment les sentiments et les expériences sont intemporels parce que finalement ils n'appartiennent pas vraiment à un calendrier conventionnel. Tout le contenu de l’EP se résume dans le besoin de rechercher notre propre identité dans un monde qui ne nous permet pas souvent d'explorer pleinement et faire l'expérience de notre passé et de notre avenir, en raison de son caractère systématique actifs, nous empêchant d'évoluer. La grande évasion à cela est le rappel continu que tout arrive toujours au moment présent, donc notre passé et notre avenir font partie intégrante de qui nous sommes maintenant. Il est essentiel de récolter une vision globale de tout ce que nous avons absorbé et tout nous voulons créer / changer dans le monde en ce moment parce qu'il y a plus un « hier » à pleurer et pas un « demain » sur lequel compter ; c'est une vicieuse illusion qui nous empêche d’expérimenter pleinement la vie et la transformation. "Jonquilles" est l'histoire de ma transformation personnelle. C'est qui j’étais, qui je veux être et qui je suis en ce moment. C'est un EP de quatre titres produit par un grand camarade de classe mais aussi un ami proche, Claudi Martinez, en collaboration avec le photographe Patricia Aztur et Karpa Records. Les musiciens impliqués dans le projet sont le pianiste Yohan Kebede, le bassiste Jonathan Moko, le guitariste Nicolas Haag, le batteur et le percussionniste Matteo Baldazzi et les choristes Jaka Skapin, Raquel Tur Lillo et Liv Barath.

LCK : Quel est ton style musical ?  Pourquoi le pratiques-tu ?

GG : Je l'appellerais "Lyrical fusion soul", qui pour moi n'est rien d'autre que de la « soul music » combinée à diverses influences culturelles et musicales, principalement ancrée dans la culture du jazz. Je crois fermement que chaque genre musical détient en soi un héritage culturel très puissant et dans une société multiethnique comme la nôtre, il faut pouvoir l'exprimer de la meilleure manière possible, sans rester coincer dans un seul style. Ma voix et mon objectif, malgré mon approche classique, conviennent vraiment à la musique soul, surtout en raison de sa liberté vocale.

LCK : Qui sont les artistes qui t’inspirent ?

GG : Ils sont nombreux, mais la plupart sont essentiellement de grands révolutionnaires comme Michael Jackson, Stevie Wonder, Miles Davis, Donny Heathway, Erykah Badu ... mais aussi beaucoup de jeunes artistes féminines, qui ont vraiment changé mon approche par rapport à cette carrière comme Lianne La Havas, le groupe de Hiatus Kayiote leader Nai Palm, Solange Knowels, Noname, Laura Mvula ... Au cours de la dernière année, j'ai également exploré de grands artistes de jazz et des groupes tels que Robert Glasper, le Trio Esbjörn Svensson, Avishai Cohen Trio, Christian Scott, Cory Henry et aussi quelques musiques impressionnistes classiques (par exemple Maurice Ravel).

LCK : Ta mère vient du Congo. Écoutes-tu de la musique congolaise ou musique africaine ? Connais-tu des artistes du Congo ou d'Afrique ?

GG : J'ai commencé à être plus conscient de mes origines congolaises très récemment. J'ai toujours cultivé un intérêt particulier pour la guitare mais je n'ai jamais compris d'où il venait ; c'est juste que je réalise à quel point une grande partie de la musique traditionnelle congolaise a influencé ma préférence pour la guitare rythmique acoustique. Ma famille a toujours été très musicale. Nous écoutions toujours Franco (Luambo Makiadi NDLR), Papa Wemba ou Koffi Olomide lors de différents types d'occasion. Nous chantions des chants traditionnels pour des célébrations et dansions avec enthousiasme. Je suis sûr que ces doux souvenirs de mon enfance ont joué un rôle crucial dans mon parcours musical.

LCK : Quels sont tes projets pour l’avenir ?

GG : Je travaille déjà sur un nouveau concept d'album, qui devrait être réalisé vers la fin de 2018. Mon objectif principal sera la recherche d'un équilibre entre mon background occidental plus rationnel et celui Africain, caractérisé par une forte spiritualité et une manière de vivre intuitive. Nous perdons beaucoup de temps à essayer de nous impliquer dans des lieux ou cultures, sans vraiment profiter de la beauté de notre propre expérience, qui est unique et ne peut pas vraiment être catégorisée sur la base de réalités déjà existantes. C'est pourquoi je voudrais travailler dur pour sensibiliser et aider les gens à trouver leur foyer partout où ils voyagent avec leur corps et esprit. Je prévois aussi de faire une courte tournée européenne cet été au Portugal, en Belgique, en France, en Slovénie et en Italie. Last but not least, mon plus grand rêve est d'ouvrir une fondation qui pourrait aider et soutenir les jeunes du monde entier, venant de toute sorte de milieu social, pour s’exprimer librement à travers non seulement la musique, mais tous les arts et contribuer ainsi au développement du monde avec leur propre vision. Les artistes sont les visionnaires de notre société, prévoyant la vie à travers le langage universel de l'esprit. Donc, j'aimerais promouvoir et assister à une révolution artistique, où les gens reconnaîtront que l'art est l'une des armes les plus puissantes du changement et les artistes sont ses principaux révolutionnaires. Notre jeunesse est l'avenir, alors commençons à investir en elle !

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Photos1 et 2 -Giulia Grispino Photo 3 - Giulia Grispino en plein travail au studio

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