Interview. Madimba Kadima-Ndzuji : « Les accords commerciaux régionaux doivent être régis par des principes clairs »

Samedi 7 Mai 2016 - 13:57

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 Madimba Kadima-Ndzuji a défendu une thèse, le 22 avril,  à Louvain-la-neuve, en Belgique, sous l'intitulé :  "Accords commerciaux régionaux et système multilatéral de l’OMC : antinomie ou discrimination positive ? Cas de l’UEMOA". Après sa brillante prestation, le désormais docteur en sciences juridiques a accordé, le 6 mai, une interview exclusive à la rédaction pour approfondir cette problématique d'une grande importance pour une Afrique en quête d'émergence et d'intégration.

Les Dépêches de Brazzaville : Dans votre thèse, vous vous êtes intéressé à la zone UEMOA. Y a-t-il une raison particulière (économique, politique, etc.) à ce choix ?

Madimba Kadima-Nzuji : La zone UEMOA est dynamique. Elle est actuellement la meilleure expérience d’intégration régionale économique africaine et francophone. Au-delà des difficultés spécifiques aux pays qui la composent, je trouvais intéressant d’étudier l’articulation de cette région d’un point de vue continental et mondial. L’Afrique a de nombreux défis à résoudre et l’UEMOA est une réponse convaincante à ces défis. C’est pour moi une source d’inspiration pour analyser et proposer des solutions régionales pour la République démocratique du Congo.

LDB. : Pour l’UEMOA, vous avez évoqué avec satisfaction une croissance de 6.5% en 2015 mais, en retour, vous vous inquiétez des progrès lents sur le plan de l’intégration régionale. Pourquoi l’Afrique commerce-t-elle si peu avec elle-même en dépit de la meilleure santé de l'économie régionale ?

MK-N : Le commerce intra-communautaire représente au plus 12% dans l’UEMOA. L’essentiel des économies sont tournées vers l’extérieur. Il y a des raisons historiques à cela, notamment, liées à la colonisation mais il y a surtout le manque d’industrialisation de l’Afrique en général et de l’Afrique de l’Ouest en particulier. Les coûts de transaction restent importants dans le commerce intra-africain. Par coûts de transaction, il faut entendre les coûts relatifs à un échange économique. Cela va de l’information nécessaire pour échanger des biens et des services au contrôle qualité ou au prix du transport. Ces coûts sont exorbitants. Dans bien des cas, il est préférable d’aller hors du continent africain. Ainsi, imprimer un magazine à Guanzhou ou à Sofia coûte moins cher qu’à Brazzaville, parfois transport y compris.

LDB : Le Tarif extérieur commun et même le contrôle démocratique de l’Union via le Parlement se sont-ils révélés dans la pratique des instruments réellement intégrateurs pour la sous-région d’Afrique de l’Ouest ?

MK-N : Votre question est intéressante parce que le TEC existe depuis 2000 et connaît de nombreuses exceptions, tandis que le Parlement de l’UEMOA - bien que le Traité portant sa création soit entré en vigueur - n’est toujours pas mis en place. Donc, nous ne pourrons évaluer l’efficacité réelle de ces instruments dans une dizaine d’années au moins. Il me faut cependant insister sur deux aspects : d’une part, ces instruments ont le mérite d’être prévu par le texte ; d’autre part, les États s’attellent à leur rythme à les intégrer dans la réalité des populations.

LDB : Que faut-il changer dans l’architecture des accords commerciaux régionaux et dans les règles multilatérales relatives au régionalisme pour accélérer l’intégration ?

MK-N : D’abord, les accords commerciaux régionaux doivent être régis par des principes clairs, être dotés d’instruments juridiques adéquats et, surtout, bénéficiés de la volonté politique des États pour les implémenter. Les États africains concluent assez facilement des accords commerciaux régionaux mais ils ont du mal le moment venu à abandonner une parcelle de leur souveraineté. Ensuite, les règles du multilatéralisme en général et particulièrement celle de l’OMC traitent mal des problématiques de développement. D’ailleurs, à l’heure actuelle, le statut de pays en développement n’est pas défini officiellement. Des pays aussi éloignés socio-économiquement que le Brésil et la RDC appartiennent donc à la même catégorie alors que le premier est considéré comme un émergent et le second un PMA.

LDB : À la lumière de vos recherches, quelles sont les clés pour améliorer la participation de l’Afrique dans le commerce international ?

MK-N : Deux éléments me paraissent essentiels : d’une part, la réforme de l’État est un passage obligé (volonté effective des dirigeants, renforcement des capacités aussi bien humaines que matérielles, développement des infrastructures,...) ; d’autre part, grâce à la diversification des économies notamment en s’appuyant sur les nouvelles technologies et la valorisation du patrimoine immatériel, l’Afrique contribuera mieux au commerce mondial.

Propos recueillis par Laurent Essolomwa

Laurent Essolomwa

Légendes et crédits photo : 

Madimba Kadima-Ndzuji, nouveau docteur en sciences juridiques de Louvain-la-neuve

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