Interview. Ousmane Doré : « Le processus d’intégration d’Afrique centrale est en marche »

Mardi 18 Juin 2019 - 20:15

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En sa qualité de directeur général de la Banque africaine de développement (BAD) pour l’Afrique centrale, Ousmane Doré a évoqué, en marge des Assemblées annuelles de son institution tenues du 11 au 14 juin à Malabo, en Guinée équatoriale, les stratégies mises en place pour relever le faible rythme d’intégration au sein de la zone qui traîne encore le pas, même en termes du volume du commerce intra-régional.  

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.) : Quelle est votre appréciation de l’intégration en Afrique centrale ?

Ousmane Doré (0.D.) : Le processus d’intégration est en cours puisqu’il relève de la vision des chefs d’Etat africains depuis les indépendances d’intégrer ce continent afin de tirer profit du vaste potentiel que regorge cette partie du monde. Pour l’Afrique centrale en particulier, nous sommes partis du constat que le rythme de l’intégration est encore faible, même lorsqu'il est mesuré par le volume du commerce intra-régional qui reste aux environs de 6% par rapport à une moyenne de 17% en Afrique, ce qui signifie qu’il y a encore du chemin à faire.

Pour cela, la BAD a élaboré une stratégie très robuste d’intégration de cette zone, laquelle a été publiée pendant les 54es Assemblées annuelles de Malabo, en partenariat avec les Etats membres et les communautés économiques, à savoir la Communauté économique des États de l’Afrique centrale  et la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale. Ceci étant, on peut dire que le processus est en marche et la banque dispose d’un portefeuille de près d’un milliard de dollars d’engagement sur les opérations régionales.

Cette nouvelle stratégie décline un programme indicatif des projets se chiffrant à près de 4,4 milliards de dollars sur les trente opérations que nous comptons mener pendant les sept prochaines années.

L.D.B. : Quels sont les projets phares de cette stratégie pour l’Afrique centrale ?

O.D. : Dans le cadre du programme indicatif régional figurent des projets intégrateurs de grande envergure qui sont de nature à transformer structurellement les économies de cette sous-région et de promouvoir cette intégration.

Je parlerai en premier du pont route-rail entre les deux Congo qui est finalement arrivé à un accord de mise en œuvre en 2018. Il y a aussi le corridor 1300 km qui est un projet multimodal avec une composante routière devant relier quatre pays en allant de Ouesso-Bangui- Baïnakoro jusqu’à N’Djamena. Les études y relatives sont bouclées et nous sommes actuellement dans la phase d’une table ronde qui aura lieu en automne prochain.

L.D.B .: Y a-t-il, en ce qui concerne le volet énergie, un projet que votre institution soutient dans cette zone ?

O.D. : Il s’agit du projet du grand Inga, un barrage hydro-électrique qui a une vaste capacité pour lequel la banque a financé les études pour la phase III qui devait se chiffrer à 4800 mégawatts. Maintenant, il est question d’aller à une plus grande production de l’ordre de 10 000 mégawatts, d’où le dialogue avec les nouvelles autorités de la RDC afin de voir comment nous allons nous engager dans le cadre de ce projet qui est non seulement régional mais continental, car il permettra de résoudre énormément le déficit énergétique en Afrique.

L.D.B. : Comment faire face à la question des groupes terroristes qui passent d’une frontière à l’autre dans cette intégration de l’Afrique ?

O.D. : En dépit du contexte de fragilité lié à l’insécurité, la région est véritablement engagée dans cette intégration. Cette fragilité constitue effectivement un facteur de la latence du faible rythme constaté en Afrique centrale. Pour cette raison, la banque travaille avec les autres partenaires pour prendre en compte la dimension sécuritaire dans l’ensemble des projets et programmes élaborés ; cas du Tchad.

Etant conscients de ce fait, nous avons deux piliers dans cette stratégie dont le renforcement des infrastructures et la mise en œuvre en profondeur des réformes pour réduire substantiellement le niveau de pauvreté, en créant le développement pour permettre aux jeunes de s’occuper et de tourner le dos à la violence ou à se lancer dans la traversée de la méditerranée au péril de leur vie.

L.D.B. : Selon les prévisions de la BAD, à quelle échéance peut-on parvenir à l’intégration de toute l’Afrique, en rapport avec la Zone de libre-échange contintale (Zlec) ?

O.D. : Les politiques décident sur les réformes puisque l’initiative de la Zlec a été adoptée en mars dernier, mais il a fallu attendre jusqu’en mai pour atteindre le quorum, ce qui va donc permettre sa mise en œuvre effective en juillet prochain.

À mon avis, toutes les études faites et au regard des acquis de ce continent, une fois la Zlec entrée en vigueur, il va y avoir une augmentation du commerce inter-régional avec une abolition des lignes tarifaires sur près de 90% des produits.

En ce qui concerne l’échéance, elle se situe dans l’agenda 2063 de l’Union africaine et attendons donc de voir où se situera l’Afrique à cet horizon. Toutefois, si chacun joue son rôle, nous pensons que le continent pourrait atteindre un produit intérieur brut de près de 3,3 millions de dollars.  En sus d’une population qui va avoisiner celle de la Chine, nous pensons que l’Afrique sera au rendez-vous du développement et de la transformation économique puisque dotée d’immenses ressources.   

 

 

 

Propos recueillis par Guy-Gervais Kitina

Légendes et crédits photo : 

Ousmane Doré, directeur général de la BAD pour l'Afrique centrale/ guy-gervais Kitina (Adiac)

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