Israéliens et Palestiniens au Vatican pour prier avec le pape

Mardi 10 Juin 2014 - 16:35

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Les présidents Peres et Abbas se sont rendus au Vatican, la ‘maison du pape’, pour implorer la paix de Dieu sur le Moyen-Orient. Inédit

Il n’y a pas d’exemple dans l’histoire où en plus de 2000 ans d’existence, l’Église catholique ait accueilli des sommités juives et musulmanes venues prier au Vatican pour la paix au Moyen-Orient. L’inédit n’est pas tant dans l’appartenance à ces religions dites du Livre – religions monothéistes ; il est dans le fait que trois chefs d’État ont bien voulu confier, en une soirée de dimanche de Pentecôte, leurs suppliques de paix au Dieu de leur foi dans la région où ils ont du mal à vivre en paix.

Pourtant, deux semaines auparavant, en lançant l’invitation au président israélien Shimon Peres et au président palestinien Mahmoud Abbas à venir prier avec lui « dans sa maison du Vatican », le pape François ne semblait pas lui-même sûr de la réponse. Or celle-ci est venue presque spontanément, signe, comme l’a relevé un haut-prélat, que les deux pays sont fatigués de pratiquer ce que les Italiens, amateurs de football devant l’éternel, appellent le catenaccio, le marquage serré qui conduit à la neutralisation mutuelle de deux équipes sur le terrain.

Propositions de la communauté internationale, accords de paix, initiatives de l’une ou de l’autre partie trouvent régulièrement, depuis presque toujours, des raisons de les boycotter ou de faire de la surenchère. Résultat : le processus israélien et palestinien est aujourd’hui au point mort et la solution rêvée par l’ONU de l’existence pacifique d’un État d’Israël à côté d’un État palestinien, demeure un vœu pieux. Un mur de béton armé sépare désormais l’un de l’autre, et chaque jour qui passe, ce qui restait de terre aux Palestiniens est rongé par autant de colonies israéliennes au nom de la sécurité.

C’est cela et bien d’autres choses que le chef de l’Église catholique a déploré durant trois jours de séjour en Terre Sainte, les 24, 25 et 26 mai derniers. Trois jours dans trois pays : Jordanie, Palestine (que le Vatican continue de désigner sous le vocable d’« État de Palestine », ce qui agace passablement les Israéliens) et, enfin, Israël. Trois jours pour trois réalités spécifiques aussi, mais toutes en lien à la même question du Moyen-Orient : la Jordanie qui a du mal à jouer les équilibres et les facilitateurs de dialogue, la Palestine qui est aujourd’hui dans le rôle de l’injuste victime et Israël qui n’entend pas sacrifier la trop lourde histoire qui a conduit à sa fondation et son existence sur le seul autel des ententes de façade sans garanties sérieuses pour sa sécurité. Trois jours comme ceux que Jésus-Christ, le fils de Dieu natif de cette région, a passés sous terre avant sa résurrection proclamée par les chrétiens : un miracle !

La diplomatie des jardins verts du Vatican

Il y a ceux qui croient aux miracles. Il y a ceux qui ne retiendront que la portée de la prouesse. Mais tous s’accordent à reconnaître la force de persuasion tranquille du « chef de l’État du Vatican », qui a fait bouger les lignes. Certes les autorités vaticanes sont les premières à bien préciser que cette rencontre, « invocation pour la paix », ne se voulait pas une médiation politique en lieu et place des acteurs attitrés. Ce n’était pas même une « prière ensemble », mais une rencontre où chacun priait selon son credo dans sa langue, sa liturgie et demandait la paix à l’Immanence nommée Yahvé, Allah ou Dieu, et pas en même temps, mais chacun à son tour.

Certes les commentateurs ont tenu à relativiser car la présence de M. Shimon Peres pouvait s’interpréter comme une démarche personnelle, et pas une décision de l’État d’Israël. D’ailleurs M. Peres, à 90 ans, va quitter la présidence israélienne le mois prochain pour prendre sa retraite. Ses décisions risquent de ne pas engager son successeur, Reuven Rivlin élu ce mardi. Membre du Likoud (droite), celui-ci passe pour un pur et dur à ranger chez les faucons imperméables aux appels à la négociation rapide avec les Palestiniens.

Les observateurs font remarquer que la rencontre de dimanche dernier au Vatican a été plus médiatique que « bousculante » pour les opinions du Moyen-Orient, comme semble en témoigner l’absence remarquée à la cérémonie du rabbin de Rome, Riccardo di Segni, officiellement retenu ailleurs par d’autres obligations. Les mêmes commentateurs n’hésitent pas à souligner aussi les légères discordances dans les trois discours prononcés au Vatican. Shimon Peres s’est dit pour une ville de Jérusalem commune aux trois religions ; Ahmoud Abbas a été pour la reconnaissance tout aussi immédiate des efforts accomplis par les Palestiniens sur la voie de leur liberté pendant que le pape invitait au « courage de la paix ».

Toujours est-il que c’est une rencontre qui a hissé le pape François au rang des acteurs silencieux d’une active diplomatie de la prière ; une « diplomatie des jardins du Vatican ». Du nom de l’emplacement, sans symbole autre que le vert des arbres, où s’est tenue cette rencontre très particulière. « Pour faire la paix, il faut du courage, bien plus que pour faire la guerre », a fait valoir le chef des catholiques. « J’espère que cette rencontre sera le début d’un nouveau chemin à la recherche de ce qui unit, pour dépasser ce qui divise. Plus d’une fois, nous avons été proches de la paix, mais le malin, par divers moyens, a réussi à l’empêcher. C’est pourquoi nous sommes ici, parce que nous savons et nous croyons que nous avons besoin de l’aide de Dieu. »

C’est, pour reprendre l’intitulé d’une émission française de télévision, pour dire : « On a tout essayé : voyons si avec Dieu il n’y aurait pas plus de chance ». Idée parfaitement résumée dans la conclusion du discours du pape : « Nous avons essayé tant de fois et durant tant d’années de résoudre nos conflits avec nos forces et aussi avec nos armes ; tant de moments d’hostilité et d’obscurité ; tant de sang versé ; tant de vies brisées, tant d’espérances ensevelies… Mais nos efforts ont été vains. À présent, Seigneur, aide-nous toi ! Donne-nous toi la paix ».

Lucien Mpama